Sébastien Turgot : « Ils ont réussi à me dégoûter »

Crédit photo Www.velofotopro.com

Crédit photo Www.velofotopro.com

L’ultimatum de la fin de contrat n’épargne personne. Pas même un solide gaillard, venu à bout des terribles pavés de l’Enfer du Nord. Sébastien Turgot, deuxième de Paris-Roubaix en 2012 n’a pas trouvé d’équipes à la fin de ses trois saisons au sein d’AG2R La Mondiale. "Dégoûté par le monde pro et l’équipe", il a décidé de prendre une licence à l’US Saint-Herblain (DN3). A 32 ans, c’est un retour aux sources pour le coureur passé par la filière de Jean-René Bernaudeau. Dès 2006 au Vendée U puis chez Bouygues Telecom et Europcar à partir de 2008. Sébastien Turgot se retourne pour DirectVelo sur neuf saisons professionnelles. Entre amertume et souvenir d’Enfer.

DirectVelo : Comment abordes-tu la prochaine saison ?
Sébastien Turgot : Je veux continuer d’avoir une activité. Je ne vais pas faire uniquement du vélo et je ne pars pas du tout avec l’ambition de gagner le plus de courses possible. En fait, je veux surtout prendre du plaisir car je suis dégoûté par le monde du cyclisme pro. Ils m’ont dégouté de ma passion donc j’ai envie de m’y remettre gentiment.

« UN FOSSE ENORME ENTRE LE DISCOURS ET LA REALITE »

A qui penses-tu ?
Le monde pro en général. Et puis bien sûr l’équipe AG2R La Mondiale. Ces trois saisons ne se sont pas déroulées comme je l’avais espéré. Je pense que l’équipe n'a pas été correcte. On se débarrasse vite des coureurs dans les équipes aujourd’hui… Et puis, dans la théorie nous avons été recrutés avec Damien Gaudin pour les classiques flamandes. Le problème c’est qu’il y avait un fossé énorme entre le discours et la réalité. Le discours était magnifique !

Qu’est-ce qui t’a manqué pour avoir chez AG2R les résultats que tu avais eu auparavant sur ces courses ?
Une équipe, et surtout du matériel pour ces courses. Pour moi, on n’a jamais été dans les bonnes conditions pour être performant sur les classiques. J’ai souvent expliqué à l’équipe que ce n’était pas possible d’avoir un résultat dans ces conditions or rien n’a bougé… Par contre, à la fin de la saison, on te dit que tu n’as rien fait si tu as raté ce mois de compétition.

« IL FAUDRA UN MOMENT POUR FAIRE PASSER LA PILULE »

Ça a été difficile à vivre ?
Forcément car j’étais très motivé en arrivant dans l’équipe. Et puis avec mon entraineur, nous savions comment arriver en forme pour un objectif. Le vélo est une passion et j’ai toujours eu la pêche pour aller m’entrainer. D’ailleurs je l’ai encore et j’aurais aimé continuer encore une ou deux saisons. Je ressentais une certaine lassitude vis-à-vis de la situation et des contraintes mais je voulais refaire une campagne de classiques. Arrêter de cette manière, je vais le regretter. Il faudra un moment pour faire passer la pilule.

Ces classiques, tu les as toujours aimées ou tu les as découvertes au fil des années ?
En passant professionnel, je pensais que ces courses étaient trop difficiles. Ce sont de vrais coursiers qui sont à l’avant. Il faut être aussi fort mentalement que physiquement. Aujourd’hui quand je suis devant ma télé, je n’ai aucun plaisir à regarder une étape de montagne pendant le Tour de France. Les leaders sont à l’avant mais tout est calculé. On ne peut rien tenter. Alors que c’est l’inverse sur une classique. A chaque fois que tu entres dans un secteur pavé, tout peut se passer. Et c’est difficile de regarder son capteur de puissance !

A quel moment es-tu devenu un de ces coureurs ?
Ça s’est passé sur une course. Il me semble que c’était un Het Volk à l’époque. J’avais fait un résultat et c’est à ce moment que j’ai compris que je pouvais viser quelque chose sur ces courses. Après, j’ai enchainé avec un Top 10 à Kuurne-Bruxelles-Kuurne et il y a eu ma victoire d’étape sur les Trois de La Panne en 2010.

« PARIS-ROUBAIX : MON PLUS GRAND SOUVENIR »

Deux ans plus tard, il y a ce Paris-Roubaix 2012 avec ta deuxième place…
Sans doute mon plus grand souvenir ! Il y a aussi le Tour de France où nous avions défendu le maillot jaune de Thomas Voeckler mais Paris-Roubaix reste un grand moment. Je sais jusqu’où je suis allé dans la douleur pour aller décrocher ce podium. J’y suis allé au mental, jusqu’à ce sprint sur le Vélodrome avec des rayons cassés. Ce sont des émotions énormes… Ce jour-là, tout s'était passé comme je l’imaginais.

Tu te rappelles encore des détails de la course ?
Ah oui, je m’en souviens très bien. Il n’y avait pas de caméra sur nous mais nous étions à quelques secondes du trio (Ballan, Flecha, Boom) qui chassait derrière Tom Boonen. J’étais avec Niki Terpstra et je n’arrêtais pas de me dire qu'il fallait rentrer juste à l’entrée du vélodrome. C’est exactement comme ça que ça se passe. Je prends la roue de Flecha et je touche son dérailleur. Je sens que ma roue est voilée mais je devais aller chercher ce podium.

« JE VEUX REPRENDRE DU PLAISIR »

Après cette course, tu pensais pouvoir t’imposer dans les années suivantes ?
Peut-être pas gagner mais je pensais pouvoir refaire la même chose. En 2013, je pense que j’étais bien plus fort. J’avais fait 8e du Tour des Flandres la semaine précédente. J’étais confiant. Le problème, c’est qu’il faut aussi de la chance sur Paris-Roubaix… Cette année-là, j’ai crevé à 41 km de l’arrivée quand la bagarre s’est déclenchée. Dans la panique j’ai perdu beaucoup de temps. Malgré tout je fais dixième comme quoi…

Après toutes ces saisons, qu’est-ce qui t’a motivé à reprendre une licence ?
Le plaisir. Je veux en reprendre sur le vélo et en dehors. Il ne faut pas s’attendre à me voir sur toutes les courses. Je veux partager avec les jeunes, leur donner des conseils et pourquoi ne pas aider le club en marquant quelques points en Coupe de France DN3. J’ai neuf années pros derrière moi, je pense que j’aurai encore des restes (rires). J’ai encore envie de faire du sport.

Autre que le vélo ?
Oui surtout. J’adore courir donc j’aimerais faire un marathon ou un trail. Je pense que l’on peut faire plusieurs disciplines en même temps. J’aimerais aussi faire un IronMan mais tout ça, ce sera pour le plaisir. Je ne veux plus entendre parler de plan d’entrainement ni de contraintes !

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Sébastien TURGOT