Le Tour de l'Avenir, une affaire de pros ?

Crédit photo Pierre Carrey - DirectVelo

Crédit photo Pierre Carrey - DirectVelo

Des équipes qui se déplacent dans de larges bus comme chez les pros, des coureurs qui rejoignent le départ de plus en plus tard : le Tour de l'Avenir est en pleine croissance. Certes, l'épreuve phare des 19-22 ans reste à taille humaine et les spectateurs ont la chance d'approcher longuement les athlètes, à l'inverse du Tour de France. Mais chaque année, les sélections nationales participantes débarquent avec de plus en plus de moyens. Un bus pour l'Italie (c'est nouveau), les Pays-Bas et la Colombie (c'était le cas ces dernières années mais les "scarabées" se contentent d'un mini bus en 2016), un camper pour la France et la Belgique notamment. A ce rythme-là, les parkings pourraient devenir trop petits pour accueillir les 24 teams.

"Ça n'a pas de sens, regrette Keith Lambert, le coach des Britanniques. Quand on habitue les jeunes à des moyens financiers importants, on leur coupe l'envie. Notre fédération aurait tout à fait les moyens de se déplacer dans un bus. Mais ce n'est pas ce que nous voulons. Même au Tour de Grande-Bretagne, nous avons deux voitures et un fourgon. Les autres équipes ont des bus, nous restons fidèles à notre façon de voir les choses."

Même son de cloche chez les Norvégiens, qui ont remporté deux étapes en trois jours et arborent le maillot jaune, avec Amund Grondahl Jansen. "Les moyens doivent être en rapport avec le niveau de course, explique Stig Kristiansen, l'entraîneur national, à DirectVelo. Il faut habituer les jeunes à fonctionner avec le minimum. Ils auront tout le temps d'utiliser leurs bus quand ils seront au WorldTour".

« HELAS POUR LES PURISTES... »

Et il n'y a pas que les véhicules qui grossissent. Depuis trois ans, le staff des équipes est passé de quatre personnes (un directeur sportif, un mécanicien, deux assistants) à cinq voire sept membres. Ce qui peut inclure un kiné supplémentaire (comme en Equipe de France), un médecin (Espagne), une responsable de communication (la Colombie, ces dernières années).

A première vue, cette hausse de moyens n'est pas sans influencer le comportement des coureurs. Dimanche, au départ de Montrond-les-Bains (Loire), les premiers à signer la feuille d'émargement sur le podium de présentation sont arrivés une heure dix avant le départ. L'année passée, il y avait déjà deux ou trois équipes qui attendaient de manier le stylo alors qu'il restait une heure et demi. Et ce bon quart d'heure de décalage s'est reproduit lundi à Bourg-en-Bresse (Ain).

Rien de dramatique à ce stade, mais on assiste manifestement à une nouvelle approche de la course. "Hélas, peut-être, pour les puristes, concède Pierre-Yves Chatelon, qui dirige l'Equipe de France Espoirs. L'époque où les coureurs se changeaient les fesses à l'air sur le trottoir est terminée»''.

« UN GROS AVANTAGE POUR LA RECUPERATION »

Ainsi, les Bleus disposent d'un camper depuis trois ans. Les cyclistes peuvent s'y doucher pendant le temps de transport, si bien que chacun est frais et dispo sur le coup de 20h, prêt à passer à table. «Un gros avantage pour la récupération», ajoute Chatelon. «Je ne pense pas que ça fasse une nette différence, estime quant à lui Matxin Fernandez, l'envoyé spécial d'Etixx-Quick Sep pour faire de la détection. Sur une épreuve comme le Tour de l'Avenir, il s'agit davantage de s'afficher. Le sponsor d'une fédération préfère voir son nom sur un bus...».

On en vient à la question de l'équité sportive. A coté du bus siglé Vittoria des Italiens, le van de la Belgique apparaît un cran en-dessous sur l'échelle du luxe. Mais que dire de la sélection marocaine, qui possède un total de... 14 bidons pour huit jours de course ? Plusieurs équipes ont décidé de les dépanner, mais le fossé matériel se creuse.

"Et c'est dommage d'employer des moyens de professionnels sur une course amateur", note Akira Asada, le sélectionneur du Japon.

« ON NE VA PAS LAISSER LE BUS A LA MAISON »

Pour les Pays-Bas, le bon usage du bus est "pragmatique". L'engin est siglé Rabobank, sponsor de la fédération nationale, mais aussi de l'équipe Continentale et de la formation Femmes UCI. "On ne va pas le laisser à la maison alors que le Tour de l'Avenir est la plus grosse course de notre calendrier», relève Griescha Niermann. Le directeur sportif glisse quand même que la Rabo «peut aussi gagner le Kreiz Breizh avec seulement deux voitures".

Selon l'entraîneur des Néerlandais, ''le Tour de l'Avenir se court d'une façon professionnelle''. Sauf en ce qui concerne les schémas tactiques, décriés il y a quatre ans par Bernard Bourreau, l'ancien sélectionneur des Bleus Espoirs : une échappée précoce et sans danger, le peloton qui lève le pied et assure un tempo, une accélération dans le final. Les deux premières étapes de l'édition 2016 se sont révélées très imprévisibles.

''Le Tour de l'Avenir est une épreuve formatrice pour les jeunes mais ouverte aux coureurs pros, arbitre Philippe Colliou, l'organisateur. L'augmentation des moyens parmi les équipes démontre que la course est prise très au sérieux''.

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