Remco Evenepoel : « Je n’ai jamais paniqué »

Crédit photo Régis Garnier - DirectVelo

Crédit photo Régis Garnier - DirectVelo

Remco Evenepoel était donc bel et bien intouchable en cette saison 2018, sur les grands rendez-vous. Double Champion d’Europe, Champion du Monde du chrono mardi, il arrivait en tant qu’archi-favori sur la course en ligne d’Innsbruck, en Autriche. Qu’il l’emporte peu importe le scénario de course ? Beaucoup n’en doutaient déjà plus franchement, mais le Belge en a apporté une nouvelle confirmation ce jeudi en réalisant une sacrée démonstration, après avoir pourtant été pris dans une énorme chute en cours de route (voir classement)“Je n’ai jamais paniqué”, se satisfait celui qui accusait tout de même près de deux minutes de retard sur tous ses rivaux à quelques 70 kilomètres de l’arrivée. Le désormais double Champion du Monde est revenu sur son sacre auprès de DirectVelo

DirectVelo : Comment as-tu géré tes émotions après avoir été pris dans cette chute massive ?
Remco Evenepoel : Tout le monde a vu la chute ! C’était une chute bête, d’ailleurs… La route était large et je ne comprends pas pourquoi c’est tombé comme ça. Mais bon, le peloton des Juniors est plus nerveux que celui des pros. Je l’ai senti dès le début. J’avais envie de dire aux gars : “tranquille, il reste du temps pour se placer”. Sauf que ça n’a pas loupé : c’est tombé.

« JE NE SUIS PAS STUPIDE... »

Tu aurais pu tout perdre à ce moment-là...
Je n’ai jamais paniqué. J’ai d’abord regardé si tout était bon sur le vélo, mais la roue arrière n’allait pas, il fallait la changer, et ça a pris beaucoup de temps, sûrement plus de deux minutes. Je me suis retrouvé loin du premier groupe. Dans l’ascension, j’ai fait l’effort pour vite rentrer. Je voulais rentrer sur le troisième groupe avant le sommet et j’ai réussi à le faire. J’ai eu la chance d’avoir un coéquipier lâché qui m’a ramené devant. Quand je suis rentré devant, plus personne ne voulait rouler car l’Allemand et l’Italien étaient sortis. J’ai demandé à Ilan (Van Wilder) et Aron (Van der Beken) de rouler et d’essayer de boucher le trou. Ils l’ont fait. Un Américain est sorti et j’ai suivi. J’ai senti, après quelques kilomètres, qu’il n’appuyait pas assez fort, alors j’y suis allé à mon tour et je me suis retrouvé seul dans la descente. J’étais à 70 km/h de moyenne dans la descente, puis l’Allemand est rentré. Il m’a dit qu’il n’allait pas rouler avec moi car sinon, il était mort. 

Tu n’as jamais eu peur qu’il s’accroche jusqu’au bout ?
Il m’a dit : “tu peux rouler, je ne roule pas mais je te laisserai la première place”. Mais je ne suis pas stupide… J’ai préféré le lâcher (rires).

« C'ÉTAIT UN DÉFI AVEC UN POTE »

On t’a vu particulièrement démonstratif dans les derniers hectomètres…
Le signe que j’ai fait avec mon menton, c’est celui du “GOAT” (signifiant “chèvre” en anglais et faisant référence au bouc, ce mot signifie également “the Greatest of all Times”, le “plus grand de tous les temps”, une expression employée pour quelques-uns des plus grands sportifs de l’histoire, NDLR). C’était un défi avec un pote. Il m’a demandé de faire ça pour lui si je gagnais en solitaire. C’était pour lui, car je sais qu’il regardait la télé. Et puis, sur la ligne, j’ai levé mon vélo. Je l’avais déjà fait après 60 kilomètres en solo à Kuurne, en tout début de saison, et je voulais refaire pareil pour clôturer la saison en beauté.

Tu ne ressentais, encore une fois, pas la moindre pression ?
Aucune ! Il ne faut pas se mettre de pression. Quand tu te prépares pour un chrono, c’est différent. Là, sur une course en ligne, c’est délicat : tu peux très bien être le meilleur toute l’année mais ne pas gagner le Mondial, car c’est une course d’un jour où tout peut arriver. C’est très dur de gagner en étant le grandissime favori. Je l’ai fait et ça rend cette victoire encore plus belle.

« TRÈS FORT MENTALEMENT »

As-tu peur de pouvoir potentiellement décevoir des gens l’an prochain ?
J’ai mes propres objectifs et si je les réalise, ce sera suffisant pour moi. Je me moque de ce que les autres attendent de moi. Je veux faire attention à mes propres objectifs… Ce que la Quick-Step Floors veut que je réussisse à l’avenir est le plus important. Il y a beaucoup de chemin à parcourir, encore. On ne peut pas dire que je serai un Champion. Je suis très jeune, je n’ai que 18 ans. Rien n’est sûr.

Ces derniers temps, on a vu des coureurs comme Adrien Costa, Lennard Kämna ou Campbell Flakemore être victimes de “burn-out” après avoir gagné beaucoup, et très jeunes. De ton côté, es-tu prêt psychologiquement à perdre, et à souffrir beaucoup plus que cette année ?
Je pense avoir prouvé aujourd’hui à quel point j’étais fort mentalement. Je me suis retrouvé deux minutes derrière la tête de course et j’ai bien géré ce moment critique. Dans le futur, je continuerai de garder cette mentalité-là. En tout cas, je vais essayer. Je pense être très fort mentalement, vraiment. Et j’espère continuer de l’être. On verra bien ce que ça va donner car après tout, je ne peux pas dire de quoi demain sera fait. Mais je suis prêt à affronter les meilleurs, les “grands” du peloton. 

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