On a retrouvé : Nicolas Prin

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Les ressemblances avec Romain Bardet sont frappantes, presque même saisissantes. Comme l’Auvergnat, Nicolas Prin est passé par le Chambéry CF. Comme le récent vice-Champion du Monde sur route, il est d’abord réputé pour ses talents de grimpeur. Comme le triple vainqueur d’étapes sur le Tour de France, il est éloquent et prend plaisir à faire des analyses poussées et soignées, tant sur la forme que dans le fond. Le garçon aime la rationalité… et le dépassement de soi. La ressemblance continue même jusqu’au timbre de voix de Nicolas Prin, qui n’est pas sans rappeler celui de Romain Bardet. “C’est le genre de coureurs qui est capable de parfaitement décrire ce qu’il ressent après un effort violent en course. Il partage ses émotions de façon remarquable et cela crée une valeur ajoutée à la performance”, raconte Prin à propos de Bardet. La comparaison s’arrête-là, pour celui qui n’est - au contraire de son aîné - pas parvenu à faire carrière dans le monde du cyclisme professionnel. DirectVelo a retrouvé la trace d’un désormais banquier, à Paris, toujours mordu de sport, mais plus encore du rapport entre le corps, l’esprit… et la performance.

DirectVelo : Tu as connu les débuts du Chambéry CF, en 2003…
Nicolas Prin : A l’époque, c’étaient des précurseurs. On testait en quelque sorte le concept de l’équipe réserve, avec également la priorité qui était toujours donnée aux études pour les coureurs, même si c’était surtout sur le papier, car certains avaient déjà bien plus la tête au cyclisme qu’à leurs études. 

Les premiers mois, le club avait une mauvaise image, et les coureurs de l’équipe semblaient même méprisés…
Complètement ! Au début, c’était un test et nous n’avions pas encore énormément de moyens et surtout pas le niveau. Nous innovions, mais nous n’avions pas les moyens physiques de nos ambitions. On se faisait lyncher dans le peloton. Nous n’étions pas pris au sérieux. On nous disait : “vous avez le maillot d’une équipe pro, mais les jambes de Cadets”. C’était difficile. D’autant que c’était un cercle vicieux car on se mettait la pression de façon excessive. Du coup, on en faisait sans doute trop. 

Comment la situation avait-elle pu évoluer dans le bon sens ?
On a d’abord pu compter sur le gros travail de Loïc Varnet, qui était là depuis le début et qui est toujours resté le même, avec un projet bien précis en tête. Il nous a beaucoup aidés. Ensuite, l’équipe a commencé à attirer de bons coureurs au fil des années. Je me rappelle de Loïc Vandel, de Thomas Terrettaz ou encore de Mathieu Delarozière. C’est un coureur qui avait déjà une certaine notoriété et il a apporté au groupe.

« J’AI EU DU MAL À M'INTÉGRER »

Après avoir côtoyé les jeunes espoirs du CCF, tu as couru au côté de vieux briscards à l’AVC Aix-en-Provence puis à Charvieu-Chavagneux ou à l’EC Saint-Etienne Loire : laquelle est selon toi la meilleure formule pour progresser lorsque l’on est un jeune coureur ?
Il faut privilégier la mixité dès les premières années Espoirs. Il faut de vieux briscards qui peuvent apprendre le métier aux jeunes qui sortent tout juste des Juniors. Au-delà du cliché “d’apprendre le métier”, il y a réellement quelque chose de nécessaire. Je pense d’ailleurs qu’aux débuts du CCF, il manquait justement un ou deux capitaines de route. Cela dit, il faut que ce soit un capitaine de route qui en a l’âme et l’envie. Il ne s’agit pas de prendre un coureur de 30 ans au hasard pour la seule raison qu’il est trentenaire… Il faut avoir l’envie de transmettre et d’aider les jeunes, et ce n’est pas donné à tout le monde.

Tout se résume donc au besoin d’être encadré par des coureurs d’expérience ?
Non, pas uniquement. Il faut aussi avoir la chance de se frotter le plus vite possible au niveau des Élites pour acquérir de la caisse et apprendre à se faire respecter. Les manches de Coupe de France, les épreuves de Classe 2 ou certaines courses à l’étranger sont importantes pour cela. Je trouve par exemple très bien que le CCF emmène ses coureurs sur Paris-Roubaix ou sur des courses en Belgique. Il faut savoir ce que c’est car ça fait aussi partie du bagage nécessaire pour faire carrière.

Et toi, tu n’avais pas réussi à accumuler ces bagages-là pour justement faire carrière ?
Je suis arrivé très tard dans le monde du vélo, en J2. Il n’y avait aucun cycliste dans ma famille. J’ai eu du mal à m’intégrer. C’est quand même très particulier. Mon arrivée à Aix notamment m’a fait bizarre, car j’ai couru avec des mecs qui vivaient du vélo en étant amateurs. C’était étrange pour moi et j’avais du mal avec ce concept. Mais mon principal problème à l’époque était mon manque de maturité. J’étais assez têtu et je n’écoutais pas forcément ce que l’on avait à me dire. J’étais aussi obstiné dans ma volonté d’être un grimpeur et de marcher spécifiquement dans cette discipline-là. 

« J’AIME LES ÉCOUTER, ANALYSER CE QU’ILS ONT À PARTAGER »

En délaissant le reste ?
Oui. Je grimpais toujours des cols à l’entraînement et je voulais faire toutes les courses montagneuses. Je ne pouvais pas concevoir une sortie sans avoir à escalader une ascension. J’ai fait des places au Tour des Pays de Savoie ou à la Ronde de l’Isard mais j’ai pris un risque en me focalisant sur ces épreuves. Ça ne m’intéressait pas de travailler le reste, mais c’était évidemment une grosse erreur. Je n’avais donné aucune garantie au sprint, dans les bordures et autre, alors que c’est nécessaire, au moins un minimum, pour espérer passer pro. Je l’ai réalisé trop tard. C’est dommage car j’avais les capacités d’être plus complet, comme je l’avais notamment montré sur une Ronde de l’Oise. Et en plus, j’avais toujours tendance à dépasser mes limites. Je faisais vraiment le job. 

Également en dehors du vélo ?
A l’entraînement comme à la maison, pour la nutrition par exemple. J’étais à 100% concentré sur le cyclisme et sur tout ce qui pouvait graviter autour de la pratique en elle-même. J’étais capable de m’imposer un niveau de détail et des charges considérables. J’ai toujours été très intéressé par les facteurs de motivation et d’émotion, que l’on ne contrôle pas forcément. C’est encore plus vrai sur les courses par étapes, où l’on peut passer par plein de phases différentes. Il est impossible de garder le même niveau d'astreinte durant des semaines et des semaines d’affilée. Alors il faut essayer de gérer au mieux ses temps faibles.

As-tu essayé de suivre certains exemples durant ta carrière ?
Bien sûr et c’est encore le cas aujourd’hui. Il y a des personnages que je trouve particulièrement intéressants dans le peloton et j’aime les écouter, analyser ce qu’ils ont à partager. J’aime les coureurs atypiques qui savent surmonter des échecs, comme par exemple Thibaut Pinot. Cette année, il a connu une déconvenue considérable au Tour d’Italie mais il a remonté la pente jusqu’à atteindre un niveau qu’il n’avait jamais atteint jusqu’à présent, pour gagner le Tour de Lombardie. Des coureurs comme lui me stimulent beaucoup.

« PAS RECONNU POUR SON NIVEAU INTELLECTUEL ET D'ÉDUCATION »


Tu cherches donc avant tout des émotions ?
Je m’intéresse aux hommes, aux athlètes, plus qu’aux courses. Je n’aime pas passer des heures à regarder une course de vélo. Ce que je veux voir, c’est l’interview d’après-course d’un garçon comme Romain Bardet. 

Il te fascine ?
Il s’exprime très bien et il est capable de parfaitement décrire ce qu’il a ressenti en course. Je ressens ces émotions-là. C’est le genre de coureurs qui est capable de parfaitement décrire ce qu’il ressent après un effort violent en course. Il arrive à nous communiquer et à nous faire partager toute l’énergie qu’il a pu développer sur le vélo, pour dépasser ses limites Cela crée une valeur ajoutée à la performance. On arrive à comprendre comment un cycliste, de par sa volonté, son courage et sa motivation, est capable de trouver une énergie qui dépasse celle du commun des mortels. J’adore !

Tu t’exprimes toi-même très bien, avec un ton posé, des paroles calmes et qui semblent très réfléchies… Finalement, tu n’es pas sans rappeler la façon de procéder de Romain Bardet !
(Sourires). Mes parents sont issus d’un milieu intellectuel et ils ont toujours accordé beaucoup de valeur à ces choses-là, à la façon de présenter et de se présenter. Pour être honnête, lorsque je suis arrivé dans le monde du cyclisme à l’époque, ma famille ne le voyait pas forcément d’un bon œil. A leurs yeux, ce milieu n’était pas vraiment reconnu pour son niveau intellectuel et d’éducation. Mais ils ont été d’autant plus surpris par la suite ! Et je m’en rends encore compte aujourd’hui à travers ma pratique du trail, où je rencontre plein de gens formidablement intéressants. 

« JE N’AI PAS CHANGÉ »

Tu n’as donc pas abandonné la pratique du sport…
Que ce soit via le vélo ou la course à pied, puis le trail, je n’ai jamais coupé : l’activité physique a toujours été essentielle pour moi. J’ai aussi pas mal pratiqué l’escalade, la randonnée ou encore le ski de fond en me rendant dans les Alpes, chez mes parents. C’est un équilibre dans ma vie, j’en ai besoin pour me vider la tête et l’esprit. Je dirais même qu’en parallèle de mon activité professionnelle, le sport m’aide à réfléchir et à prendre les bonnes décisions. En plus de ça, il est vrai que ça permet également de garder un physique de sportif… Je n’aurais pas supporté de prendre du poids et de ne pas garder la même silhouette.

C’est aussi important pour se sentir bien au travail ?
Complètement ! Je suis responsable d’un service de consolidations comptables et financières de banque à Paris. A l’époque, je n’avais jamais cessé mes études pendant mes années sur le vélo. J’ai poursuivi un Masters en économie puis je me suis spécialisé dans la finance tout en effectuant différents stages dans de grandes entreprises. Cela m’avait beaucoup appris. Et depuis, j’en ai donc fait mon métier. Mais je continue le trail en parallèle, à un bon niveau, parce que je ne concevrais pas de vivre que de mon travail et que, oui, c’est important pour se sentir bien.

Finalement, tu fais pratiquement autant le métier que lorsque tu étais dans le peloton des Élites ?
Un peu moins malgré tout… (sourires). Je ne peux pas être aussi sérieux de par ma situation professionnelle notamment, surtout en terme de sommeil. Par contre, en terme de diététique, je n’ai pas changé : pas de cigarette, pas d’alcool, et pas de drogue (rires). J’ai toujours une bonne hygiène de vie et j’en suis fier.
 

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