Entre grêle et neige, le Saugeais a martyrisé les coureurs

Crédit photo Nicolas Berriegts - DirectVelo

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Le soleil brillait, la température montait au fil des minutes, tout semblait se dérouler dans le meilleur des mondes, ce dimanche au Prix du Saugeais. Et pourtant, au moment du départ, ils sont peu nombreux à tenter le pari des manches courtes. La pluie battait pour l’arrivée de la course régionale féminine du matin, et les hommes s’apprêtaient à connaître un sort similaire durant l’après-midi. Le calme du début de course a laissé place à la tempête. Les nuages commencent à menacer au-dessus des têtes. Les phares des voitures brillent de plus en plus dans la pénombre et le vent fait sentir son souffle sous les casques. C’est à la mi-course que tout bascule. Les premières gouttes tombent, mais rien d’inquiétant dans un premier temps. Puis la pluie laisse la place à la grêle, et le Haut-Doubs devient une terre d’enfer pour une majorité du peloton.

Les coureurs composent de longues minutes avec leur invitée. Ils ne le savent pas, mais ils laissent sur les routes derrière eux un épais manteau de billes blanches. On ne sait plus exactement si c’est la grêle ou la neige qui s’abat sur leur tête, alors que le thermomètre frise avec le degré 0. Heureusement, les routes resteront praticables jusqu’au dernier kilomètre. Aurélien Doléatto n’est pas près d’oublier sa journée. “C'était vraiment l'enfer, confie-t-il à DirectVelo. Il s'est mis à faire soleil alors du coup j'avais enlevé la Gabba et les gants. Le tour d'après, c'était la grêle et la neige. J'ai récupéré ma Gabba et mes gants de plongée. Je me suis carrément arrêté pour les mettre, je n’y arrivais pas sur le vélo”. Anthony Baudis suit l’avis du coureur de Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme. “C’était quelque chose ! Au début, ça allait bien… Il y a eu même quelques éclaircies et puis on s'est pris une averse de neige et de grêle. Et là, ça a commencé à vraiment faire froid et c'était un peu de la survie après”, plaisante le sociétaire de Charvieu-Chavagneux IC, une fois réchauffé.

« IL FAUT ÊTRE DEVANT POUR JOUER LA GAGNE ET SURVIVRE »

Il aura donc fallu composer plus de 20 minutes avec des conditions extrêmes. La course s’en fait ressentir. Il n’y a plus un seul groupe digne de représenter le peloton. Les coureurs évoluent seuls, ou par grappes de quelques unités. Il n’y a guère que les survivants de l’échappée matinale qui parviennent encore à composer un groupe compact. “Dans des courses comme celles-là, il faut être devant à jouer la gagne pour survivre. Et j'étais devant depuis le début”, rapporte Gwen Leclainche (CC Etupes). Maxime Agut faisait lui aussi partie des premiers à bouger, lorsque le soleil illuminait encore le ciel franc-comtois. La grêle a  fait mal mentalement à tout le monde. C’était une vraie course d’homme. Ça se joue beaucoup dans la tête. Il faut choper le cercle vertueux, aller devant, y rester et avoir la niaque”, sourit-il à l’arrivée, le visage noir comme s’il sortait d’un cyclo-cross bien arrosé.

Il faut remonter dans les souvenirs des coureurs pour retrouver trace d’un tel carnage météorologique. Anthony Baudis se rappelle de la Transversale des As, en 2019, lorsque Clément Champoussin avait triomphé dans la neige. “J'avais fini en hypothermie mais sinon à part celle-là, j’ai rarement connu ça”, ajoute-t-il. Encore plus en arrière, Aurélien Doléatto se souvient d'une étape du Tour du Jura 2016. “J’étais allé me réchauffer chez des gens à quatre kilomètres de l'arrivée, je n’en pouvais plus… Je m’en suis rappelé aujourd’hui (dimanche) donc j’ai préféré m’arrêter pour m’habiller”. Heureusement pour les derniers coureurs en course, la pluie finit par laisser la place à de nouvelles éclaircies. Le soleil accompagne même les courageux dans le dernier tour de la course remportée par Axel Zingle (voir classement). Et ceux qui ont décidé d’en terminer coûte que coûte profitent d’un dernier bain de soleil pour sécher leurs vêtements.

« TOUT LE MONDE GRELOTTAIT ET ÉTAIT USÉ PHYSIQUEMENT »

Avec seulement 22 coureurs à l’arrivée, pour 89 partants, le dilemme de l’abandon s’est posé pour de nombreux coureurs. Mais Gwen Leclainche n’a jamais émis cette possibilité. “Quand ça a dégénéré, ça a fait du dégât, les 22 arrivants peuvent en attester ! Mais je n'ai pas hésité à continuer. Et une fois qu'il ne reste plus beaucoup de kilomètres, même s'il n'y a plus beaucoup d'essence, on se dit qu'on n'a pas fait tout ça pour rien donc il faut se faire mal et finir”. K-way sur le dos à l’arrivée, Jacques Lebreton s’est fait violence pour accrocher le Top 5. “J’ai été pris par le froid, mes muscles ont tétanisé. On essaie de se réchauffer comme on peut mais c’est compliqué. Et même pour se ravitailler, boire et manger c’est difficile. On essaie de finir au courage”. Aurélien Doléatto rejoint les avis de ses homologues. “Ça s'est fait au courage. J'avais trop mal aux jambes avec le froid mais je ne voulais pas bâcher”.

Ainsi, puisque les groupes avaient explosé en morceaux, les forçats ont dû se résoudre à un contre-la-montre individuel (ou presque) forcé. C’est le cas d’Anthony Baudis, 20e à l’arrivée. “J’avoue que les deux derniers tours, seul, ce n'était pas un plaisir”. Puis il a constaté les dégâts sur les visages de ses coéquipiers une fois rentré au camion. “Après l’arrivée, je voyais que tout le monde grelottait et était vraiment usé physiquement. On sentait que la pluie et le froid avaient fatigué les organismes, bien plus qu'en temps normal”. Le Haut-Doubs n’a pas été clément ce dimanche, comme en 2019, lorsque le chrono du matin (l’épreuve se disputait sur un chrono et une étape en ligne) avait été annulé en raison de ces mêmes conditions météorologiques. Ce n’était donc pas la première, mais il est fort probable que les futurs pelotons du Saugeais souhaitent que ce soit la dernière.

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