La Grande Interview : Elie Gesbert

Une trajectoire à part. Elie Gesbert, double Champion de France Juniors en 2013, a choisi de rester fidèle au Team cycliste Pays de Dinan, à l'échelon DN3. "Pour une raison essentielle : je m'y sens bien", dit-il. Pas question pour lui de s'engager avec une équipe Continentale étrangère ni même avec un club de DN1. Warren Barguil, autre Breton, avait lui aussi opté pendant deux saisons pour une écurie locale, l'AC Lanester 56 (en DN2), avant de rejoindre le CC Etupes. Malgré son attachement à sa région, Gesbert n'est pas oublié des recruteurs ou des cadres techniques nationaux : il appartient à la fois à la Fondation de la FDJ, au Pôle Espoirs de Saint-Brieuc et aux sélectionnés réguliers de l'Equipe de Bretagne ou de l'Equipe de France... A 19 ans et demi, il continue de progresser vers son objectif de passer professionnel, d'abord en tant que stagiaire. Une préparation "sans se regarder pédaler" mais en accrochant la victoire, comme aux Trois Jours de Cherbourg, la saison passée (lire ici).

DirectVelo.com : L'an passé, tu remportes le Challenge DirectVelo des 19 ans (lire ici). Peux-tu remettre ça en 2015 ?
Elie Gesbert : Ce sera une autre paire de manches ! Je peux essayer de bien figurer au classement des Espoirs mais la concurrence sera relevée. Quoi qu'il en soit, je suis bien content d'avoir gagné au Challenge l'an dernier, parce que c'est un peu le classement général de la saison et, dans le cas du titre pour les 19 ans, on peut jauger une génération. C'est aussi la preuve qu'on peut réussir sans faire partie d'un club de DN1...

Tu as conscience que ton choix est atypique ? Tu vises un contrat de coureur professionnel tout en restant dans un club de DN3.
Il n'y a pas de parcours obligatoire pour évoluer à haut niveau. D'ailleurs, la Fondation de la Française des Jeux a toujours approuvé mon choix. Depuis que je suis sorti des la catégorie Juniors, j'ai reçu beaucoup de propositions d'équipes. Mais j'ai préféré signer au Team cycliste Pays de Dinan (lire ici) pour plusieurs raisons : je voulais rester en Bretagne, le club est sympa et il n'y a pas de pression négative.

« CE N'EST PAS CHEZ LES AMATEURS QU'ON FAIT CARRIERE »

Mais certaines offres devaient être alléchantes, tout de même ? Par exemple, un jeune coureur avec ton palmarès peut émarger entre 800 et 1200€ par mois.
En effet, j'ai reçu des propositions dans ce genre. Mais il faut se méfier. On n'est pas toujours certain que les promesses soient tenues. Et l'argent n'est pas ma priorité en ce moment. Il y a une devise qui dit : « Ce n'est pas chez les amateurs qu'on fait carrière ». Je préfère être patient.

Et l'opportunité d'évoluer dans une Continentale étrangère ?
Je trouvais un peu tôt de signer dans ce genre d'équipe à 19 ans et de courir tous les week-ends sur des épreuves UCI en 2.2. Je ne voulais pas non plus traverser la France pour aller dans une DN1 alors que le club de Dinan a son siège à 35 km de chez moi et que nous avons un beau calendrier, avec par exemple le Kreiz Breizh. Certaines équipes de DN1 n'ont pas un programme aussi beau que le nôtre... Leur problème, c'est aussi qu'elles sont trop concentrées sur la Coupe de France DN1.

Ce que tu qualifies de « pression négative » ?
Oui. L'enjeu sportif me plaît et je gère plutôt bien le stress des grands rendez-vous, mais je n'ai aucune envie de me battre pour une Coupe de France DN1.

Les managers d'équipes sont revenus à la charge l'hiver passé ?
Oui, mais moins que fin 2013. Je crois qu'ils ont compris mon état d'esprit. J'ai choisi de prolonger au Team cycliste Pays de Dinan pour une raison essentielle : je m'y sens bien...

« AVEC LA PANCARTE, ON PROGRESSE PLUS VITE »

L'essentiel de ton programme passe par la Bretagne ?
Nous courons dans l'Ouest de la France. Nos courses sont intéressantes, avec un public connaisseur qui nous motive. Le niveau est relevé parce que nous avons beaucoup de coureurs. A ce propos, j'aimerais bien être au départ du Tour de Bretagne après avoir renoncé l'an passé, à cause d'une tendinite. Bon, il m'arrive aussi de courir à l'autre bout du pays, ou même à l'étranger. J'ai la chance de pouvoir compter sur des sélections en Equipe de Bretagne ou en Equipe de France.

En Bretagne, tu as la pancarte ?
Parfois. Mais il ne faut pas se plaindre : si on a la pancarte, c'est qu'on marche bien. D'ailleurs quand on est marqué, on progresse encore plus vite. Il faut être plus fort tactiquement pour ne pas se retrouver piégé. Quand je suis sorti des Juniors, ça m'a fait drôle... A l'époque, le plus fort gagnait, pancarte ou pas. Chez les Elites, on tombe toujours sur un mec plus fort, plus malin, plus frais...

Alors, il faut doser ses efforts...
Oui. A Manche-Atlantique, l'une de mes premières courses Elites (lire ici), je me suis échappé tout seul dans le premier tour de circuit. Quand j'ai vu démarrer les autres, j'ai compris qu'on n'était plus chez les Juniors ! [rires] Petit à petit, j'ai appris à placer mes attaques au bon moment.

En Bretagne, on a vu des jeunes quasiment imploser parce qu'on les comparait à Bernard Hinault. Est-ce que tu fais face à une pression de cet ordre ?
Je n'en ai pas l'impression. Ce qu'on dit ou ce qu'on écrit sur moi, je le prends au second degré...

« EN COURSE, J'IMPROVISE »

Si on parlait de tes objectifs pour 2015 ?
Comme d'habitude, faire du mieux possible, sans me prendre la tête. J'aimerais bien être stagiaire avec une équipe pro. Et également participer au Tour de l'Avenir.

Parce que tu as des velléités dans les cols ?
Le Tour de l'Avenir, c'est la référence au calendrier Espoirs. Mais je ne me considère pas comme un pur grimpeur. Disons plutôt un grimpeur-rouleur. J'aime bien les terrains usants et les courses par étapes avec un contre-la-montre. J'essaie de progresser en haute montagne, en m'entraînant chaque été dans les Pyrénées, du côté de Bagnères-de-Luchon. L'an dernier, sur le Tour des Pays de Savoie, j'ai vite compris quelle était ma place, quand j'ai vu passer les leaders 10km/h plus vite que moi ! J'étais bien content de finir [il se classe 26e à plus d'une demi heure de Louis Vervaeke, NDLR].

Double Champion de France dans la course en ligne et le chrono, Vice-Champion d'Europe Juniors (2013), Vice-Champion de Bretagne du contre-la-montre (2014) : ton domaine de prédilection, c'est les courses d'un jour ?
Oui, je sais comment être prêt le jour J. Bien sûr, tu peux tomber sur un incident mécanique ou avoir un accident, et alors tu as la rage. Mais, en général, je réponds présent. C'est une question de préparation à la fois physique et mentale. J'ai très envie de gagner mais pas au point où la pression devient négative. Cet équilibre est difficile à trouver. Ensuite, en course, la plupart du temps, j'improvise. Je ne suis pas du genre à suivre un plan très strict établi à l'avance.

Pour cela, tu dois être dans les bons coups ?
Oui, je le dois, mais ce n'est pas mon point fort ! [rires] Chez les Juniors, je manquais le bon coup et je revenais ensuite en costaud. L'an passé, chez les Espoirs, j'ai manqué de réussite sur le Championnat de France, fin août. J'étais dans l'échappée qui a pris quatre minutes d'avance mais, en raison de désaccords, nous ne sommes pas allés au bout. J'espère avoir plus de chance en 2015.

« LE CYCLISME NE ME REND PAS FOU »

Pourquoi as-tu commencé le cyclisme par le VTT ?
Parce que ça me plaisait bien ! Ma famille est dans le vélo depuis plusieurs générations mais elle ne m'a pas influencé dans ce choix. J'ai donc débuté le VTT à neuf ans. Je n'étais pas assez technique en trial, pas assez débranché du cerveau pour la descente ! Par contre, je m'en sortais bien en cross-country ! Sur les manches du Trophée Régional ou du Trophée National des Jeunes Vététistes, j'obtenais des bons résultats. A quinze ans, j'ai eu envie d'essayer la route. Il faut dire que la Coupe de Bretagne de VTT était en train de décliner, passant de douze à trois épreuves. Le cyclo-cross m'a servi de transition. Puis je me suis mis à la route en 2011 et 2012. Ça a pris d'entrée de jeu : je gagne ma troisième course à Pen Ar Bed, dans le Finistère, je suis retenu au stage de l'Equipe de France et je remporte le classement général du Challenge National.

Il paraît que le VTT donne un caractère assez individualiste ?
Je ne vois pas les choses ainsi. Moi, ça ne me dérange pas de rouler pour les autres. Quand il a fallu travailler pour Axel Journiaux (lire ici), je l'ai fait avec plaisir !

Le VTT a aussi sa culture et ses codes, éloignés du cyclisme sur route...
Le VTT est plus convivial et plus olé-olé ! Les teams VTT forment des bandes de potes. Mais je retrouve pas mal de cette ambiance au Team Dinan.

C'est quoi être « olé olé » ?
C'est quand tu ne te regardes pas pédaler. Le cyclisme ne me rend pas fou ! Je suis sérieux à l'entraînement, je respecte les plans de Roland Le Dolédec [entraîneur au Pôle Espoirs de Saint-Brieuc]. Idem pour la nourriture : je mange sainement et pas trop gras (avoir une famille qui connaît ce sport, ça aide !). En-dehors, je ne me prends pas la tête. Avec mes copains du vélo, on essaie justement de ne pas parler de vélo.

Vous y arrivez vraiment ?
Hmmm... Plus ou moins !

Quel est ton terrain d'évasion ?
La pêche. Pas en hiver car il fait trop froid. Mais j'aime bien sortir la gaule le lundi, au bord d'un étang ou d'une rivière. C'est idéal pour la récupération. Je pêche la tanche, la carpe et le blanc, le petit vif. Mais, comme je ne suis pas tout à fait certain de la qualité de l'eau, je ne mange pas ce que j'attrape !

Crédit photo : Estelle Le Presse - www.photosestelle.fr
 

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