Juliette Labous, le sens du partage et des responsabilités

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Comme Romain Bardet pendant les trois premières semaines de juillet, une autre athlète défendant à la fois les couleurs françaises et celles du Team DSM va se battre pour tenter de monter sur la boîte à l’occasion du Tour de France. La réapparition de la plus prestigieuse course au monde, version féminine, est une aubaine pour Juliette Labous. À 23 ans, la Franc-Comtoise tutoie désormais les sommets après n’avoir fait que de s’en approcher depuis son passage précoce chez les pros, dès 2017. “Je me dis qu’un Top 5 peut être envisageable. Voire pourquoi pas un podium car je suis ambitieuse. D’un autre côté, j’ai bien conscience que ce sera un objectif difficile à atteindre et je n’ai pas envie de me mettre trop de pression”. Voilà ce que déclarait, fin mai, Juliette Labous à DirectVelo après son succès sur le Tour de Burgos (lire ici).

Juliette Labous peut être ambitieuse, elle qui ne fait que progresser. Sans faire trop de bruit, elle s’affirme de plus en plus comme l’un des potentiels plus gros talents du peloton féminin des prochaines années.Elle progresse de façon continue et très régulière”, se réjouit Camiel Denis, son entraîneur chez DSM depuis le milieu de saison 2019. “C’est sa force principale, elle ne fait qu’évoluer dans le bon sens, constamment. Je ne sais pas si ça aurait pu aller plus vite mais ce qui est certain, c’est qu’elle passe un palier important tous les ans. Quand tu es capable d’être parmi les plus fortes à la fois sur les chronos et lors des étapes de montagne, forcément, tu peux espérer de belles choses. Mais elle a aussi progressé sur les petites côtes de cinq minutes, sur des épreuves comme les Ardennaises. Elle est très complète et n’a pas un véritable point faible qui pourrait l’empêcher de gagner les plus belles courses. Elle a même toutes les qualités pour y parvenir”.

Du côté de Juliette Labous et du Team DSM, tous les espoirs sont donc permis, à court comme à plus long terme. À Burgos, elle a vraiment fait une grosse performance, d’un niveau que l’on n’avait pas encore vu chez elle jusque-là. C’était une confirmation de plus de son évolution. On ne sait pas jusqu’où elle sera capable d’aller, on ne va pas trop s’avancer. Mais quand tu fais 2 d’une épreuve WorldTour en 2021 (le Tour de Grande-Bretagne, NDLR), puis que tu gagnes une épreuve WorldTour cette année, forcément, pourquoi ne pas rêver au meilleur”, ajoute Camiel Denis.

DES TEMPS FAIBLES MIEUX GÉRÉS


Sur le Tour d’Italie, dernier test grandeur nature avant le Tour de France, Juliette Labous a d’abord vu toutes ses chances de bon classement général s’envoler sur un coup de chaud lors de l’étape de Cesena, avant de parfaitement rattraper le tir en décrochant la victoire d’étape en haut du Passo del Maniva, au terme d’une longue échappée. “C’était très dur dans cette dernière montée. J’ai senti que j’étais sans doute la plus forte du groupe alors j’ai décidé d’y aller en montant tout le col à mon propre rythme et ça l’a fait”, déclarait-elle à chaud. Les deux jours suivants, elle décrochait deux nouveaux Top 10 pour, finalement, terminer - tout de même - à une convenable 9e place au général. “Il y a encore quelques mois, son jour sans en début de Giro l’aurait sûrement plombée pour le reste de la course. Mais là, elle s’est très vite remobilisée pour gagner une étape. C’est une preuve de son évolution, assure son grand frère, Quentin. L’année dernière, ça aurait peut-être été plus compliqué pour elle. Elle manquait encore de confiance. Mais cette saison 2022 a changé pas mal de choses, elle a passé un gros palier au niveau mental. C’est la première fois, selon moi, qu’elle se dit véritablement qu’elle est capable de gagner les plus grosses courses. Elle a changé sa façon d’aborder les grandes échéances”, ajoute l’ancien coureur de 1ère catégorie.

Juliette Labous a toujours su ce qu’elle voulait. Témoignage de sa mère, Nadine, à l’appui. “Depuis toute petite, elle n’a jamais laissé tomber quoi que ce soit. Elle a commencé par le BMX et sur sa toute première sortie, elle était la seule fille au milieu des garçons. Elle a descendu la butte et elle n’a pas réussi à remonter la suivante après s’être élancée. Elle m’a regardée et elle est restée bête… Juste après, elle est venue me voir et m’a dit que la prochaine fois, elle arriverait à la monter. C’est très révélateur de son tempérament”. Depuis, la famille Labous a connu les hauts et les bas d’une vie d’athlète. “C’est bien d’être là dans les bons moments mais il faut aussi et surtout être là dans les mauvais. J’essaie toujours de la faire relativiser quand il y a une déception ou un coup dur. Sa vie n’est pas en jeu, après tout, ça ne reste que du sport”, poursuit Nadine Labous.

Camiel Denis, lui, ne connaît Juliette Labous que depuis trois ans mais il n’a pas eu besoin de beaucoup de temps pour être convaincu de la détermination, de l’implication et du sérieux de la Bisontine. “Elle apprend la prise de responsabilités. Elle sait ce qu’elle veut et elle n’a pas peur d’aller au devant des choses. Je me souviens que lorsqu’on s’est rencontrés, il y avait eu une grande réunion avec l’ensemble du groupe et du staff. Elle s’est levée, elle est venue directement à moi en me demandant si j’étais le nouvel entraîneur (sourire). C’est une anecdote mais je me suis tout de suite dit, à ce moment-là, qu’elle avait une âme de leader. Peut-être est-elle discrète dans la vie de tous les jours mais au sein du groupe, elle a vraiment le comportement d’une chef de troupes et elle n’hésite pas à en imposer”, analyse le technicien du Team DSM.

LA RIGUEUR, UNE VALEUR FAMILIALE

Outre son sens des responsabilités, Juliette Labous a aussi le sens du partage. “Elle a toujours été mature pour son âge et elle a toujours aimé partager. Quand elle n’avait que 10 ans, elle faisait déjà au mieux pour les petites de 6 ou 7 ans. Elle les aidait comme elle le pouvait”, souligne son frère Quentin. Avant que sa mère Nadine ne donne plus de détails. “Depuis qu’elle a commencé le vélo, j’ai toujours gardé chaque petit mot, chaque article du journal. Je trouve incroyable l’envie qu’elle donne aux petites filles. Beaucoup de jeunes lui disent qu’elles aimeraient faire comme elle et je sais que ça touche beaucoup Juliette. Elle a toujours été bienveillante, attentionnée et généreuse. Dès les Minimes ou Cadettes, elle donnait ses tenues qui ne servaient plus aux plus jeunes du club”. Quant à sa rigueur, Juliette la doit aussi, en partie, à sa grande-soeur Gaëlle. “C’est de dix ans son aînée et elle l’a prise pour modèle. Elle l’a toujours vu travailler sérieusement à l’école et elle a suivi le même chemin. Aujourd’hui, les enfants de Gaëlle sont également sur le vélo et c’est une grande fierté pour Juliette”.

Toute la famille a désormais hâte de voir Juliette viser les sommets entre Paris et la Planche des Belles Filles, notamment sur leurs terres franc-comtoises. “On rêve d’un podium. Franchement, c’est possible, s’enthousiasme Quentin. Si elle est dans la même condition qu’à Burgos… Je pense qu’elle va arriver avec un maximum de confiance. Une (Annemiek) van Vleuten sera sûrement un cran au-dessus mais derrière, tout est possible”. Juliette Labous pourra compter sur le soutien de ses parents aux départs, aux arrivées et en cours d’étape à partir du milieu de semaine. Si le papa est à la retraite, la maman travaille quant à elle toujours mais calque tous ses congés sur le calendrier de sa fille. Pour l’encourager sur les Classiques belges, sur le Championnat de France ou sur le Grand Prix de Plouay, ou pour l’aider à être dans les meilleures conditions possibles en stage. C’est ainsi qu’il y a quelques semaines, comme l’an dernier, Juliette Labous a passé trois semaines à Tignes (Savoie) pour un stage en altitude et ce sont ses parents qui l’ont un temps accompagnée. “On le fait avec grand plaisir, si ça peut l’aider”. Pour autant, l’an prochain, Juliette Labous n’aura peut-être plus besoin de solliciter ses parents pour son stage perso en montagne. “C’était nécessaire pour préparer au mieux l’enchaînement Giro-Tour. Elle est capable de se gérer et de faire ça au mieux, avec ses parents, même si on l’a aussi suivie de près, bien évidemment. Mais pour l’an prochain, on envisage de changer tout ça et de partir sur quelque chose de plus collectif. Il pourrait y avoir un stage montagne avec le groupe à cette période”, explique Camiel Denis.

Ces derniers jours, Juliette Labous a tâché de fréquenter le moins de personnes possible, afin d’éviter la tuile d’un test positif à la Covid-19, elle qui avait déjà connu une grosse mésaventure en 2020 en ayant traversé la France en large et en travers, parcourant 1600 kilomètres, pour rien (lire ici). Puis elle a pris le temps de peaufiner les derniers détails de sa préparation avec, notamment, une sortie foncière de quatre heures, lundi, avec son compagnon Clément Berthet (AG2R Citroën Team). Avant que son père ne l’emmène retrouver le reste de son équipe à Troyes, jeudi. Le grand jour est arrivé.

Pour en savoir plus sur Juliette Labous à l'amorce du Tour de France, cliquez ici pour découvrir ou redécouvrir tous les articles consacrés à la Franc-Comtoise depuis 2014. 

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