Clément Barbeau : « J'arrête pour plusieurs raisons »

Crédit photo Zoé Soullard

Crédit photo Zoé Soullard

A 21 ans, Clément Barbeau a choisi d'arrêter le vélo. Brillant sur la piste et sur la route, le Girondin galérait depuis l'an dernier. Le sprinteur de l'Océane Top 16, suivi pendant deux ans par la FDJ, raccroche pour trois raisons. Il les détaille à DirectVelo.

DirectVelo : Pourquoi as-tu choisi d'arrêter le vélo ?
Clément Barbeau : C'est compliqué... Il y a plusieurs raisons. La première, c'est une lassitude qui s'est installée depuis deux ans. Il y a un manque de réussite et donc de résultats. Je n'étais pas habitué à cela. Même en Espoir première année, en 2014, j'avais fait une belle saison. La saison 2015 a été difficile pour moi, avec ma blessure, mais aussi pour l'équipe (le Team U Nantes Atlantique, NDLR). Cela m'a touché. J'ai changé de club cette année pour me relancer. A l'Océane Top 16, j'ai rencontré des gens très bien. Il y avait une bonne ambiance. J'y ai cru. J'ai repris goût au vélo mais je me suis cassé la clavicule, ce qui n'a pas aidé. J'ai refait le taf pour être sélectionné au Championnat d'Europe sur piste. J'ai été sur tous les stages. Puis je suis tombé malade au moment de la présélection, au lendemain du Tour de Gironde. J'ai du coup été beaucoup moins performant au stage, et je n'ai pas été sélectionné. Comme je l'ai dit à l'entraîneur national, je ne trouve pas justifié ma non-sélection. Ce fut un vrai coup dur... La relation de confiance n'existait plus. Cela m'a encore plus démotivé. Cela, c'est pour la partie sportive.

« BEAUCOUP DE CHOSES TE SEMBLENT INJUSTES »

Quelles sont les autres raisons ?
Aujourd'hui, on ne peut plus faire la moindre sortie d'entraînement en toute tranquillité. Il y a forcément un moment où tu vas te prendre la tête avec un automobiliste. Tu vas jouer ta vie à un carrefour... Les morts de Romain Guyot et Florent Sentucq m'ont refroidi. Quand tu vois les risques qu'il faut prendre, ça te fait réfléchir... Je suis revenu de ma fracture de la clavicule avec de l’appréhension. Ce n'était pas le cas avant. Je n'avais jamais eu peur sur un vélo.. Je me disais pas que ça pouvait m'arriver. C'est un sport dangereux, surtout quand tu es sprinteur. Je commençais à faire un blocage alors cela ne servait plus à rien de continuer. J'avais moins envie de courir. J'ai été déçu par du monde. Beaucoup de choses te semblent injustes. J'ai réfléchi, puis j'ai pris cette décision d'arrêter le vélo. J'étais dans l'anonymat du peloton, alors que je voulais gagner et être félicité... Je marchais à l'envie. Quand je me mettais un objectif en tête, ça allait. C'est pour cela que je souhaitais participer au Championnat d'Europe. Et puis, il y a encore une autre raison.

Laquelle ?
C'est tabou de parler de dopage mais avec tout ce qu'on voit... Il y a à prendre et à laisser mais parfois, tu peux le vérifier. Cela devient inquiétant dans le milieu amateur. Ce n'est pas une généralité évidemment. Avant, on me parlait de trois ou quatre coureurs... Je disais d'accord, j'étais naïf... Cette année, ça ne se cache pas. Ce sont "pastoches" et compagnie... Cela ne me fait plus rêver. J'ai la sensation d'être volé, mais comme d'autres bien sûr ! Je crains que beaucoup soient prêts à passer le cap pour avoir des résultats. Je me dis que si c'est comme ça en amateur, qu'est-ce que ça doit être au-dessus...

« IL Y A DES COUREURS PROPRES BIEN MEILLEURS QUE MOI »

Certains diront que tu es aigri...
Ce n'est pas à cause des médicaments pris par d'autres que je ne marchais plus comme avant. Alors oui, on va dire "Barbeau remet ça sur le compte du dopage"... Non ! Il y a des coureurs propres bien meilleurs que moi. Je les encourage à continuer, il y en a beaucoup ! Mais voilà, je suis inquiet. Tout le monde en parle. J'ai eu peur de me trouver à faire un sport médicalisé vu tout ce qu'on peut entendre. Comme l'a dit le docteur Menuet sur mon message Facebook, ceux qui trichent ne sont pas bien mentalement car ils savent que ce qu'ils font n'est pas correct.

Tu as mis du temps à prendre ta décision ?
Mes parents et mon équipe le savaient depuis un petit moment, mes proches aussi. J'ai ensuite pris le temps de réfléchir pendant une dizaine de jours. Je voulais voir comment je me sentais loin de ce milieu. Puis il fallait bien l'annoncer au monde du vélo. C'est un soulagement car je commençais à recevoir des messages : "La barbe, pourquoi tu ne roules plus ?". Je ne suis pas allé au Tour des Deux-Sèvres. Je mentais un peu, je disais que j'étais malade... Maintenant, je peux échanger honnêtement avec les gens. Je peux me tourner vers autre chose.

« JE NE PENSE PAS REVENIR »

Tu n'as que 21 ans. Le vélo, c'est vraiment fini ?
Je ne pense pas revenir. Je ne me vois pas évoluer en 3e catégorie alors que j'étais en 1ère. J'ai goûté au haut-niveau. Je vais faire d’autres sports. Mon frère est dans le vélo, je vais continuer de le suivre. Je regarderai aussi ce que font les copains. Moi, j'ai fait mon bout de chemin.

Que retiendras-tu de tes années de vélo ?
Je retiens que les bons moments, ceux qui m'ont fait avancer pendant ma "pseudo" carrière. Cela m'a forgé ! Je retiens les beaux Championnats, les belles victoires, des petites catégories jusqu'aux rangs Espoirs. J'ai eu la chance d’être suivi par la FDJ pendant deux ans. De la génération 95, il n'y avait qu'Elie Gesbert et moi. Nous avons eu beaucoup de chance. Cela n'a pas abouti. C'était un rêve depuis Junior et jusqu'à maintenant... Intégrer une telle équipe était le Graal. Je remercie tous les gens qui m'ont aidé et accompagné. Je n'ai pas envie de retenir les blessures et les non-sélections... Je ne suis pas le seul à ne pas avoir été retenu pour un Championnat mais je vivais le truc différemment. Cela m'est resté en travers de la gorge. Je suis un garçon très émotif, peut-être trop pour le milieu du vélo. Moi, je fais confiance aux gens.

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