Audrey Cordon-Ragot : « C'est festival, si on est deux »

Crédit photo Maxime Segers / DirectVelo

Crédit photo Maxime Segers / DirectVelo

Audrey Cordon-Ragot a versé de chaudes larmes en rejoignant le stand de l'Equipe de France, quelques minutes après avoir coupé la ligne d'arrivée à une anecdotique 39e place, sur les Championnats du Monde de Bergen. Un résultat qui ne reflète en rien la course audacieuse de la Bretonne, qui s'est longtemps imaginé voir flotter le drapeau bleu-blanc-rouge dans le centre ville de la deuxième ville norvégienne, en son honneur. Il faut dire que la sociétaire de l'Equipe de France semblait dans une situation de course idéale jusqu'à quelques dix kilomètres de l'arrivée. Très déçue, Audrey Cordon-Ragot ne se veut pas abattue pour autant. Cette fois-ci elle en est convaincue, elle peut espérer décrocher une très grande victoire dans les prochaines années.

DirectVelo : Tu es passée très près d'un énorme coup ce samedi...
Audrey Cordon-Ragot : Je n'ai aucun regret. C'est de la frustration. "Cordon, frustration", vous pouvez titrer (sourires). Que dire ? On a couru comme il le fallait mais le vélo, c'est aussi une part de réussite. Malheureusement, on n'avait pas forcément parié sur le bon cheval. En Equipe de France, j'ai quand même souvent la poisse, ça ne me sourit pas souvent... Pourtant, tactiquement j'ai fait une belle course. Mais en se retrouvant avec trois Néerlandaises sur la fin...

« LE SCÉNARIO SE RÉPÈTE »

Quand tu t'es retrouvée en tête avec la Néerlandaise Chantal Blaak et la Britannique Alice Barnes, avec près d'une minute d'avance, le scénario semblait idéal ! Mais les Néerlandaises ont relancé derrière. Tu le comprends ?
En gros, les Néerlandaises roulent tout le temps ! Elles roulent même sur leurs compatriotes, pour en plus, au final, la laisser partir une nouvelle fois et la voir gagner. C'est vraiment des tactiques de course que j'ai du mal à comprendre mais on ne peut rien leur reprocher puisqu'elles gagnent à chaque fois. Mais le scénario se répète. Déjà à Richmond (Mondial 2015, NDLR), j'étais échappée avec une Néerlandaise et elles avaient elle-mêmes ramené le peloton... Au Championnat d'Europe cette année, même chose. Ça me fait défaut à chaque fois.

Les Néerlandaises voulaient sûrement assurer le coup, ce qui prouve qu'elles te craignaient ?
Je pense que j'étais la plus forte des trois. Je l'ai senti dans la bosse. Elles ne passaient plus. Blaak est tombée et Barnes était déjà dans la première échappée. J'ai essayé de relancer une dernière fois avant le pied de la seconde partie de l'ascension sinon, on allait se faire reprendre encore plus tôt. Ca ne m'avantageait pas du tout. Alors j'ai monté toute la bosse à bloc pour pouvoir basculer avec les meilleures. C'est ce qu'il s'est passé. Derrière, je me suis dit que c'était tout bénéfique pour moi mais quand j'ai vu que les Néerlandaises étaient trois sur sept... En plus, Barnes était crâmée, Niewadoma ne jouait pas le jeu... L'Australienne était nulle tactiquement, elle n'a rien compris à la course comme d'habitude. Si elle avait roulé avec nous, ce ne serait pas rentré derrière et on aurait au moins joué un Top 7.

« JE ME SUIS DIT  : "ON VA LES ATOMISER" »

Étais-tu informée des écarts dans le final ?
Je n'avais aucun écart. Je me doutais que les Italiennes roulaient car elles n'étaient pas devant. Mais je ne savais pas vraiment ce qu'il en était.

Il y avait une cinquantaine de secondes au pied de la dernière ascension. Tu t'es imaginée sur la boîte à cet instant-là ?
Bien sûr ! J'y ai cru jusqu'au bout. A partir du moment où je suis sortie avec les deux filles, c'était intéressant, même si un contre rentrait après la bosse. En fait, j'espérais aussi que Pauline (Ferrand-Prévot) puisse rentrer. Si on est deux dans le groupe de tête, c'est festival. Je me suis dit : "on va les atomiser". On va toutes les deux vite et on aurait pu tenter ou s'amener le sprint l'une, l'autre.

« IL FAUDRAIT PEUT-ÊTRE QUE JE SIGNE A LA FDJ »

Ton groupe est repris dans le dernier virage...
Je sais que je vais vite au sprint, mais c'était fini. Les crampes sont arrivées et j'ai lâché dans la dernière ligne droite. Il n'y avait plus qu'à prier pour que Pauline (Ferrand-Prévot) ou Elise (Delzenne) fasse quelque chose au sprint.

Tu étais particulièrement émue à l'arrivée... Tu as réalisé que tu venais de passer tout près du plus gros coup de ta carrière ?
Non, il y en aura d'autres ! (sourires). C'était déjà arrivée à Richmond... Pffff... Je n'ai vraiment pas de chance. Il faudrait peut-être que je signe à la FDJ ou à la Lotto pour avoir un peu plus de chance.

« EN SURNOMBRE, C'EST FORCEMENT PLUS SIMPLE »

Ou que tu changes de nationalité et enfiles un maillot orange ?
Elles sont fortes ces Néerlandaises ! Il y a de la réussite mais elles sont aussi en surnombre donc c'est forcément plus simple pour elles. Pour ma part, j'ai vu que j'étais une fille pour les courses d'un jour. J'espère que ça me sourira sur un Championnat d'ici la fin de ma carrière. 

Il y a beaucoup de positif à retirer de ce Championnat malgré tout...
Ça fait peut-être une décennie que l'on n'a pas eu un tel collectif. On avait dit dès le départ que l'on était là pour jouer la gagne. On a toutes joué notre carte à un moment donné dans la course. Ça n'a pas pu sourire encore mais ça va sourire, j'en suis persuadée. Il y a encore trois ans à tirer jusqu'à Tokyo. On aura une Championne Olympique à Tokyo !
 

 

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