David Lappartient : « L'émissaire de personne »

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Si David Lappartient s'est porté candidat à la présidence de l'Union Cycliste Internationale (lire ici), c'est parce que Brian Cookson le lui a demandé ! En effet, lassé des propositions de son vice-président sur l'amélioration de la gouvernance de la fédération internationale, le Président de l'UCI lui a envoyé une lettre en juin 2016. "Il m'a envoyé un courrier m'invitant à devenir candidat à la présidence si je pensais pouvoir mieux diriger l'UCI. J'ai suivi son invitation". Dans la mairie de Düsseldorf, accompagné de Michel Callot, son successeur à la présidence de la FFC, David Lappartient a tenu une conférence de presse pour présenter son programme de candidat.

"Il y a une envie de changement au sein de l'UCI", ajoute le Breton de 44 ans qui est élu à la fédération depuis 2005 et qui soutenait Brian Cookson en 2013. "Les fédérations nationales ont élu Brian Cookson président mais on a eu l'impression que ce n'était pas lui qui dirigeait. L'UCI a un système présidentiel. Le Président préside, le Comité directeur dirige et l'administration est au service des fédérations nationales et applique la politique décidée par les élus", déclare le candidat.

Toutefois, David Lappartient met au crédit de l'actuel Président de meilleures relations avec l'Agence Mondiale Antidopage et le développement du cyclisme féminin.

Le Président de l'Union Européenne de Cyclisme présentera son programme détaillé avant la mi-juillet mais il en a dévoilé les axes principaux à la veille du départ du Tour de France, après avoir rencontré l'association des équipes pro, l'AIGCP.

David Lappartient veut revoir le format des Championnats du Monde. Il souhaite d'abord supprimer l'épreuve contre-la-montre par équipes disputée par des équipes de marques. L'AIGCP semble être d'accord. D'ailleurs, les équipes ne se bousculaient pas pour aller au Qatar l'an dernier.  Il souhaite aussi revenir à une course totalement en circuit alors que les Australiens avaient lancé en 2010 la mode d'un départ à l'extérieur et d'une partie en ligne avant l'arrivée sur le circuit. L'ancien Président de la FFC veut aussi organiser en année pré-olympique un super-championnat avec les quatre disciplines olympiques du cyclisme : la route, la piste, le VTT et le BMX. Il suggère même de proposer ce quatre-en-un à la ville qui recevra les Jeux olympiques l'année suivante.

Les Jeux olympiques et la place du cyclisme sont d'ailleurs un autre axe du programme du candidat.  "Nous sommes absents des instances du CIO alors que le vélo est le troisième sport olympique en nombre de médailles et d'athlètes, après l'athlétisme et la natation. Il faut une stratégie d'influence au sein du mouvement olympique", vise-t-il.  Parmi le programme olympique, "la piste est la discipline olympique majeure du cyclisme mais elle est moins médiatique  en dehors des Jeux", juge-t-il. Alors la création d'un WordTour de la piste figure à son programme sous la forme d'un "circuit avec des équipes représentant un vélodrome, des compétitions sur une journée, sous un format télégénique et télévisées. Les coureurs seraient rémunérés." Ce circuit viendrait en complément des Coupes du Monde.

Pour développer le cyclisme à l'international, le Président de l'UEC veut faire du Centre Mondial du Cyclisme, "créé par Hein Verbruggen", rappelle-t-il, "le bras armé du développement du cyclisme." Mais pour cela, il faut des sous et son programme prévoit la création d'un fond de solidarité financé par l'UCI et par des partenaires privés. Il envisage aussi la création de nouveaux satellites du CMC en Afrique et dans les Caraïbes.

Le candidat Lappartient veut aussi s'attaquer à la crédibilité du résultat sportif. Sur la fraude technologique, il égratigne au passage Cookson, "trop en réaction et pas en action . Des efforts ont été faits [dans les contrôles] mais attention à la miniaturisation. Il faut utiliser plusieurs technologies de contrôle, homologués par des laboratoires indépendants." On se souvient que l'UCI a mis du temps à accepter l'utilisation des caméras thermiques.

Le danger des paris sportifs est un de ses chevaux de bataille, déjà à l'époque où David Lappartient était Président de la FFC. "Il faut prévenir tout risque dans notre sport. Nous avons les ingrédients pour avoir des problèmes. Il faut anticiper", prévient-il.

La lutte contre le dopage figure aussi au programme avec deux propositions : retirer à l'UCI le pouvoir de prononcer les sanctions et le confier à la Fondation antidopage de l'UCI, et appliquer à l'ensemble des équipes les arrêts de travail en cas de cortisolémie basse, comme c'est déjà le cas pour les équipes du MPCC. "En 2012, le vainqueur du Tour ne serait pas parti", glisse-t-il sans nommer le coureur de la Sky, Bradley Wiggins, qui avait bénéficié d'une autorisation à usage thérapeutique pour une injection de corticoïdes avant le départ du Tour.

Président du Conseil du Cyclisme Professionnel, il a approuvé la réforme du cyclisme pro en 2016 qu'il critique aujourd'hui. "La réforme est contestée par un certain nombre d'acteurs qui n'y retrouvent pas ce qu'ils avaient imaginer y trouver. Nous avons trouvé une solution pour passer 2017, 2018 et 2019. En 2018, il faut définir le projet à mettre en place pour le 1er janvier 2020. L'UCI doit définir les grandes lignes. Nous devons faire du cyclisme un sport économiquement viable tout en refusant de tout système fermé."

David Lappartient défend l'accord trouvé l'an dernier. "Il faut se rappeler le contexte. Il y a un an, ASO avait refusé d'inscrire ses courses au calendrier du WorldTour. J'ai pris la plume et je me réjouis d'avoir trouvé un compromis alors que nous étions dans l'impasse. On a évité la crise mais nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur la vision. Nous n'avons pas répondu aux objectifs de la réforme lancée en 2012", rétorque-t-il.

En septembre 2013, le CCP s'était mis d'accord sur plusieurs principes. Parmi ceux-ci, séparer les équipes du WorldTour en deux divisions, avec moins de coureurs par formation, un calendrier plus compact entre février et octobre, des compétitions tous les week-ends et une séquence de six semaines pour les classiques de printemps.

A l'issue de cette conférence de presse, David Lappartient s'est aussi défendu  d'être un « émissaire » d'ASO. "Je ne suis l'émissaire de personne. Je défends l'intérêt du vélo. A la FFC, j'ai été en conflit avec ASO au sujet des frais d'assurance", rappelle-t-il. En 2010, il voulait faire participer le secteur professionnel et en particulier ASO, à la prime d'assurance payée par la FFC, à hauteur des sinistres déclarés sur les courses  de l'organisateur. Après avoir menacé de ne pas affilier TDF Sport, l'association support d'ASO, les négociations aboutissent à un accord qui prévoit des actions de mécénat. "Et c'est aussi un atout d'avoir un président de l'UCI qui de bonnes relations avec ASO sans être inféodé", met en avant le candidat.




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