Eekhoff déclassé : et maintenant, quels règlements ?

Crédit photo Nicolas MABYLE / DirectVelo

Crédit photo Nicolas MABYLE / DirectVelo

Vendredi soir, le déclassement de Nils Eekhoff, premier coureur à franchir la ligne d’arrivée du Championnat du Monde Espoirs, était au coeur de nombreuses discussions, au sein des différents hôtels où séjournent les athlètes de ces Mondiaux britanniques, dans le Yorkshire. Ce samedi, nombreux étaient celles et ceux qui abordaient encore le sujet. Avec le plus souvent beaucoup d’incompréhension. “Je trouve ça injuste. Sa victoire s’est faite à la pédale. J’ai toujours pensé que le retour dans la file des DS était autorisé, surtout après une chute, un incident mécanique, une crevaison… Ce qu’a fait Eekhoff, tout le monde l’a déjà fait”, confie Théo Delacroix (*), qui a également participé à ce Mondial Espoirs, auprès de DirectVelo. “J’ai toujours cru qu’il était toléré de rentrer au cul de la dernière voiture sur une chute, tant que tu ne t’accroches pas”, confie un autre coureur Espoir ayant participé à ce Championnat du Monde U23. “Comme dans tous les sports, il faut respecter la décision des commissaires que je ne remets pas en cause. Mais sur les 160 coureurs au départ, sur la même chute, je pense que 99% des coureurs auraient fait pareil”. Le Hollandais n'est pas le seul à avoir été disqualifié pour le même motif puisqu'Alexander Konychev et Andreas Stokbro Nielsen l'ont été aussi.

LA SANCTION AURAIT DÛ ÊTRE IMMÉDIATE

Sélectionneur des Juniors tricolores, Julien Thollet se voulait lui aussi perplexe, au lendemain de ce drôle de dénouement. “C’est une situation qui est déjà arrivée à toutes les équipes. Hugo (Toumire) a chuté sur la course des Juniors et quand il s’est relevé, on lui a redonné un vélo. On l’a ramené au cul des voitures et ensuite, c’était à lui de se débrouiller. Cette situation, je ne m’en cache pas. Mais visiblement, cette règle est finie…”. Ce dernier l’admet, il y a de quoi “s’embrouiller l’esprit”. Et pour cause : “Je pense aux images du jeune Colombien (German Dario Gomez, NDLR) chez les Juniors. On voit ce gamin qui pleure sur le bord de la route, et on ne comprend pas pourquoi toutes les voitures passent mais ne le dépannent pas… Toutes ses chances s’envolent à ce moment-là. Oui, je suis passé devant avec ma voiture, moi aussi… On s’indigne, mais si quelqu’un l’avait dépanné et ramené dans le paquet, on aurait dit quoi ?”.

Il y a quelques semaines déjà, Jérémy Cabot avait lui même été pénalisé lors des 4 jours des As-en-Provence, perdant la course le dernier jour suite à une pénalité, pour le même type d’infraction que Nils Eekhoff (lire ici). Mais sur les routes provençales, la sentence avait été immédiate, puisque les équipes avaient été informées de la pénalité infligée au maillot jaune durant l’étape. Une situation qui aurait été préférable également sur ce Mondial, selon tous les témoignages recueillis. Un coureur résume : “Selon moi, il fallait faire le barrage tout de suite. Là, ils déclassent Eekhoff après coup, mais il a influencé la course. Peut-être qu’en l’arrêtant directement, ce n’est pas Battistella qui aurait été Champion du Monde. S’ils prenaient une décision, ça devait être sur le moment. Au foot, on ne va pas annuler un penalty à la fin du match, une fois que les joueurs célèbrent leur victoire”. Même son de cloche pour Julien Thollet, qui parle d’un “carton rouge (qui) doit être sorti immédiatement”.

EVITA MUZIC LAISSÉE DANS LA PAMPA, POUR NE PAS PRENDRE LE MOINDRE RISQUE

Mais alors, que faire à l’avenir ? Les coureurs ont-ils désormais peur d’être victimes de la même sanction s’ils restent, ne serait-ce que quelques secondes, dans le sillage de leur véhicule suiveur ? “Il faut éclaircir le règlement car là, je ne vais plus savoir quoi faire. Si on ne peut plus rentrer derrière la voiture après une chute, alors une chute est égale à un abandon. Car sur du plat, seul derrière le peloton, tu ne peux rien faire”, confie un coureur Espoirs. “C’est alarmant pour la suite. Il faut qu’il y ait rapidement un éclaircissement sur ce point du règlement. Tant que le jugement restera tributaire des commissaires, il y aura toujours des contestations car certains commissaires le tolèrent plus ou moins”, regrette Théo Delacroix. La situation semble floue, comme le confirme Julien Thollet (qui s'exprimait avant la publication de la vidéo de l'UCI rappelons-le) : “Pédagogiquement, il faut que l’on comprenne. À l’instant T, si tous les mecs qui se retrouvent dans le coffre d’une voiture sont mis hors-course, les pelotons seront maigres aux arrivées. J’aurais aimé être une petite souris et écouter ce que se disaient les arbitres”.

Les arbitres, justement, ont été sollicités par
DirectVelo, ce samedi, en marge de l’épreuve Elites Femmes. Mais consigne a été donnée par l’UCI de ne pas communiquer sur le sujet jusqu’à la fin des Mondiaux. En attendant un éventuel éclaircissement de la situation et du règlement, que certains considèrent comme à deux vitesses, l'Équipe de France féminine n’a pas pris le moindre risque ce samedi après-midi. “On s'est dit que les commissaires allaient respecter la règle à 100%". Du coup, pas question de ramener Evita Muzic dans le peloton à l’aide du véhicule, lorsque la Championne de France Espoirs est victime d’un ennui mécanique, après huit kilomètres seulement. "Elle avait le dérailleur qui était bloqué. On l'a alors laissée dans la pampa. Elle est revenue par ses propres moyens dans les voitures. On n'a pas fait comme on aurait fait habituellement par rapport à ce qui s'est passé hier (vendredi). On n'a pas joué du tout. L'idée, c'était de ne pas perdre une fille sur déclassement”, confie Paul Brousse. Ce dernier, comme son homologue Julien Thollet, ironise ensuite sur l’utilité des voitures de directeurs sportifs. “Si les voitures ne ramènent plus les coureurs après un incident, ce n'est limite pas la peine d'avoir des véhicules qui suivent. Il suffit juste d'avoir des voitures neutres”.

(*) Les différents propos ont été recueillis avant la mise en ligne de la vidéo par l'UCI (voir ici).

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