IAM-Excelsior a perdu sa partie de poker

Crédit photo Antoine Pouillard - DirectVelo

Crédit photo Antoine Pouillard - DirectVelo

L’équation était loin d’être simple à résoudre pour la formation IAM-Excelsior. Au départ de l’ultime étape de ce Tour de Bretagne (2.2), le maillot vert et blanc de Fabien Lienhard ne tient qu’à un fil. Et pour cause, les bonifications distribuées au cours de la journée sont en mesure de renverser le classement général. Avec pas moins de 35 coureurs classés en moins de 17'', la tâche promet alors d’être ardue. "Il y a du suspense. On ne pourra pas contrôler toute la journée. On va devoir fatiguer Vital Concept-B&B Hôtels et SEG Racing Academy", explique à DirectVelo, Eric Doutrelepont, le directeur sportif de l’équipe, à quelques encablures du départ.

Dès le baisser du drapeau, les premières minutes de course s'effectuent sur les chapeaux de roues. "C’est parti pour un sprint de 51 kilomètres", glisse le technicien suisse. Avec trois, deux, et une secondes distribuées aux trois premiers, les trois sprints intermédiaires constituent un enjeu majeur. De ce fait, la première échappée composée d’Owen James (Côtes d'Armor-Marie Morin-Véranda Rideau), Martin Salmon (Development Team Sunweb), Bjorn Tore Hoem (Joker Fuel of Norway) et Willy Artus (Sojasun espoir-ACNC) fait les affaires de IAM-Excelsior. "Ça serait bien si ce groupe prenait toutes les bonifications’’, lâche-t-il dans la voiture.

« ON VA JOUER AVEC LES AUTRES »

Une fois le peloton calmé, les premiers coureurs viennent prendre des informations et des consignes dans la file des voitures. Le premier à se plier à cet exercice est l’expérimenté Dylan Page. "C’est bien, on continue comme ça, on ne bouge pas. Il faut temporiser. Et surtout, tu prends soin du patron’’, lui demande Eric Doutrelepont. Derrière l’échappée du jour, les Suisses décident de stabiliser l’écart aux alentours des trois minutes dans l’optique d’inciter les autres formations à venir collaborer en tête de peloton. "La partie de poker commence. On va jouer avec les autres. Il va falloir qu'ils aillent rouler s'ils veulent prendre des bonifications’’.

Dans la voiture de la formation IAM-Excelsior, Sylvain Boullin, le mécanicien et Eric Doutrelepont plaisantent. "Ce n’est pas à nous d’assumer entièrement le poids de la course. Après tout, on est une petite équipe’’. Si l’ambiance peut sembler en apparence décontractée, chacun redoute l’issue d’une potentielle arrivée massive. Et encore plus la pointe de vitesse d’Alberto Dainese, intraitable tout au long de la semaine. "C’est vrai qu’il fait vraiment peur… Il est imbattable en cas de sprint, s’il n’est pas gêné’’. Avec seulement 8'' de retard au classement général sur Fabien Lienhard, l’Italien est perçu comme la principale menace, de même que Lorrenzo Manzin, pointé à 4''. Sur la ligne d’arrivée, les dix, six et quatre secondes de bonifications distribuées aux trois premiers de l’étape font trembler les Helvètes.

« TOUT SE JOUE MAINTENANT »

Alors qu’il reste 60 kilomètres, la voix de radio-tour rappelle tout le monde à la réalité. "Chute dans le peloton". Au milieu de l’enchevêtrement des vélos, Fabien Lienhard, râpé sur les flancs, est à terre. La voiture de IAM-Excelsior se précipite à sa hauteur. En un éclair de seconde, Sylvain Boullin se porte au coté de son coureur. Après un changement de vélo express et beaucoup d’inquiétudes, le leader de la course repart. "Plus de peur que de mal", relativise peu après son directeur sportif. Jusqu’à l’arrivée sur le circuit final, les coureurs de IAM-Excelsior assument seuls leurs responsabilités. Au grand dam de leur directeur sportif. "Ce n’est plus à eux de rouler. SEG est en deuxième rideau et ils n’ont pas roulé un mètre… On fait des cadeaux".

Dans les 30 derniers kilomètres, ils sont aidés par d’autres formations. Bien que l’écart se réduise, les échappés réussissent tout de même à prendre toutes les bonifications des sprints intermédiaires. "Maintenant, au sprint, ça passe ou ça casse". Sylvain Boullin et Eric Doutrelepont imaginent longuement différents scénarios, tandis que le peloton file groupé vers la ligne d’arrivée. Au fil des kilomètres, la tension monte. "Tout se joue maintenant. On abat les cartes et les jokers. Et qui sait, les miracles arrivent’’. Au cours des ultimes kilomètres de ce Tour de Bretagne, un silence pesant règne dans la voiture. Puis radio-tour annonce la victoire de Nils Eekhoff. Le reste du podium tarde à être dévoilé. Et quand la nouvelle tombe, Eric Doutrelepont croit d’abord que le classement général est dans la poche de son équipe. Quelques secondes plus tard, la déception n’en est que plus dure à avaler : au jeu des bonifications, Lorrenzo Manzin remporte le classement général du Tour de Bretagne. "Ce n’est pas grave, on est quand même fier de nos coureurs", relativise Sylvain Boullin, quelques minutes après l'arrivée.

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