Christophe Manin : « Jusqu’en 2024, notre priorité, c’est l’olympisme »

Crédit photo DirectVelo

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Le tableau des médailles est devenu le bulletin de notes des fédérations sportives à chaque Jeux olympiques et l’Agence nationale du sport (ANS) leur demande d’améliorer leur moyenne pendant l’olympiade suivante. La FFC n’y échappe pas. Mais à partir de 2023, un nouveau tableau des médailles va s’ajouter avec le Super Championnat du Monde dont la première édition aura lieu au mois d’août en Ecosse. En 2027, c’est la Haute-Savoie qui accueillera l'événement qui réunit presque toutes les disciplines reconnues par l’UCI. À cette occasion, le Directeur technique national, Christophe Manin, lors de la réunion du Bureau exécutif du 6 octobre dernier déclarait : “si les investissements dans les disciplines olympiques sont essentiels eu égard aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, il n’en demeure pas moins qu’il est impératif que la Fédération se préoccupe pleinement des autres disciplines, notamment dans la perspective des Championnats du monde 2027”.  DirectVelo a demandé à Christophe Manin si ce nouvel objectif de 2027 à la maison allait changer les orientations de la DTN.

DirectVelo : Qu’est-ce que va changer le Super Championnat du Monde dans les priorités de la DTN ?
Christophe Manin : Pour remettre les choses dans l’ordre, en 2017 la France obtient l’organisation des Jeux olympiques en 2024. J’arrive DTN à ce moment-là et je sens des autorités de tutelle, le ministère, la pression dans le sens : “occupez-vous en priorité des disciplines olympiques”. Il fallait flécher les fonds publics vers les disciplines olympiques. Il fallait que j’apporte la preuve que je ne mettais pas d’argent sur les épreuves non-olympiques, comme le cyclo-cross. Je devais sacrifier certaines disciplines pour pouvoir avoir l’argent sur l’olympique. La priorité de la France, c’est de réussir les Jeux olympiques en 2024. C’est même allé croissant avec les conseillers de l’ANS qui nous finance, c’est uniquement l’olympique. Le développement des autres disciplines se fait seulement sur les fonds propres de la fédération. C’est sur les médailles olympiques que nous serons évalués et pas sur les médailles de Champions du Monde de descente en VTT. Jusqu’en 2024, notre priorité, c’est l’olympisme.

Quel était le sens de ta déclaration au Bureau exécutif du 6 octobre ?
Dans mon intervention au BE, je rappelle que dès 2023, on a un Championnat du Monde à Glasgow multidisciplines. Or, la France a une particularité. Le ministère des sports définit des disciplines de haut niveau. Il y en a dix dans le cyclisme. Celles qui n’en font pas partie n’ont pas d’aide. Mais dans le même temps, l’UCI développe le cyclisme en créant plein de disciplines : le pump track, le gravel, le VTT AE, le e-cycling, le flat et pour ces sports qui ne sont pas définis dans le haut-niveau, je n’ai aucun moyen financier ni humain pour m’en occuper.

« EN 2027 ON NOUS JUGERA SUR TOUTES LES DISCIPLINES »

Et pour 2027 ?
Quand on aura fini Paris 2024, le prochain objectif qui se profilera sera la Haute-Savoie 2027. Et là, il n’y a pas que les disciplines olympiques. On nous jugera sur toutes les disciplines. Quand la France est n°1 au Championnat du Monde de VTT aux Gets, c’est aussi grâce aux médailles de VTT AE et en descente et pas seulement à celles de VTT XCO. On réussira ces Championnats du Monde si on fait des médailles partout. Ma stratégie dans les moyens dont je dispose, c’est de continuer d’entretenir a minima ces disciplines hors haut-niveau pour que, dès qu’on aura la liberté d’y consacrer plus d’énergie, on puisse le faire.

Est-ce que trois ans, ce n’est pas trop juste ?
Franchement, on ne peut pas faire plus. L’ANS ne veut surtout pas de saupoudrage des aides. Même à l’intérieur des disciplines olympiques, elle définit une liste restreinte d’athlètes, le cercle haute-performance, qui doivent être les plus aidés, au détriment des autres. On nous demande de faire des choix sur les disciplines, de faire des choix sur les sportifs et de faire un accompagnement très fort sur ces sportifs.

« LE PLI EST PRIS SUR L’OLYMPISME »

N’y a-t-il pas le risque, si ces athlètes arrêtent après 2024, qu’arrivent en première ligne des coureurs qui n’ont pas bénéficié de programme aidé pendant ces années ?
Il y a aussi le programme relève. Les jeunes coureurs travaillent aussi en vue des Jeux de Los Angeles en 2028. Tout le sport français est concerné par l’olympisme mais on se pose la question de comment va être traité le sport après 2024 ? Est-ce qu’on aura toujours des moyens ?

Est-ce que ce Super Championnat du Monde en France, peut être un argument auprès de l’ANS pour continuer d’obtenir des moyens ?
Je crois que le pli est pris sur l’olympisme. Après Paris, il y aura Los Angeles, Brisbane... Le sport de haut niveau, c’est l’olympisme. Dans le cyclisme, nous avons la chance d’avoir plusieurs disciplines olympiques. Et on pressent que certaines pourront le devenir comme le Flat, le e-cycling, mais pour l’instant, nous n’avons pas les moyens de les aider.

« NOTRE SYSTÈME COMMENCE À NE PLUS MARCHER »

L’équipe de France Espoirs route va subir une baisse de moyens…
Ce n’est pas une baisse de moyens, on s’adapte à l’évolution et au rajeunissement du cyclisme. Aujourd’hui, les meilleurs coureurs Juniors passent professionnels dans les équipes réserve. L’équipe de France U23 devient comme l’équipe de France Élites, Pierre-Yves Chatelon devient un sélectionneur pour les Championnats et moins un formateur.

Est-ce qu’il y a un risque pour la fédération de perdre un savoir-faire chez les Espoirs et les Juniors et de privatiser la formation ?
Les Juniors, c’est vraiment notre corps de métier. À la sortie des Juniors, les équipes ont maintenant leur structure. Le rôle de formation de l’équipe de France Espoirs qui était primordial il y a dix ans devient moins important. Il y a d’ailleurs des coureurs qui sont dans des équipes type Groupama-FDJ qui n’honorent plus les sélections pour les stages, ils viennent seulement pour les Championnats. Notre système commence à ne plus marcher. C’est pour ça qu’on réduit le programme de la catégorie U23. C’est comme en VTT, les coureurs font la Coupe du Monde avec leur équipe, ce n’est plus l’équipe de France qui les emmène.

« UNE ÉQUIPE DE FRANCE U23 SANS LES MEILLEURS, ÇA N’A PAS DE SENS »

Est-ce que la catégorie Espoirs a encore un sens ?
Un étage intermédiaire entre les Juniors et les Élites peut encore se justifier pour un certain type de coureurs mais c’est la durée de quatre ans qu’il faut revoir. Mais entretenir une équipe de France U23 qui n’a pas les meilleurs coureurs, ça n’a pas de sens.

Et pour les coureurs à maturité tardive, que reste-t-il ?
Il y a les équipes National. Les équipes pros ne sont pas fermées si un mec à 24-25 ans devient très fort. Et si un coureur éclate à 22 ans, on pourra le prendre en équipe de France pour les Championnats. Mais depuis que je suis là, je n’ai pas vu trop d’exemples. Entretenir une équipe de France U23 avec des seconds couteaux alors que les premiers couteaux sont dans les équipes réserve ou équipes pro, ça n’a pas de sens. Pour moi la catégorie U23 commence à ressembler à la catégorie Elites.

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