David Lappartient : « Pas le vassal d'ASO »

Crédit photo Maxime Segers - DirectVelo.com

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David Lappartient a été élu ce jeudi président de l’Union Cycliste Internationale en marge du 186e Congrès organisé à Bergen (Norvège). Le Français l’a emporté avec 37 voix favorables, contre 8 pour son concurrent et Président sortant Brian Cookson. DirectVelo a rencontré l’ancien président de la FFC et de l’UEC, toujours Maire de Sarzeau, sur les quais du port historique de Bryggen.

DirectVelo : Votre victoire fut large. Vous vous y attendiez ?
David Lappartient : Je savais que j'avais l’avantage, j’avais fait mes comptes. Ce matin, j’ai annoncé à un collègue que j’estimais bénéficier de plus de 35 voix (sur 45 délégués votants, NDLR). Mais j’ai évité les annonces publiques, j’ai préféré rester silencieux et travailler jusqu’au dernier moment. Je suis très heureux de cette victoire, qui démontre que je bénéficie d’un gros soutien venant des cinq continents et des fédérations nationales. Ce n’est pas le vote d’une Confédération contre les autres.

Votre campagne fut discrète, comment avez-vous procédé ?
J’ai senti comment le système électoral fonctionnait et je m’y suis adapté. Il n’y a que 45 délégués votants, donc il ne fallait pas s’exprimer dans des discours publics. J’ai rencontré chacun, individuellement, pour expliquer mon programme et faire passer mon message. Dès que je me suis lancé en campagne, je savais que je remporterais la majorité.

« JE N'AMENERAI PAS LE STAFF DE LA FFC AVEC MOI »

Quand prendrez-vous vos fonctions ?
Je me rendrai mardi à Aigle, au siège de l’UCI, jusque jeudi. Je pourrai rencontrer l’ensemble de l’administration, et prendre la mesure de la fonction. Quelques personnes me suivront, mais je ne compte pas amener le staff de la FFC. C’est, selon moi, une des erreurs de Cookson. Il a amené une équipe d’une seule nationalité et ça a déplu. Je ne commettrai pas la même erreur, je prendrai le temps pour procéder à mon recrutement, qui offrira un mélange des cultures et des continents. 

Allez-vous vous installer à temps plein à Aigle ?
Je suis toujours maire de Sarzeau. J’ai d’ailleurs conseil municipal lundi soir et je n’ai pas l’intention d’y annoncer ma démission. Il me reste deux ans, je veux terminer mon mandat. Puis je jugerai ensuite s’il est possible de concilier les deux ou non. Par contre, je renonce à mon mandat de Président de l’UEC, car les deux ne sont pas cumulables. 

« UN PRESIDENT PATRON »

Quel est votre principal défi ?
D’abord, d’être un président patron, à l’écoute et au service des fédérations nationales. Sans remettre en question ses capacités, j’ai ressenti que les délégués votants avaient l’impression d’avoir élu en 2013, un Président qui ne dirigeait pas. Mais l’essentiel sera de conserver la crédibilité de l’UCI et du sport cycliste. 

Le dopage mécanique est une des préoccupations actuelles, les tablettes de contrôles sont controversées. Qu’en pensez-vous ?
On nous a assuré qu’elles étaient fiables à 100%, mais j’ai cru voir dans un reportage que ce n’était pas le cas. Je veux être sûr. Pour avoir suivi une formation en maths-physiques, je me suis interrogé quand on m’a dit qu’une simple tablette peut résoudre 100% des cas. Selon moi, il faut coupler les différentes technologies existantes : les rayons X, les caméras thermiques, le pesage des vélos, … J’ai parfois été choqué qu’on ne contrôle que les cadres et pas les roues.

« CONTRE TOUTES LES FORMES DE TRICHE »

Vous allez donc introduire plusieurs méthodes de détection ?
On ne va pas réinventer ce qui existe, mais je veux travailler avec les spécialistes, les scientifiques. On peut être plus précis et plus sérieux. Je trouve regrettable qu’on jette des doutes sur certains coureurs ! Si on a un camion plombé de l’UCI dans lequel on passe les vélos des trois premiers aux rayons X, il n’y a pas de doute possible. Et s’il y a un changement de vélo suspect en cours de route, on récupère le vélo et on le contrôle. Ce n’est pas compliqué. Je veux avoir l’image d’une fédération qui lutte contre toutes les formes de triche, et j’en parlerai dès la première réunion du Comité Directeur de l’UCI en novembre, afin d’être prêt pour le début de saison prochaine.

Vous n’êtes pas partisan des oreillettes. Vous allez les abolir ?
Je n’ai jamais caché que je n’en suis pas fan. Mais cela ne fait pas partie de mon programme, donc je ne vais pas introduire la suppression des oreillettes. En revanche, elles n’ont pas leur place sur un Championnat du Monde.

« LA PISTE EST FORMIDABLE POUR LA TELE »

Certains vous reprochent votre proximité avec ASO. Ne risquez-vous pas le conflit d’intérêt ?
Je ne suis pas inféodé à ASO. Je rappelle que j’ai été le seul président de la FFC à refuser d’affilier ASO pour une divergence d’opinion concernant les assurances. Je serai là pour défendre les intérêts de l’UCI, comme je l’avais fait avec ma fédération à l’époque. Mais ce n’est pas en faisant la guerre avec ASO que nous réussirons à créer le meilleur système pour notre sport.

Vous êtes très attaché à la route. Cookson voulait développer le cyclisme féminin. Quid des autres disciplines?
Nous avons une fédération aux compétences très larges, il faut en profiter. Par exemple, je veux développer la piste. Le modèle économique de la piste ne fonctionne pas. Ca fonctionne bien tous les quatre ans aux JO, mais on a l’impression que ça s’endort entre les deux. Je veux permettre aux pistards de vivre de leur sport. J’ai quelques idées, que je partagerai avec le Comité Directeur pour les développer car le produit, avec un format court et une fête dans les vélodromes, est formidable pour la télévision. 

« UN CHAMPIONNAT DU MONDE EN AFRIQUE AURAIT UN SUCCES EXTRAORDINAIRE »

Vous avez aussi, dans votre programme, évoqué un Mondial en Afrique. Comment y parvenir ?
Depuis la création des Mondiaux sur route, il n’y en a eu aucun en Afrique. Pourtant, il y a un engouement extraordinaire, donc je souhaite y aller. Cela faisait partie de mon programme. Pas par clientélisme, mais car ce serait un succès extraordinaire. Mon objectif dans les quatre ans est donc d’attribuer un Mondial en Afrique. Reste à trouver un organisateur.

Le calendrier WorldTour est aujourd’hui très controversé. Comment allez-vous le gérer ?
Je veux créer un modèle économique plus rentable pour tous. Je ne comprends pas que, parfois, deux ou trois épreuves du WorldTour soient programmées en même temps. Il faut réunir toutes les parties autour de la table, et envisager les solutions possibles.

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