Les Fjords, « dans le noir à 100 km/h »

Crédit photo Tour des Fjords

Crédit photo Tour des Fjords

Le Français Pierre Moncorgé faisait partie des 143 coureurs présents la semaine passée sur le Tour des Fjords, en Norvège. Pour DirectVelo, l'ex pensionnaire du VC Vulco Vaulx-en-Velin, désormais installé en Suède et membre du Team Bliz-Merida, nous raconte les particularités de cette épreuve de quatre jours très pluvieuse, qui emprunte des paysages sublimes et des tunnels pas tout à fait comme les autres, à -260m sous l'eau, et où il faut avoir le coeur bien accroché. Récit.

LA PLUS BELLE EPREUVE AU MONDE ?
« J´ai participé, il y a quelques jours et pour la seconde fois de ma carrière, au Tour des Fjords, une course atypique et hors du commun dans le milieu professionnel. La géographie unique de cette région des Fjords - ces bras de mer qui s´enfoncent dans les montagnes - offre des parcours absolument spectaculaires avec des paysages d´eau et de montagnes somptueux. Après avoir couru dans une grosse vingtaine de pays à travers cinq continents, je ne peux guère contredire les organisateurs qui présentent leur épreuve comme étant "la plus belle au monde".

UNE METEO EXTRÊMEMENT CAPRICIEUSE
Mais… encore faut-il que la météo soit au rendez-vous. Cette région de l'ouest de la Norvège est l'une des plus pluvieuses au Monde. Bergen, la ville qui accueillera les Championnats du Monde 2017, n´a à titre d'exemple connu que deux petites journées sans pluie durant l'ensemble du mois de juillet ! Il pleut environ 235 jours par an dans cette région de la Norvège. Autant dire qu'ici, la pluie est la normalité, et les gens s´en accommodent. Il n'a donc pas été surprenant pour moi de passer les trois premières étapes sous des trombes d'eau. Les Fjords, les lacs, la pluie et des cascades gigantesques... tout est réuni pour avoir une route détrempée. Heureusement, les Norvégiens sont passionnés de vélo depuis quelques années et n'hésitent pas à sortir de chez eux pour encourager bruyamment les coureurs, malgré ce climat très arrosé.

UN TUNNEL QUI FAIT FROID DANS LE DOS
Ce déluge est seulement interrompu lors des passages d'innombrables tunnels. Ils peuvent jouer un rôle décisif dans la course. Frissons garantis ! Ces tunnels empruntent des routes toutes droites et aux pentes à plus de 10%. Les descentes se font ainsi cul sur le cadre, à plus de 100 km/h pour les plus téméraires. La course se targue d'ailleurs d´atteindre le point altimétrique le plus bas du calendrier cycliste, avec une descente à -260m sous un Fjord. C'est impressionnant. On est plongé dans le noir et on ne voit qu'à quelques mètres devant soi. Il faut tout faire à l'aveugle ou presque. Autant dire que quand on est à 100 km/h... il faut avoir le coeur bien accroché ! Mais ce n'est pas fini ! Une fois que tu as descendu 3 ou 4 kilomètres de tunnel, et bien ils faut les remonter dans l'autre sens. C'est un vrai GPM sous la mer. La montée semble alors interminable. Il n'y a ni lumière ni repères, simplement une étrange sensation de suffoquer. Tu te contentes de suivre la roue de devant en ayant l'impression de faire du sur place. Retrouver la surface et l'air pur après un quart d'heure dans le tunnel est une véritable délivrance.

DU BATEAU POUR LES TRANSFERTS 
Les organisateurs se servent de ces mêmes Fjords pour faciliter les transferts des coureurs, qui ont souvent la chance de prendre un bateau rapide jusqu'à l'hôtel, tandis que la caravane de véhicules doit parfois rouler plus de trois heures pour atteindre la même destination. A l'hôtel justement, les coureurs se ruent sur la spécialité nationale, le saumon, que l'on trouve sous toutes ses formes aux buffets, du petit-déjeuner jusqu'au dîner. L'un des prix de la course est le fameux "maillot saumon", remis au coureur le plus combatif de l'étape, avec parfois une dotation en nature s'élevant à un an de consommation de saumon à volonté. Ca vaut le coup de faire la course, non ? 

UNE ERREUR D'AIGUILLAGE QUI FAIT PARLER
Cette très belle édition 2016 du Tour des Fjords a malheureusement été marquée par une situation confuse à l'arrivée de la 1ère étape. Tout a commencé à quelques 15 kilomètres de l'arrivée, lorsque le peloton a été emmené sur un mauvais parcours. Mais je tiens quand même à relativiser. Des erreurs d'aiguillage, il y en a tous les week-ends sur des courses. Par la suite, c'est vrai qu'il y a aussi eu des problèmes de circulation, dans Bergen. Pour être honnête, je pense que ce sont surtout les échappés qui ont été gênés. J'ai été très surpris de revoir les images le soir car dans le peloton, ce n'était pas aussi confus. Je n'ai pas eu la sensation d'être en danger. D'ailleurs, personne n'a réellement gueulé après l'arrivée ou le lendemain matin. Les commissaires ont remis tout le monde dans le même temps et tout est vite rentré dans l'ordre ».

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Portrait de Pierre MONCORGÉ