Là haut, au paradis des poissons rouges, Bourse doit être heureux. David Gaudu lui a rendu hommage en remportant la 53e édition du Tour de l'Avenir, samedi, au sommet de la Croix-de-Fer (lire ici). "Je dédie mon succès à Bourse", plaisantait le Breton, futur professionnel de la FDJ, sur le podium final. Il y a bien sûr les parents, glissés parmi le public d'un bout à l'autre de l'épreuve, les amis, l'entraîneur, les coéquipiers de club (Côtes d'Armor-Marie Morin) ou ceux de l'Equipe de France Espoirs, l'encadrement, tous ceux qui ont cru en lui depuis ses débuts dans le vélo, du côté de Landivisiau (lire Grande Interview), quand il se ramassait des arbres en frontal, déjà trop pressé. Mais il y a aussi Boubourse, alias « Bourse ». Le modeste poisson rouge a rendu l'âme mercredi, au grand chagrin de son propriétaire, Victor, le kiné nordiste des Bleus.

''Aujourd'hui, on court pour Bourse !'', avait prévenu Pierre-Yves Chatelon, le sélectionneur, au départ de l'étape suivante, qui conduisait en haut de Tignes. Qu'on se le dise : l'attaque des Français dans la descente du Cormet de Roselend, la tactique des équipiers disposés en points d'appui (lire article tactique), la victoire de Gaudu dans la station de ski : tout ça, c'était pour le défunt poisson.

Gaudu s'excuse : ''On avait décidé que si je gagnais, je faisais un mouvement de nageoires sur la ligne d'arrivée. Je suis désolé, j'ai complètement oublié !''. Deux jours plus tard, son succès au classement général rattrape cette erreur.

L'UNION FAIT LA FARCE

Ce fil rouge du poisson rouge est l'un des codes qui soude un groupe. Il en faut, pour tenir l'ambiance et le moral plein pot, pour faire travailler ensemble des coureurs qui sont adversaires le restant de la saison. Pour passer de bons moments, tout simplement. Sur le Tour de l'Avenir, l'Equipe de France avait ses deux mantras : le poisson rouge comme « private joke » et la chanson "Toujours vivant, toujours debout", diffusée en boucle pendant les trajets.

Le refrain de Renaud avait déjà accompagné l'équipe en mai passé sur la Course de la Paix. Un assistant avait acheté le CD dans une station service de Metz, avant de prendre la route de la République Tchèque. Les paroles ont du sens pour un cycliste engagé sur une course à étapes. Le rythme est plus lent que les playlists habituelles écoutées au casque avant un contre-la-montre. Le ton est grave et profond. Gaudu avait remporté l'épreuve comptant pour la Coupe des Nations, un des jalons importants dans sa saison qui va crescendo. Il faut croire que Renaud porte chance. Les Bleus avaient donc décidé de repasser le CD pendant le Tour de l'Avenir.

Samedi soir, la joyeuse troupe a écouté une dernière fois les paroles de la victoire peu après minuit, dans un pub de Saint-Sorlin-d'Arves, dans le Col de la Croix-de-Fer. Le barman de « l'Avalanche Café » a accepté de passer l'hymne officieux dans les enceintes et il a payé un coup à boire à Gaudu, encore resplendissant dans son maillot jaune aux manches courtes. Dimanche matin, dans un silence un peu lourd des lendemains de fête, chacun rentrait chez soi.