François Trarieux : « Optimiste pour le cyclo-cross français »

Crédit photo Hervé Dancerelle - DirectVelo

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La Marseillaise a résonné, dimanche en début d’après-midi, dans le ciel de Dübendorf (Suisse). Marion Norbert-Riberolle a en effet apporté à la France le titre Mondial chez les Espoirs Femmes. De quoi satisfaire le clan français. “Je vois le verre à moitié plein”, assure le sélectionneur François Trarieux, à DirectVelo, au moment de dresser le bilan de ce Championnat du Monde.

DirectVelo : Marion Norbert-Riberolle a-t-elle sauvé le bilan de l'Équipe de France ?
François Trarieux : Avant ce Championnat du Monde, je me disais que l’on avait deux chances de médailles : une avec Marion, l’autre avec Antoine (Benoist). Ce sont les deux coureurs qui avaient été les plus réguliers cette saison. Chez les Juniors, il aurait fallu faire une grosse performance pour bouleverser la hiérarchie. Le bilan est conforme à ce que l’on pouvait attendre, avec un titre sur deux possibles. C’est l’une des saisons les plus abouties depuis quelques années. La victoire de Marion vient clore de la plus belle des manières une saison où il y a eu également le titre de Champion d’Europe de Mickaël (Crispin). Deux titres internationaux pendant la même saison, ce n’est pas arrivé souvent. J’estime que ça restera une très bonne saison.

On aurait pu attendre mieux chez les Juniors Hommes...
Chez les garçons, il y a eu une une ultra-domination des Belges. Ils avaient déjà quatre coureurs dans les cinq premiers au Championnat d’Europe. On peut dire que le résultat est logique quand on regarde la grille de départ. Il y avait cinq Belges sur huit en première ligne. La réussite n’a pas été avec nous. Rémi (Lelandais) et Florian (Richard Andrade), partis en deuxième et troisième lignes, ont été pris dans un accrochage. Ils ont été repoussés rapidement au-delà de la 10e place. Devant, ils ont vite fait le trou. En 40’ de course, il est compliqué de boucher les écarts. Florian a eu une mononucléose cet hiver. Il est revenu tard. Il avait terminé 4e de la Coupe du Monde à Berne, en début de saison. Il a montré avec sa 8e place que j’ai eu raison de lui faire confiance. Excepté Rémi et Noé (Castille) qui a eu du mal à terminer la saison, ils sont plutôt à leur place.

Que faire pour “gratter” des places sur la ligne de départ ?
Clairement, on a un déficit sur les grilles de départ dans cette catégorie. Au Mondial, c’est le classement UCI qui est pris en compte. J’espère que ça aidera les coureurs d’avoir deux manches de la Coupe de France la saison prochaine. Ça entraînera une économie de trajets, tout en permettant d’avoir plus de points UCI. Il y a aussi un travail d'athlétisation et de préparation physique à faire. Thibau Nys est le fils d’un ancien grand Champion. Son père, Sven, a toujours eu une réflexion sur sa pratique. Thibau est très pointilleux, très encadré et il y a un vrai travail de formation de fait avec lui.

« NE PAS FAIRE UNE ANALYSE SUPERFICIELLE »

Et chez les Juniors Femmes ?
Shirin Van Anrooij est vice-Championne du Monde du contre-la-montre. Puck Pieterse et Madigan Munro, qui font 2e et 3e, sont parmi les meilleures du Monde en VTT. Ce sont trois filles qui jouent les premiers rôles au niveau mondial. Ça aurait été un miracle d’avoir une médaille. Line (Burquier) finit 6e, c’est très bien. Nos filles ont peu couru au niveau international cet hiver. Lauriane (Duraffourg) s’est fracturé la clavicule en début de saison. Olivia (Onesti), vice-Championne d’Europe, n’était pas là. Dans cette catégorie, nous avons des filles qui ont du potentiel.

Le bilan de ce Mondial est donc positif pour toi…
Il faut essayer de tout comprendre au moment de dresser un bilan et ne pas faire une analyse superficielle. On passe tout l’hiver avec les coureurs, on échange sur leurs entraînements, etc. Nous avons les informations. Je n’ai pas encore eu le temps de débriefer avec les coureurs. Ils étaient 21 au Mondial. Il est très difficile que tout le groupe atteigne ses objectifs. La course de chacun doit servir de base pour bosser. Ça doit leur permettre de mûrir. Chaque cas est différent.

As-tu des exemples ?
Le jeudi du Mondial, Rémi a passé sa journée à Lyon pour un rendez-vous pour ses études post-bac. Pendant la semaine, il était à l’internat. Il n’a pas été libéré et n’a pas pu bien rouler. À quoi ça tient ? Quand on analyse une course, il faut savoir prendre le recul nécessaire. Pour les Juniors, filles ou garçons, c’est le premier Mondial ou alors le premier avec un enjeu. Les Belges savaient que Thibau Nys allait faire une grosse course. Ça enlève de la pression à tout le groupe. Les autres n’avaient pas de questions à se poser. Rémi, qui était notre Junior le plus attendu, a encore un peu de mal à supporter la pression. Il doit travailler là-dessus. Tout le monde a un avis après un Mondial, mais il faut savoir rester objectif.

« SE DEMANDER CE QU’ON PEUT METTRE EN PLACE »

Il est difficile d’entendre certaines critiques ?
Le bilan peut être critiqué, mais ça ne sert à rien d’être négatif. Il faut que ça serve, qu’on se demande ce qu’on peut mettre en place. On a bien conscience que les Belges ou Néerlandais font peu de déplacements. Nos coureurs n’ont pas le choix. J’estime qu’on progresse en affrontant les meilleurs. Pourquoi les meilleurs vont-ils tous en Belgique ? C’est le meilleur Championnat au Monde, comme la NBA au basket, l’Espagne et l’Angleterre en football. On peut se réjouir quand nos talents rejoignent les plus grandes structures. Il faut que l’on travaille encore sur l’attractivité de notre circuit national pour le rendre plus médiatique et concurrentiel. Au-delà de ça, nos structures pourront encore se développer : Pidcock est dans une équipe anglaise et il termine, ce week-end, 2e du Championnat du monde Élites. On doit aussi bosser en amont de la saison. Ugo Ananie et Noé Castille font par exemple peu de route. C’est bien que pendant l’hiver des J1 viennent sur la Coupe du Monde. Ça leur permet de voir le décalage qu’il y a avec les meilleurs. Ça doit leur permettre ensuite de bien travailler sur la route. On ne progresse pas en faisant des bunny-up. On a souvent eu du mal dans les structures à faire le lien entre la route et le cyclo-cross. En Belgique, ils se préparent l’été avec leur équipe. Au-delà de ça, ils ont moins de déplacements, moins de pression… Un Français peut se dire : “Merde si je ne suis pas dans le coup, l’équipe ne fera pas un bon résultat”.

Mais la France n’aurait-elle pas pu espérer un peu mieux ce week-end ?
Il est très rare d’avoir une réussite totale. Les Pays-Bas ont gagné quatre des six courses. Les Belges ont un seul titre et un seul Élite, Toon Aerts, sur le podium chez les Hommes. Antoine et Marion ont pu bien se préparer cet hiver avec leur équipe. Ils ont pu faire du volume en Espagne. Marion s’est donné les moyens de réussir. Antoine a été dans le coup toute la saison, malgré des problèmes de santé en début d’hiver. Il finit 3e de la Coupe du Monde, il est 3e du classement UCI, 4e du Mondial… Il a fait une belle saison. C’était le premier déçu samedi. Évidemment que l’on aurait tous aimé qu’il soit Champion du Monde. Il faut analyser sa performance en profondeur. Antoine a changé d’environnement cet hiver. Il a saisi cette opportunité d’Alpecin-Fenix, une équipe qui lui donne les moyens de réussir. Ça portera ses fruits. Iserbyt et Pidcock ont quitté la catégorie Espoirs alors on attendait Antoine. Il a eu cette pression-là. Il doit profiter de cet hiver pour se construire pour la suite. Il n’a pas gagné de manche de la Coupe du Monde, il est quasiment à sa place en terminant 4e du Mondial. On ne peut pas parler de contre-performance.

C’est l’avenir de la discipline chez les hommes...
Antoine, c’est un gros bosseur. Il sait faire les sacrifices nécessaires. Il va trouver la clé. Le but n’est pas qu’il brille chez les Espoirs, mais qu’il fasse un jour un podium en Élites. Bien sûr, on fera tout pour qu’il brille l’hiver prochain, à Ostende, pour son dernier Mondial Espoirs. Tout ce qu’il fait aujourd’hui, ça paiera à moyen terme.

« TROUVER DES SOLUTIONS PLUTÔT QUE SE PLAINDRE »

L’absence d’un stage de l'Équipe de France a-t-il porté préjudice ?
La question peut se poser. Mais je pense surtout que ça se joue en amont de la saison. Il faut pouvoir réunir les coureurs avant la saison, faire venir un préparateur mental, un préparateur physique, un diététicien… Ils n’ont pas toujours les outils nécessaires. Si c'est inné pour certains, il faut parfois aller chercher ailleurs les solutions. J’ai déjà demandé à organiser ce type de rassemblement. J’espère que l’on pourra trouver des solutions pour mettre ça en place. Notre budget était serré cet hiver, avec les Jeux Olympiques de Tokyo. L’avantage, quand tu es pauvre, c’est que tu réfléchis différemment et l'on se pose des questions que l’on ne se poserait peut-être pas. Je préfère passer mon énergie à trouver des solutions avec ceux qui s’investissent plutôt qu’à me plaindre.

Tu vois donc des raisons d’être optimiste ?
Je vois le verre à moitié plein. J’estime que l’on est à notre place. Marion n’avait pas gagné chez les Espoirs cet hiver. Rémi, le meilleur français en Coupe du Monde, a fait deux podiums, ce qui lui donnait 25 % de chances d’avoir une médaille. Pas plus. C’est dommage chez les Femmes que Caroline (Mani) et Perrine (Clauzel) soient pris dans une chute. Elles auraient pu bien faire, comme a su le faire Marlène (Petit, 10e). On aura ce Mondial en France en 2025. Un an après Paris, ça sera nos Jeux Olympiques à nous. On est quand même optimiste avec ceux deux titres internationaux en Espoirs cette saison. Marion, dans le dernier tour du Mondial, elle a fait un wheeling sur la passerelle. Elle a beaucoup progressé en Belgique, mais je n’oublie pas qu’elle vient du BMX. Elle a été formée dans nos clubs. C’est une fille qui a fait beaucoup de sacrifices avec sa famille. Ils sont partis en Belgique. Mais il ne faut pas chercher à opposer les gens et les parcours. On doit tous s’associer pour développer nos talents. On réussira comme ça. Je suis optimiste notamment chez les Féminines où la France a souvent brillé au Mondial. Nous avons quand même quatre titres, chez les Elites, depuis 2002. Hélène Clauzel et Pauline Ferrand-Prévot vont revenir au cyclo-cross et une nouvelle génération arrive. On ira reprendre ce titre aux Néerlandaises.

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