Pierre Moncorgé aux côtés des réfugiés

Crédit photo DR

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Dimanche dernier avait lieu le Championnat de Suède sur route. Kim Magnusson (Riwal Securitas Cycling Team) a décroché le titre national après un parcours autour de la ville d’Uppsala. Uppsala, c’est également la ville de Pierre Moncorgé, coureur français de 28 ans, parti s’installer du côté du pays scandinave il y a maintenant sept ans. Finalement septième après avoir bagarré en tête, dans une course rendue dantesque par les conditions météo, sa présence dans les classements peut interroger. "En Suède, on peut courir le championnat national si on est licencié au pays. Par contre, le titre national est réservé à un Suédois, précise-t-il. C’est d’autant plus amusant que j’ai demandé la nationalité il y a deux ans, mais je n’ai pas la réponse. Si j’avais gagné la course, j’aurais juste la satisfaction de la victoire, mais pas le titre". Licencié au Stockholm CK, club Elite suédois, il y a monté un projet original.

« PLUS INTÉRESSANT D’ÊTRE DANS CE RÔLE »

En 2018, Pierre Moncorgé quitte la formation Memil-CCN Pro Cycling, équipe continentale. L'année suivante il redescend en Elite suédoise, avec son club de Stockholm. "Je travaillais donc je n’ai pas continué en Continental. Je suis un peu DS et manager avec Stockholm. C’est ça qui me motive. La particularité de l’équipe, c’est que la moitié est composée de réfugiés". Celui qui travaille pour l’ambassade de France en Suède s’occupe de l’intégration dans l’équipe d’Afghans ou Syriens entre autres. "C’est aussi ce qui m’a motivé à continuer, pouvoir les aider. C’est plus intéressant d’être dans ce rôle. Je les entraîne et c’est stimulant car ils progressent". En fin d’année 2015, la Suède a fait face à une vague de réfugiés. Pierre Moncorgé en a pris sous son aile à son arrivée en 2019. "On les intègre par bouche à oreille. Certains clubs n’en veulent pas car ils ne parlent pas la langue. Il y a aussi la barrière culturelle, ça demande de l’investissement".

Sur le plan sportif, Pierre Moncorgé voit beaucoup d’ambitions chez ses protégés. "Ils veulent aller le plus haut possible. Déjà être au niveau Elite, c’est bien. Ils ont aussi des problèmes en parallèle, avec les autorisations de séjour, les soucis administratifs, etc. Ils ne savent même pas s’ils pourront rester en Suède". Il a aussi la volonté de transmettre tout ce qu’il a appris en France, notamment lors de son passage au VC Vaulx-en-Velin, entre 2011 et 2013. Ou avec l’actuelle Van Rysel-AG2R La Mondiale, puisqu’il est toujours engagé avec l’association. "Il y a d’excellentes structures de formation en France, j’ai beaucoup appris avec Régis Auclair. On se rend compte qu’à l’étranger, il n’y a pas toujours de solide formation. Faire des courses partout dans le monde me sert aussi pour transmettre". Le Français a parcouru le globe et couru dans plusieurs pays, comme la Chine. Expérience qu’il avait racontée à DirectVelo (lire ici).

« BEAUCOUP DE PETITES STARS AU PAYS »

En Suède, Pierre Moncorgé a constaté de grandes différences avec l’entraînement pratiqué en France. "Ils s’entraînent très dur, mais c’est beaucoup moins tourné vers les courses. Par exemple, j’ai noté une bizarrerie. Ils ne font pas de coupures entre les saisons. Dès octobre ou novembre, ils s’entraînent déjà à bloc, alors que la reprise n’est qu’en avril". Ainsi, l’ancien 4e du GP Liberty Seguros apporte le côté compétitif à ses coéquipiers. "En France il y a beaucoup plus de connaissances sur le vélo et l’entraînement. En Suède, il y a des talents bruts à polir, mais ils ne sont pas forcément dans les structures qui peuvent les aider". Un noyau dur qu’on retrouve également en grande partie dans les courses Elite suédoises. "Il n’y a pas beaucoup de profondeur. On est une centaine, et je dirais qu’il y en a une cinquantaine au niveau Elite. Mais ce sont 50 d’un très bon niveau. Ils seraient des bons coureurs Elites en France".

Mais à l’inverse de ses voisins norvégiens et danois, la Suède manque de structures au-dessus du niveau Elite. "Il n’y a plus d’équipe Continentale pour prendre la relève en Suède. Pour les jeunes il est donc essentiel d’aller en France, en Belgique, ou dans d’autres pays étrangers". Pierre Moncorgé sait de quoi il parle, puisqu’il a pris en charge August Höglund, actuellement sociétaire du Chambéry Cyclisme Formation. "Il est double champion de Suède Juniors et il s’est vite rendu compte qu’il fallait partir pour passer des paliers. J’ai un rôle de mentor avec lui, pour l’aider à s’intégrer, répondre à ses questions sur la vie en France, etc". Mais beaucoup de Suédois sont moins décidés à quitter leurs terres. "Certains préfèrent leur petit confort et ne veulent pas s’expatrier. C’est comme ça qu’on perd des talents, il y a beaucoup de petites stars au pays". Mais avec seulement 40 à 50 jours de courses, et des épreuves répétitives, il y a une nécessité de partir en Europe de l’Ouest pour se tester.

« UN OUTIL D’INTÉGRATION GÉNIAL »

Outre son travail d’encadrant, Pierre Moncorgé continue à pratiquer ce qu’il appelle le vélo plaisir. "J’accompagne l’équipe mais si une course ne m’intéresse pas, je ne la fais pas. Je fais les 70 kilomètres qui me séparent du travail deux à trois fois par semaine. Et je fais du gravel car il y a un terrain favorable à cette discpline ici". Celui qui pratique aussi le basket est loin d’avoir perdu toutes ses qualités. "Je perds un peu, mais tout doucement. L’année dernière j’étais quasiment sur tous les podiums, juste au métier". Mais l’essentiel n’est plus là pour l’avenir. "Je n’ai eu aucun mal à tirer un trait sur ma carrière en Conti. Je veux continuer sur cette lancée avec l’équipe. Je veux les amener à progresser encore plus". Et continuer à se servir du vélo pour aider les réfugiés. "C’est un outil d’intégration génial. Les réfugiés du club apprennent la langue plus vite. Ils peuvent se constituer un réseau. On participe aussi à améliorer leur qualité de vie en Suède. Il y a d’autres enjeux avant le côté sportif". Et Pierre Moncorgé risque d’avoir encore du travail pour quelques années.

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