Lucas Grolier : « Je suis sur un petit nuage »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Alors que l’on a pris l’habitude, ces dernières années, de voir des talents capables d’éclore au plus haut niveau de plus en plus jeunes, d’autres ont toujours besoin de plus de temps pour arriver à maturité et se découvrir de belles qualités. C’est le cas de Lucas Grolier. Après avoir passé ses quatre saisons Espoirs au Vendée U, l’athlète de 23 ans a été conservé par la réserve du Team TotalEnergies en 2023, pour une cinquième pige dans le rôle de capitaine de route. Et le voilà qui, à sa propre surprise, réalise le plus beau début de saison de sa carrière, et de loin. Après s’être montré particulièrement régulier depuis le début de l’année, le Vendéen vient même de passer tout près de la victoire, ce vendredi, à l’occasion de la 3e étape du Tour du Loir-et-Cher (voir classement). DirectVelo en a profité pour faire le point avec un garçon qui pourrait bien revoir ses ambitions à la hausse, à court et plus long termes. Entretien.

DirectVelo : Tes compagnons d’échappée ont dit que tu avais fait une dernière descente de folie ce vendredi après-midi !
Lucas Grolier : J’aime ça, c’est là que je peux faire la différence. Physiquement, je ne suis pas le plus fort, même si j’ai passé un cap de “ouf”. Mais face à des mecs de Conti, il faut avoir conscience de ses limites. Le circuit final de cette étape me convenait très bien, avec cette bosse punchy puis cette descente technique, sur une route mouillée. J’ai débranché le cerveau et j’ai fait parler mes qualités de pilotage. Ça m'a vraiment servi.

Tu as réalisé une sacrée étape !
Je suis sorti une première fois dans le tour précédent, en profitant justement de cette même descente. Dans la bosse, je suis rentré sur l’échappée du matin. Puis les costauds, ceux avec qui je suis allé au bout, sont rentrés de l’arrière. Il valait mieux que j’anticipe car même si je marche fort en ce moment, on parle de gars de Conti, notamment. Ça roulait très fort. Par contre, je sentais que les mecs étaient complètement arrêtés dans la descente. J’espérais en profiter pour faire un joli truc dans le dernier tour. J’adore ces conditions météo. Dans le peloton, je voyais que ça tirait la gueule. Mais moi, j’adore ça (sourire).

« JE N’AI PAS DE REGRETS »

Mais le jeune suédois Jakob Söderqvist a anticipé en ressortant seul à quelques bornes de l’arrivée, pour ne jamais être revu…
Il y a eu un moment de flottement dans le contre quand il est sorti. Dans la descente, j’y suis allé. J’ai pris les trois derniers virages à la limite et je suis venu mourir sur lui à l’arrivée. Il m’a manqué cinq secondes mais j’ai fini par serrer le moteur dans les tous derniers mètres. C’est dommage mais je ne regrette rien. J’ai abattu toutes mes cartes sur le circuit. Le Suédois était vraiment fort car il était toujours à portée de fusil mais on ne l’a jamais repris. Et pourtant, j’ai fait une sacrée descente et je n’ai quasiment rien repris. Donc lui aussi devait bien piloter sa machine…

Tu es passé tout proche d’un succès sur une épreuve de Classe 2 !
Oui mais encore une fois, je n’ai pas de regrets. Je suis simplement heureux de m’être régalé aujourd’hui (vendredi) et d’avoir fait une telle étape. Je termine 2e, c’est très bien. Si on m’avait dit, l’hiver dernier, que j’allais terminer 2e en Classe 2, j’aurais fait les grands yeux (rire). Franchement, je m’en contente avec plaisir. Je suis sur un petit nuage.

« TRAVAILLER DANS LE MILIEU »

Depuis le début de saison, tu marches très fort, en témoignent tes Top 10 aux Plages Vendéennes, à Manche-Atlantique, au Circuit du Morbihan, à la Boucle de l’Artois et donc ici au Loir-et-Cher. Comment expliques-tu cette nouvelle régularité à haut niveau ?
Je m'entraîne énormément et surtout, je prends un plaisir monstre à le faire. J’aime ce vélo-là, cette façon de courir. Dans cette équipe, en plus, c’est le top. Je ne peux pas demander mieux. Le Vendée U n’a rien à envier aux Conti. Je me régale avec ce groupe, tant avec les coureurs qu’avec le staff. Pour ce qui est de mon évolution, c’est surtout que j’ai connu deux années quasi-blanches. Lors de ma première année Espoir, j’ai été blessé pendant six mois. Puis l’année suivante, il y a eu la Covid. Je n’ai pas progressé pendant tout ce temps. D’ailleurs, je dis souvent en rigolant au staff qu’en quelque sorte, je ne suis qu’Espoir 3 cette année. Du coup, à force de perdre du temps et de ne pas bien marcher, je m’étais fait une raison. Je m’étais dit que je ne passerais jamais pro, que je n’avais pas le niveau. D’ailleurs, on me disait que je n’avais pas forcément le niveau pour passer au-dessus, que j’avais un “petit moteur”. Mais maintenant, je me rends compte que je ne connais pas mes limites.

Récemment, tu étais directeur sportif des Juniors du CREF des Pays de la Loire sur la Bernaudeau Juniors. On pouvait y voir le signe d’une reconversion très prochaine…
Je suis en Masters à Nantes dans ce domaine du sport et avec cette volonté de travailler dans le milieu. Je mène les deux activités de front, les études et la pratique. Le Vendée U m’a gardé pour une saison supplémentaire dans le rôle de capitaine de route, parce que j’aime énormément épauler les jeunes. Je me régale autant à faire ça qu’à prendre le vélo pour aller rouler moi-même. Je ne sais pas combien de temps tout cela va pouvoir durer mais j’espère le plus longtemps possible car je me régale.

« PRENDRE DU PLAISIR AVANT TOUT »

Jean-René Bernaudeau, le manager de l’équipe TotalEnergies et de la réserve du Vendée U à laquelle tu appartiens, adore les profils comme le tien…
C’est vrai que je corresponds au cliché type du Vendéen qui a fait ses années au CREF puis toutes ses années Espoirs au Vendée U, etc. Tout se passe super bien dans l’équipe et j’ai le sentiment de pouvoir apporter plein d’autres choses que le simple fait d’être coureur. C’est sûrement dû au fait que j’ai pris en maturité. Jean-René m’a déjà dit en rigolant que j’allais prendre sa place. Mais plus sérieusement, je me vois vraiment continuer dans cette structure, que ce soit en tant que coureur ou membre du staff, avec TotalEnergies ou au Vendée U. Je m’y sens comme à la maison et j’ai envie de m’impliquer à fond pour ce groupe.

Cette saison 2023 pourrait donc s’avérer particulièrement importante pour toi. Tu étais peut-être sur le point de mettre un terme à ta carrière de coureur pour basculer de l’autre côté, mais de nouveaux gros résultats pourraient peut-être tout changer ?
En début d’année, on s’est dit qu’il serait super bien de gagner une fois en Élite, c’était le but. Maintenant, je me rends compte que je suis hyper constant. Je n’ai pas de creux, je me connais très bien et j’arrive à faire une super planification au niveau des entraînements et du calendrier. Sans prétention, je pense arriver à maturité. Mes études m’aident également beaucoup dans ma pratique du sport cycliste. Et je suis donc dans un environnement idéal avec un staff qui m’aide beaucoup. Je garde les pieds sur terre. Mais je suis ambitieux. Avec toujours à l’idée de surtout prendre du plaisir avant tout. C’est d’ailleurs ce que je dis toujours aux gamins. Il faut d’abord faire du vélo pour le plaisir et pas uniquement pour la performance. C’est une clef essentielle que j’ai fini par trouver. Et depuis, tout va bien. Pourvu que ça dure.

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