Julien Bernard : « Ce n’est pas la période des baroudeurs »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Julien Bernard retrouve les avant-postes. Le coureur de la Trek-Segafredo a pris les deux échappées des deux premières étapes en ligne du Tour de Romandie. De quoi presque oublier que le grimpeur est un habitué des barouds à l’avant, lui qui commençait à prendre l’habitude de rester au contact de ses leaders dans le peloton. En Suisse, c’est donc un petit rappel de ses classiques, accompagné par le maillot de la montagne pour ne rien enlever au plaisir. Tueur ou moteur d’échappées, Julien Bernard est revenu avec DirectVelo sur ses aventures à l’avant, et constate d’ailleurs que la manière de courir n’est plus forcément la même qu’il y a quelques années en arrière.

DirectVelo : Tu étais encore devant ce jeudi !
Julien Bernard : C'était un peu plus dur de prendre l'échappée aujourd'hui, ça a bataillé 15-20 kilomètres. J'étais content de prendre le bon coup, on a eu un bon avantage cette fois. Ils ont appris la leçon d'hier de ne pas nous avoir laissé beaucoup de temps. On a pu gérer notre effort avec cinq minutes de marge. Dès que la Jumbo(-Visma) a mis en route, il fallait en remettre pour aller le plus loin possible. J'aurais aimé aller jusqu'au grimpeur d'après mais je n'avais plus les jambes. Demain il y a un chrono un peu plus tranquille. Et pourquoi pas y retourner ce week-end, sur une des deux dernières étapes. 

Quel est l’intérêt pour un coureur de jouer un maillot distinctif comme celui de la montagne ?
J'ai dit que ça serait le fil rouge de ma semaine. C'est une petite satisfaction personnelle. Je n'ai pas souvent l'occasion de jouer ma carte. On n'a pas de gros leader donc j'ai un peu ma chance, je peux me faire plaisir. Ça faisait longtemps que je n'avais pas été dans les échappées. Ces derniers temps je suis souvent resté aux côtés de mes leaders, mais je suis toujours un amoureux de l'échappée, ça me fait toujours plaisir d'y aller. 

Par extension, quel est finalement l’intérêt de prendre ces échappées matinales ?
J'ai toujours aimé aller de l'avant, à l'attaque. Je ne suis pas le plus fort pour gagner avec le peloton, je me donne ma chance en allant dans les échappées. Ça a marché une fois (pour remporter une étape du Tour des Alpes-Maritimes et du Var en 2020, NDLR), pourquoi pas une autre fois plus tard. Du moment où je n'ai pas le travail à faire derrière, j'ai ma carte. L'équipe est cool avec ça, ils me donnent toujours quelques cartes blanches et j'aime les saisir.

« J’ESPÈRE QUE ÇA VA TOURNER UN JOUR »

Tu as l’impression que les courses ont changé depuis tes débuts ?
Là il n'y avait aucune chance, ni hier ni aujourd'hui. Déjà, à trois, c'est sûr que c'est mort. Cette année c'est impressionnant, les courses se lancent de tellement loin, tous les jours. Il n'y a aucun suspense pour les échappées. Honnêtement il n'y a presque pas d'intérêt à aller dans les échappées, juste pour avoir le maillot sinon je sais qu'il y a très peu de chances. J'avoue qu'en voyant cinq minutes je me suis dit « bon, pourquoi pas » (sourire). Mais il faut déjà être très fort pour aller au bout tout seul, et que la course mette plus de temps à se décanter. 

On sent une forme d’évolution, avec cette impression que la course est tout le temps à fond…
C’est vraiment le cas depuis le début de saison, c’est impressionnant. À Paris-Nice c'était déjà le cas. Ce sont des rouleaux compresseurs derrière. Il faut être très fort, être un très gros groupe. Il n'y a aucune échappée qui est allée au bout en WorldTour cette année. Ceci explique cela. Ce n'est pas la période des baroudeurs. C'est plutôt le moment des gros leaders. J'espère que ça va tourner un jour et que je serai dans l'échappée ce jour-là.

« CE SONT DES BONS MOMENTS »

Est-ce que tu demandes à l’équipe pour aller devant, ou c’est à l'inverse le staff qui te le demande ?
Cette semaine on n'avait pas Mattias (Skjelmose), ni Giulio (Ciccone). Il y a Kenny (Elissonde) mais il est un ton en-dessous des gros leaders, on le sait. Surtout qu'il revient de blessure après le Tour de Catalogne. On n'a pas de stress, on a fait un super début de saison. On vient ici un peu plus cool et ça marche bien. Hier, on a fait podium avec Thibau (Nys), on a pris les deux échappées. C'est du plaisir et on va continuer.

Pourquoi prends-tu moins les échappées ?
L'année dernière j'en ai pris beaucoup moins. Mais c'est aussi parce que je roule beaucoup avec Mads (Pedersen). Mon rôle est plutôt de rouler derrière les échappées que d'aller dedans. Ce sont d'autres moments de ma carrière qui sont tout aussi plaisants. Quand Mads met la balle au fond derrière, c'est aussi sympa de rouler et d'être récompensé. Ce sont des bons moments, que ce soit en roulant dans le peloton ou en étant devant avec les échappées. Je ne sais pas si on peut parler de tueur d'échappées (rires), je préfère la faire vivre, mais quand on me demande du boulot, je le fais.

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