La Grande Interview : Florian Maitre

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Un maximum de plaisir avec un minimum de pression. Doucement mais sûrement, Florian Maitre a gravi les échelons au sein du peloton Elites, en tâchant toujours de rester le plus simple possible, "sans se prendre pour un Champion". Révélé chez les Juniors en 2014 au Championnat de France sur piste, au cours duquel il a décroché deux titres nationaux, le coureur de 20 ans a depuis, parcouru bien du chemin sur la route également, tout en continuant de participer - en parallèle - aux grands rendez-vous internationaux sur la piste. Bon rouleur, désormais capable de passer les bosses, le sociétaire du Vendée U se rêve en chasseur de classiques. Cet été, le Francilien va pouvoir se tester face aux pros à l'occasion de son stage au sein du Team Direct Energie. 

DirectVelo : Tu habites au Mans, tu passes beaucoup de temps en Vendée et tu es originaire des Hauts-de-Seine... Il y a de quoi s'y perdre !
Florian Maitre : Dans ma tête c'est très simple, je suis un vrai Francilien (sourires). Je suis né à Meudon, à côté de Clamart, dans le 92. J'ai passé toute ma jeunesse à Clamart (ville d'un peu plus de 50.000 habitants au sud-ouest de Paris, NDLR), jusqu'à mes 16 ans. J'ai commencé le vélo là-bas à sept ans, j'ai passé dix ans au club de Clamart. Je suis parti faire mon CAP sur la prévention et la sécurité à côté, sur Issy-les-Moulineaux, puis j'ai dû partir pour faire mon sport études à Saint-Quentin, en Picardie. J'ai passé un an et demi là-bas puis je suis parti au Vendée U pour ma première saison chez les Espoirs. J'ai fini mon Bac Pro en Espoirs 1. Maintenant, je vis au Mans avec ma copine, depuis un peu plus d'un an. Du coup je me retrouve entre la Vendée et la région parisienne. Ca me permet de profiter aussi de ma famille. Mais je suis donc bien Francilien avant tout.  

« MENTALEMENT, LA PISTE M'A FAIT DU BIEN »

Tu as donc commencé le cyclisme très tôt...
J'avais quand même découvert d'autres sports avant. Ma mère me freinait pour le vélo. Elle voulait que j'essaie d'abord d'autres sports car si ça n'avait tenu qu'à moi, j'aurais fait du vélo dès mes 4 ans mais du coup, j'ai d'abord fait un peu de judo ou de natation. C'était pour essayer mais il n'avait rien à faire, je voulais faire du vélo. Cela dit, j'aime beaucoup d'autres sports comme le biathlon. Je trouve ce sport très difficile. Un mec comme Martin Fourcade m'impressionne car j'imagine l'entraînement qu'il y a derrière. Je regarde énormément le ski également, ce sont des sports qui m'impressionnent. 

Ton frère roule également...
On est une famille de vélo, oui. Mon père et mon grand-père roulaient aussi, et mon arrière grand-oncle (Maurice Perrin, NDLR) a été Champion Olympique en 1932 à Los Angeles. J'ai toujours baigné là-dedans finalement.

Tu as rapidement doublé la pratique de la route avec celle de la piste ?
Oui car à Clamart, le club était porté sur la piste. Mon frère en faisait et ça m'a donné envie de le suivre. J'ai commencé la piste en Minimes. Je me débrouillais bien assez tôt. Mentalement, la piste m'a fait du bien et j'ai vraiment bien marché sur la piste comme sur la route à partir des Cadets.

« EN JUNIORS, ON A DU MAL A SE PROJETER »

Puis tout est allé très vite par la suite...
Dès les Juniors 1, je me suis retrouvé à faire 4e du Championnat de France de la course aux points. On avait un bon niveau dans le club et j'ai rapidement pu progresser grâce aux personnes qui m'entouraient à ce moment-là.


En juillet 2014, tu décrochais tes deux premiers titres de Champion de France sur la piste. T'imaginais-tu en être là trois ans plus tard ?
Non, quand on est Junior, on a du mal à se projeter même si on rêve toujours de passer le cap. Mais de là à savoir où l'on en sera plus tard... Je n'ai jamais su jusqu'où je pouvais aller et c'est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui. 

Te rêvais-tu en cycliste professionnel ?
Je faisais d'abord du vélo par plaisir. Pouvoir vivre de sa passion, c'est quand même quelque chose que l'on a toujours dans un coin de la tête, mais quand on est Cadet ou Junior, ça semble encore très loin. Et puis au final, avec de l'entraînement, on voit que c'est possible. J'ai commencé à réaliser que ça pouvait devenir intéressant au début de ma saison de J2, lorsque j'ai gagné sur les Boucles de Seine-et-Marne. Je me suis dit que j'avais bien progressé en très peu de temps et que si je continuais sur cette voie-là...

« PRENDRE LE TEMPS DE MONTER DES COLS »

Tu as changé physiquement également...
Chez les jeunes, j'étais assez massif, un peu gros même (sourires). Puis forcément, j'ai commencé à m'affiner. J'ai grandi mais en gardant à peu près le même poids. Du coup je me suis affûté et ça m'a clairement fait progresser. Même mentalement, ça me donnait espoir d'avoir un physique plus intéressant. 

Pourquoi n'as-tu jamais affronté la montagne jusqu'à présent ?
Le problème, c'est que l'on n'a pas un gros calendrier de grimpeurs au Vendée U et les seules courses qui pouvaient être intéressantes, c'était le Tour de Savoie Mont-Blanc et la Ronde de l'Isard cette saison. Mais la première était juste avant le Championnat de France et je n'aurais sûrement pas bien récupéré, alors que la seconde était pendant A travers les Hauts-de-France, qui me convient quand même mieux. Puis à l'entraînement, entre Le Mans et la région parisienne, on ne peut pas dire que j'ai vraiment l'occasion de grimper des cols. Du coup je n'ai jamais monté de gros cols. Les plus gros que j'ai fait, c'était lors des stages de pré-saison en Espagne mais ce ne sont pas de gros cols non plus. J'aimerais vraiment pouvoir découvrir. Il faudra peut-être que je prenne le temps de partir en stage monter des cols, pour voir ce que ça fait. Pour le moment, je n'ai aucune idée de ce que ça pourrait donner.

Sur quels types de terrains t'imagines-tu le plus briller à l'avenir ?
Je n’ai jamais su jusqu’où je pouvais aller et c’est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui. Jusqu'à peu, je me voyais surtout comme un bon rouleur qui se débrouille bien au sprint. Je ne serai jamais un grand sprinteur mais je peux espérer gagner dans un groupe de sept-huit mecs. Mais depuis ma victoire sur l'Essor Breton sur un parcours difficile ou ma place sur une arrivée en bosse sur le Tour de Normandie, je me suis rendu compte, petit à petit, que j'étais assez polyvalent et que je pouvais être puncheur également. Je sens que j'ai énormément progressé, notamment dans les bosses. Je me suis découvert sur les bosses courtes et pentues également. Du coup, je ne sais pas trop où je pourrais être le meilleur. J'aime bien les courses d'un jour et je pense que je serai peut-être un coureur de Classiques. 

« 100 BORNES TOUT SEUL »

Ce sont les épreuves qui te font le plus rêver ?
Oui, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix ou même une Amstel Gold Race... La pression y est différente de celle que l'on retrouve sur les courses par étapes car tu peux tout perdre ou tout gagner en quelques heures, sur une crevaison, une chute, un détail.

Quelle a été ta course de référence jusqu'à présent ?
Ce n'était pas une victoire mais la 4e étape du Tour du Loir-et-Cher en Espoir 1, lorsque mon équipier Romain Cardis avait gagné. Je m'étais vraiment étonné en roulant quasiment 100 bornes tout seul pour maintenir une échappée à trois-quatre minutes. Ce jour-là, tout le monde m'avait dit que j'avais fait quelque chose d'assez impressionnant et c'est vrai que quand j'y repense, je me demande si je serais capable de le refaire aujourd'hui (sourires). 


Comment gères-tu l'enchaînement entre la route et la piste actuellement ?
Cette année, j'ai procédé différemment. J'ai fait beaucoup de piste jusqu'aux Championnats du Monde puis je n'ai plus roulé sur un vélodrome pendant trois mois, pour faire de la route à 100%. Maintenant, je vais reprendre la piste petit à petit pour participer aux Championnats d'Europe Élites, puis peut-être à quelques manches de Coupe du Monde cet hiver. Autrement dit, je ne double pas vraiment, il y a des périodes pour chaque discipline. 

« C'EST PRESQUE LA JUNGLE »

Le fait de pratiquer la piste à haut-niveau t'a permis de découvrir différents continents...
Ce sont de beaux moments ! Quand on part sur des Mondiaux, on prend souvent nos vélos de route et on se fait des sorties pour découvrir la région. J'ai été impressionné par mon voyage à Cali, en Colombie. Ca m'a fait relativiser sur ma vie en France. On se rend compte que parfois, on râle pour rien alors que là-bas, ils ont trois fois rien. Ils ont des routes défoncées, certains vivent dans des cabanes... C'est presque la jungle. On est tombé sur des bidonvilles, c'est impressionnant de se dire que des gens vivent là-dedans. En tout cas, c'était une zone un peu triste et ça m'a permis de réaliser encore plus qu'en France, on est dans un beau pays et qu'il faut en profiter. Par contre, en Colombie, c'était impressionnant pour le côté sportif. Le vélodrome était presque plein tous les soirs et contrairement au public français, le public colombien lui n'est pas là que pour regarder mais aussi pour encourager. On se croirait dans un stade de foot. A Hong-Kong, c'était encore très différent, mais c'est toujours très enrichissant. 

Y'a-t-il un pays qui te fasse particulièrement envie ?
Avec le vélo, je n'ai pas trop le temps de partir mais j'ai toujours aimé voyager et si j'arrive à faire carrière dans le vélo, j'aurai sûrement la chance d'en profiter pour découvrir plein de pays. Sinon, l'Islande est un pays que je trouve impressionnant, avec les volcans. Ca me ferait rêver, comme le Mexique.             

Lorsque tu as rejoins le Vendée U, tu parlais alors d'un "rêve" qui se réalisait...
J'ai toujours eu la chance de courir en collectif, avec des copains, dès les Juniors. Et c'est ce que je voulais retrouver chez les Espoirs et c'est pour ça que ça me faisait rêver de courir avec eux. Aujourd'hui je ne suis pas déçu, c'est un pur plaisir de courir avec mes équipiers chaque week-end, en collectif ! Ca avait commencé fort en Espoirs 1 puisque lorsque je suis arrivé, c'était une grande année avec des coureurs comme Lilian Calmejane, Romain Cardis, Jérémy Cornu ou Fabien Grellier, que des coureurs qui marchaient "terrible" à cette époque-là. Je rêvais encore à moitié en pouvant courir avec ces gars-là.    

« QUAND ON EST JEUNE, IL FAUT D'ABORD PROFITER »

Tu expliquais que des Espoirs 3 ou 4 t'impressionnaient lorsque tu as rejoins la catégorie. Es-tu également impressionné par les jeunes qui débarquent des Juniors, comme Mathieu Burgaudeau ou Emilien Jeannière, et qui marchent déjà fort ?
Complètement ! Ce ne sont plus les Espoirs 1 d'avant ! (rires). Plus les années avancent et plus les Espoirs 1 sont matures mentalement et physiquement. C'est vrai pour Mathieu, Emilien mais aussi Valentin (Ferron) et Quentin (Fournier) dans l'équipe. On n'en parle pas trop entre nous mais je suis impressionné. Ils ont tous un très bon niveau déjà. C'est pareil dans les autres équipes : quand on voit des garçons comme Alexys Brunel ou Tanguy Turgis... C'est une sacrée génération ! 

Et dans la plupart des cas, ces Espoirs 1 qui marchent fort très vite sont-ils amenés à faire une grande carrière ou peuvent-ils s'écraser par la suite ?
Il y a un peu de tout, je pense. Il y a forcément un bon nombre d'entre eux qui vont marcher fort et longtemps. Mais quand je vois certains Cadets qui sont déjà affûtés comme des 1ère caté, je me dis que ce ne sont plus les mêmes générations qu'avant, lorsque nous étions Cadets et qu'on allait se faire un McDo la veille des courses. Je pense que quand on est jeune, il faut d'abord profiter et ne pas se tirer une balle dans le pied, même si chacun gère comme il veut. Pour moi, il n'y a pas besoin de "faire le job" chez les Cadets et ça se discute encore en Juniors. 


Les jeunes cherchent-ils trop à imiter les pros ?
Il y a tellement de choses qui se disent... Les Cadets regardent de plus en plus de vélo, ils veulent suivre l'exemple des grands. Avec l'avancée technologique au niveau du matériel, au niveau de l'alimentation, ils veulent tous faire attention et être au millimètre. Mais je veux vraiment dire aux gamins de profiter : ce n'est pas en arrivant chez les Espoirs que vous pourrez faire n'importe quoi, donc il faut profiter avant. On peut vite péter un câble sinon. Il n'y a qu'à voir un mec comme Adrien Costa qui arrête le vélo. Ca choque tout le monde, mais peut-être qu'il a été prêt trop tôt ? En tout cas, c'est bien pour ça qu'il faut faire attention car si c'est pour péter un plomb dans la tête et arrêter le vélo après deux ans à haut-niveau, ce n'est pas la peine. Personnellement, je me suis amusé étant gamin... Il faut aussi faire attention à ce qu'on nous dit. Peut-être que certains gamins écoutent trop les "conseils" des grands. Ils veulent trop bien faire, mais c'est un sport déjà assez dur physiquement pour ne pas en rajouter. Il faut écouter son corps en priorité. 

« UNE BONNE TARTIFLETTE, C'EST LE TOP »

Et entre coureurs, parle-t-on du poids ou est-ce tabou ?
Oui bien sûr, mais c'est toujours pour rigoler. On se vanne, rien d'autre. Les dirigeants ne nous font jamais de réflexion par rapport au poids, on ne nous demande rien dans l'équipe. Chacun gère sa bouffe comme il le veut. Dans l'absolu, si je voulais manger McDo cinq fois dans la semaine, je pourrais le faire. Par contre, je serais sûrement collé le dimanche sur la course et là, je pourrais prendre une réflexion. Mais ce serait mon problème. Si on veut marcher, c'est à nous de faire attention.

Quels sont tes plus gros plaisirs dans l'assiette ?
Ce n'est pas forcément des trucs bien gras. Ca dépend des envies et des moments. Une bonne tartiflette par exemple, c'est le top (sourires). Tant qu'on suit un équilibre et un bon compromis. On sait à quelles périodes de l'année on peut se permettre de faire un écart ou non.

Si tu ne faisais pas carrière dans le cyclisme, vers quel métier penserais-tu te diriger ?
Je serais sûrement pompier. Durant mon CAP, j'ai touché aux métiers de la sécurité, avec la police ou les pompiers. C'est devenu une passion et c'est un métier que j'aurais fait avec beaucoup de plaisir. Si je ne passe pas professionnel dans le vélo, ou même après ma carrière, il y a des chances que je sois au moins pompier volontaire.

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