Julian Alaphilippe : « Je n’avais pas imaginé ce scénario »

Crédit photo Freddy GUÉRIN / DirectVelo

Crédit photo Freddy GUÉRIN / DirectVelo

Sensationnel, exceptionnel, monstrueux, éblouissant, héroïque… Les mots manquent au moment de décrire le performance XXL réalisée par Julian Alaphilippe, ce dimanche. Sur les terres flandriennes, à Louvain, dans une ambiance électrique et au milieu d’une foule immense, le Champion du Monde en titre a remis le couvert et réalisé un exploit encore jamais accompli jusque-là par un cycliste français : décrocher deux titres mondiaux consécutifs dans la reine des catégories. Ce titre, le puncheur de 29 ans est allé le chercher à l’instinct, sans véritablement s’attacher à respecter les consignes qui avaient été données lors du briefing d’avant-course par le sélectionneur Thomas Voeckler. “On n’a pas trop respecté le plan mais ça a marché quand même !”, s’est d’ailleurs amusé le lauréat auprès de son sélectionneur, au moment de le retrouver et de l’enlacer en zone d’interview. DirectVelo était présent à la conférence de presse du désormais double Champion du Monde. Entretien.

DirectVelo : Tu réalises un authentique exploit en conservant ton titre !
Julian Alaphilippe : C'est quelque chose de spécial, bien sûr ! Pour moi, déjà. Pour ma carrière, pour tout ce que je fais pour le vélo. Ce sont des souvenirs que je serai content de raconter à mon petit garçon. C'était une bonne journée pour moi. Je me suis senti bien toute la course ! Je devais essayer quelque chose. Je n'étais pas là pour attendre le sprint. Honnêtement, je ne réalise toujours pas... La semaine dernière, j'ai profité de chaque coup de pédale à l'entraînement avec le maillot. Je crois que j'ai besoin de temps pour réaliser ce qu'il s'est passé aujourd'hui (dimanche).

Tu as placé de nombreuses offensives avant de t’en aller seul. Puis il a fallu tenir pendant 17 kilomètres !
C’était horrible. Je me suis vraiment fait violence. Je pensais à mon petit dans le final, j’ai tout lâché, à l’arrache. Il y avait beaucoup de supporters pour la Belgique et pour Wout van Aert. Ils n’avaient pas forcément des mots très gentils mais je tiens à les remercier car j’ai appuyé encore plus fort grâce à eux (sourire). C'était quand même incroyable de voir autant de monde autour du circuit. Évidemment, dans le dernier tour, on m'a pas mal demandé de ralentir du côté des Belges (sourire) mais je comprends, c’est normal…

« JE N'ÉTAIS PAS CONCENTRÉ SUR UN MEC EN PARTICULIER »

Thomas Voeckler a insisté sur le fait qu’il n’y avait certainement pas de plan anti-Belgique ou anti-van Aert (lire ici)...
Tout le monde savait que Wout était l'un des plus rapides et l'un des plus forts. Mais il y avait aussi (Sonny) Colbrelli, Mathieu Van der Poel et plein de mecs très forts. Je n'étais pas concentré sur un mec en particulier. Je voulais juste faire la différence en attaquant moi-même.

Et tout a marché à la perfection !
L'année dernière, c’était déjà vraiment un rêve qui se réalisait pour moi. Ça avait été très difficile, mais une grande émotion à la fin. Je sais ce que c’est de faire un an avec le maillot arc-en-ciel. Je suis arrivé ici vraiment détendu, relax, avec forcément beaucoup de motivation mais aussi une certaine forme de relâchement. Ce doublé, je n’y pensais pas du tout, ce n’était pas prévu. Je ne pensais pas en être capable… Je n’ai pas de mots, mais je sais ce qui m’attend l’année prochaine.

« GAGNER AVEC MON COEUR »

Avant ce Mondial, tu semblais épuisé mentalement, et presque soulagé de possiblement abandonner ta tunique arc-en-ciel. Était-ce du bluff ?
Non, il y avait beaucoup de vrai. Ça a été une émotion vraiment incroyable de remporter le Championnat du Monde l'an dernier et de porter le maillot toute l'année. J'avais à cœur de le faire briller et de donner le maximum, de me faire plaisir et d'être à la hauteur du maillot, ce qui m'a demandé beaucoup d'énergie. Mais pour être honnête, avant d'arriver au Championnat, j'étais presque content que l'année - en arc-en-ciel - soit finie, pour partir sur autre chose. Avec, quand même, dans un coin de ma tête l'envie de bien faire et d'assumer mon statut sur ce Mondial. C'est ce que j'ai fait et je pense qu'il me faudra un peu de temps pour réaliser car en arrivant ici, je n'avais pas imaginé ce scénario… Je n’avais pas imaginé repartir encore une fois avec le maillot.

Il va donc falloir revivre cette même pression pendant douze mois supplémentaires. Les choses pourraient-elles être différentes cette fois-ci ? Comment imagines-tu la suite ?
Je ne sais pas. Je pense que j'ai besoin de temps pour réaliser que j'ai encore le maillot pour un an. Si vous me connaissez, vous savez comment je roule, que j'attaque énormément et que ça me coûte beaucoup d'énergie. Quand tu as le maillot de Champion du Monde, tout le monde te surveille et quand tu es un peu moins bien, tout le monde en profite pour te détruire car tu es attendu pour gagner chaque course. Depuis 2014, j'ai toujours été le même coureur. Je m'amuse en courant comme ça et je ne compte pas changer ma façon de pratiquer mon sport. Je ne suis pas un robot. Je veux continuer de courir avec panache, même si je perds souvent... J'ai envie de courir et de gagner avec mon cœur. Et le faire avec le maillot arc-en-ciel, c'est encore plus beau.      

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Julian ALAPHILIPPE