Emmanuel Hubert : « Warren a une certaine magie »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Nul doute que la joie intérieure est immense. Au fond de lui, Emmanuel Hubert doit bouillonner. Pourtant, c’est avec un ton très calme et la voix posée que le manager général de la formation Arkéa-Samsic a pris le temps de répondre aux questions de DirectVelo, après le sacre de son poulain Warren Barguil sur le circuit de la Haye-Fouassière (voir classement). Malmené et vivement critiqué ces derniers mois, le Breton s’est offert ce dimanche la tunique bleu-blanc-rouge, pour le plus grand bonheur de son manager.

DirectVelo : Que ressens-tu, quelques minutes après le titre de Warren Barguil ?
Emmanuel Hubert : On ne peut être qu’heureux. Ce sont des instants magiques et magnifiques. Vivre un titre de Champion de France, puis ramener ce maillot sur les routes du Tour de France, c’est forcément une belle lettre qui s’écrit. Et cette lettre n’est pas finie, je suis sûr qu’il y a encore de belles choses à y écrire. 

Comment as-tu vécu les derniers kilomètres, où étais-tu ?
J’étais avec mon gamin. Dans les trois derniers kilomètres, il m’a martyrisé les épaules. Il m’a tapé dessus (sourires). J’ai mal au dos… Au-delà de ça, je me suis accroupis plusieurs fois pendant ces trois derniers kilomètres. D’un côté, tu veux voir les images de la télé, savoir ce qu’il se passe. Puis d’un autre côté, tu as aussi envie d’avoir des moments d’absence… C’est tellement stressant ! Au fond de moi, j’y ai beaucoup cru.

Pourquoi ?
Parce que Warren va vite. En petit comité, il sait faire et c’est même l’un des plus “vite” au sprint. En 2017, sur le Tour, il a battu Contador et Quintana comme ça. Quand tu en es capable, c’est que tu vas très vite au sprint. Aujourd’hui (dimanche), il a bien su manoeuvrer son sprint. Il a pris du recul, pour prendre de la vitesse par rapport à la pente dont on pouvait bénéficier à 250 mètres de la ligne. Il avait de très bonnes jambes et en plus, il a bien manoeuvré.

Warren Barguil, toi-même et l’ensemble de l’équipe, n’avez pas vécu que des moments faciles lors de ces deux dernières saisons, loin de là… Cette situation rend-elle ce succès encore plus beau ?
Je fais un métier où il faut vivre avec la pression. Que ce soit la pression des médias, du public ou des partenaires. C’est mon quotidien et je l’assume. Quand ça ne fonctionne pas, c’est aussi à moi, en tant que patron d’entreprise que je suis, d’apprendre à encaisser les coups. Je ne dis pas que c’est tout le temps rose, mais il faut savoir apprendre à prendre des coups, mais aussi apprendre à se protéger. Je suis comme Warren, je suis quelqu’un d’affectif. Je m’appuie sur mes proches, et on essaie d’analyser toutes les situations négatives en essayant d’en ressortir du positif, ce que fait d’ailleurs très bien ma femme. Je ne fais pas énormément de bruit. Je refuse d’ailleurs beaucoup de demandes des médias. Ce n’est pas une protection, mais disons que je n’ai pas forcément besoin de tout le temps parler. Ce que je veux, c’est parler à mon staff et à mes coureurs. Quand ça ne va pas, on fait le dos rond.

« J’IMAGINE QUE LA “WAWA MANIA” EST REPARTIE »

Et cette fois-ci, vous gagnez brillamment !
Il ne faut pas non plus choper la grosse tête tout de suite. Il n’y a pas besoin. Il faut analyser tout ça. On a gagné, mais on aurait pu perdre. Il faut toujours analyser les choses, et savourer les moments positifs, c’est certain. Un maillot bleu-blanc-rouge, ça se respecte.

Parlons de Warren : il est passé par des phases très difficiles ces deux dernières saisons, après avoir vécu un Tour de France 2017 de rêve…
Il a su montrer beaucoup de maîtrise et de métier aujourd’hui. Il faut regarder les choses en face : ce gamin, il a quand même une certaine magie dans les jambes. Il sait sortir quelque chose quand il le faut. C’est un gagneur. Le cyclisme, ce n’est pas un métier facile. Cela ne sert à rien de critiquer ces jeunes-là… Il a vécu un sacré Tour de France en 2017. Il y a eu la “Wawa Mania” et ensuite, ça a été compliqué pour lui. Pourquoi ? Parce qu’il a peut-être eu un mauvais cheminement pendant l’hiver suivant. Ce n’est pas facile de se relever d’une telle hégémonie, d’une telle reconnaissance… Warren a souffert pendant ces quelques mois. Mais il a fait un très bon hiver. Il marchait très bien en début de saison, déjà.

Il aurait pu marcher plus tôt dans la saison ?
Je suis sûr que sans sa chute sur Paris-Nice, la consécration aurait pu intervenir dès le mois de mars, sur ce Paris-Nice.

Que va changer ce titre ?
Rien sur le regard que je porte sur Warren. On n’a pas besoin de beaucoup se parler. Je connais un peu sa famille, je sais comment il fonctionne. Et je fonctionne un peu de la même façon. J’imagine que la “Wawa Mania" est repartie. Mais il va falloir le protéger, d’une part, tout en gardant la tête froide. Je suis certain qu’il y aura encore de très belles lignes à écrire en juillet.

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