La Grande Interview : Valentin Madouas

Crédit photo Elen Rius Photos

Crédit photo Elen Rius Photos

Depuis le début du mois de juin, il est l’épouvantail du peloton amateur français. En à peine trois semaines, Valentin Madouas a accumulé les succès. Six au total, et pas des moindres ; Championnat de Bretagne, GP de Brest, étape du Tour d’Eure-et-Loir (CDF DN1), SportBreizh et pour couronner le tout, un titre de Champion de France samedi dernier, sur les routes de Vesoul, en Franche-Comté : un véritable sans faute. ‘‘Je ne sais pas ce qu’il m’arrive. Partout où je vais, je gagne. En fait, je crois que je ne me rends même pas vraiment compte’’. Si le chemin du Breton du BIC 2000 semblait déjà tout tracé, nul doute qu’il a encore accéléré le processus ce week-end en devenant le plus jeune Champion national depuis 1965. Entretien avec l’homme fort du moment.

DirectVelo : Sur le stand DirectVelo de Vesoul, le public pouvait acquérir un T-Shirt avec l’inscription « Motivé comme un cadet ». Il parait que tu en es à l’origine. Parce que cette formule s’applique à toi ?
Oui, j’ai proposé cette phrase à l’équipe de DirectVelo. Enfin, à la base, ce devait même être pour des caleçons non ? (sourires). Cette phrase correspond à mon état d’esprit. Plus encore maintenant que j’ai le maillot de Champion de France sur le dos.

On te sent très serein, pour un coureur de 19 ans ? 
J’ai toujours été calme. Je ne suis pas le genre de mecs à m’exciter pour un rien. Je pense que c’est une qualité pour être un sportif de haut-niveau.

« JE DONNE L’IMPRESSION QUE JE M’EN FOUS »

Tu n’es jamais stressé ? 
Pas vraiment. Ça peut m’arriver de l’être, comme la veille du Championnat de France. D’ailleurs, à Vesoul, je n’avais pas réussi à dormir la nuit d’avant. J’avais la pression. Tout le monde dans l’équipe me disait que j’allais gagner, et j’avais peur de décevoir. Heureusement que je n’ai pas vu les pronos des directeurs sportifs avant la course (lire ici). J’avais volontairement éteint mon téléphone le matin avant le départ, et j’ai découvert le papier de DirectVelo seulement quelques heures après l’arrivée.

Et le reste du temps, tu es plutôt tranquille ? 
Oui, avant de passer des examens, je ne suis pas stressé du tout. Par contre, ça inquiète mes parents qui ont l’impression que je m’en moque. Si je suis content de ce que j’ai fait les jours précédents une course, je suis serein. Et donc je donne visiblement l’impression que je m’en fous, mais c’est faux.

Ton attitude correspond donc bien à de la sérénité et non pas à du « je-m’en-foutisme » ?  
De l’extérieur, on pourrait croire que je suis désintéressé, mais ce n’est pas du tout le cas, bien au contraire ! Quand j’ai passé des dizaines d’heures d’entrainement à préparer un événement, comment pourrais-je m’en désintéresser la veille ou le Jour-J ? C’est simplement une question d’état d’esprit et de confiance en soi.

« JE SUIS PLUTÔT TÊTE EN L’AIR »

A la maison, tu es plutôt maniaque ou bordélique ? 
Ah moi, je suis un vrai bordélique (rires) ! D’ailleurs, dans l’équipe tout le monde se fout un peu de moi à cause de ça : ma valise est toujours en vrac. Je crois que l’on va avoir du mal à me changer là-dessus, même si j’essaie de m’améliorer. De la même façon, je suis plutôt tête en l’air. Mes directeurs sportifs viennent toujours me voir pour s’assurer que je n’ai rien oublié avant la course. C’est ma façon d’être. J’essaie de progresser et en même temps, je me dis que je ne serais pas non plus la personne que je suis si j’étais à fond sur tous les détails.

Le problème, c’est que tu ne te contentes pas d’oublier ta brosse à dent ou tes chaussettes…
(Il rit). Récemment sur le Tour d’Eure-et-Loir, je suis parti sans mon casque de chrono et sans mon home-trainer. J’avais complètement oublié qu’il y avait un contre-la-montre sur cette course !

Et puis il y a aussi tes parents, qui sont là pour veiller au grain ? 
Mes parents m’aident à m’organiser. Je suis très pris entre le cyclisme et les études (il est actuellement en troisième année d’école d’ingénieur, à l’Institut Supérieur de l’Electronique et du Numérique – ISEN – de Brest, NDLR). Mon père et ma mère m’aident à gagner beaucoup de temps. D’ailleurs, ils font beaucoup de sacrifices pour moi. Je sais qu’ils font de leur mieux pour que je sois dans les meilleures conditions possibles au départ d’une compétition. Je leur dois beaucoup. Comme j’habite toujours chez eux, ils me font toujours à manger, ils me font mon linge etc. Ce sont des choses toutes bêtes, mais qui me permettent aussi d’avoir cette stabilité et d’être moins stressé.

« CA M’EMBÊTERAIT QU’ILS FASSENT TOUS CES SACRIFICES POUR RIEN »

Ta mère est médecin du sport, ce qui doit être un atout supplémentaire pour toi ?
En fait, j’ai mon médecin à la maison et du coup, ça permet d’anticiper les maladies. Dès que je commence à attraper le moindre petit rhume, elle sait quoi faire. J’ai droit à des huiles essentielles. Elle est également vigilante sur ma nutrition et je suis très bien accompagné.

Tu es d’ailleurs accompagné jusque dans tes entrainements à vélo… 
Oui, car mon grand-père est capable de me suivre en voiture pendant 4h30 et il me fait faire du derrière voiture en fin de séance. C’est également lui qui me montre les parcours des courses à venir en Bretagne. Parfois, il emmène mon vélo chez le mécano à la seconde près, si j’ai un souci. Et il me le lave même si je n’ai pas le temps de le faire. C’est un appui énorme.

Et tu leur rends bien… 
C’est vrai que ça tourne bien en ce moment. Heureusement, car avec tout ce qu’ils font pour moi, ça m’embêterait beaucoup qu’ils aient l’impression de faire tous ces sacrifices pour rien. Même chose pour mon entraineur Pascal Redou, qui m’apporte beaucoup. Là, je pense que tout le monde est content. 

« JE NE SERAI JAMAIS UN GRIMPEUR »

N’as-tu pas le sentiment d’être totalement assisté ? 
Si, un peu. Mais c’est simplement ma façon d’être. Et puis ça fait plaisir à mes proches. C’est la façon qu’ils ont trouvé de m’accompagner et de m’aider dans ma carrière de cycliste. C’est leur pierre à l’édifice. Ils font le maximum pour que je sois heureux. Je suis à l’aise comme ça, c’est vrai. Nous avons une très bonne organisation dans la famille et tant mieux, car j’en ai besoin. Au moins pour l’instant.

On dit ton père beaucoup plus stressé que toi. C’est vrai ? 
Lorsqu’il était jeune, il était comme moi aujourd’hui : mes grands-parents me l’ont expliqué. Maintenant, je crois qu’il est stressé depuis que je cours. Il dit que c’est parce qu’il ne maitrise plus rien, et qu’il n’est plus le maitre du jeu.  

Ton père était grimpeur. Peux-tu, toi aussi, évoluer dans ce registre ? 
Je commence à prendre conscience du fait que je peux, moi aussi, passer les cols. Si je perds encore deux à trois kilos, ça pourrait être intéressant. J’ai hâte de me tester sur des courses de haute-montagne. Pourquoi ne pas découvrir tout ça sur le prochain Tour de l’Avenir. Mais il faudra d’abord que je fasse mes preuves lors des stages en montagne pour que Pierre-Yves Chatelon me fasse confiance. Pour autant, je ne serai jamais un pur grimpeur comme un David Gaudu. Je me vois d’abord comme un puncheur-sprinteur, c’est aussi pour ça que j’ai gagné sur le Tour d’Eure-et-Loir ou la SportBreizh. Mais à terme, je pense pouvoir devenir un coureur complet.  

« JE ME SENS ASSEZ MATURE POUR MON ÂGE »

Dans une interview récemment accordée au Télégramme, tu dis aimer les sports « imprévisibles ». Penses-tu que le vélo puisse répondre à cette définition ? 
Oui ! Et c’est d’ailleurs cette forme là que je préfère. J’aime les courses qui partent à fond dès le début et qui se font à la pédale dans le final, car c’est là qu’on voit les mecs les plus costauds. C’est le cas sur un Championnat par exemple. Les courses difficiles, où il faut s’accrocher toute la journée, et où tout est possible, c’est ça qui me plait. J’aime tout donner. A contrario, il m’arrive même de me demander ce que je suis venu faire sur une course quand il n’y a aucune place pour l’imprévu.     

Les conditions météo renforcent-elles ce caractère imprévisible ? 
Oui, samedi à Vesoul je me suis réjoui de voir la pluie arriver dans le final. A chaque fois qu’il pleut, j’aime me dire que ça déprime plus ou moins la moitié des mecs du peloton qui vont s’en plaindre, alors que moi, j’aime vraiment ça. Ça fait une plus grosse sélection. Et ça me motive encore plus pour faire mal aux autres. Au Prix Gilbert Bousquet cette année par exemple (2e derrière Jérémy Bescond, NDLR), c’était la tempête, mais ça m’a boosté encore plus. D’ailleurs, je n’avais même pas mis d’imperméable !

Tu es Champion de France à 19 ans, et tu es même le plus jeune depuis Claude Guyot en 1965. Est-ce que tu n’as pas peur de gravir les échelons trop vite ? 
C’est vrai que ça va vite ! En fait, je crois que je ne me rends même pas vraiment compte. A l’arrivée de Vesoul, Cédric Delaplace m’a dit « mais ce n’est pas possible, comment t’as fait ? ». Je ne réalisais pas trop. Je me sens quand même assez mature pour mon âge, dans ma manière de courir. Je pense avoir de l’avance là-dessus. Je sens les bons coups. Depuis le début de saison, je n’ai quasiment raté aucune bonne échappée. C’est un vrai plus par rapport à l’an dernier.

Ce qui pourrait arriver très vite également, c’est un contrat chez les pros. Il y a encore peu pourtant, tu certifiais vouloir rester dans les rangs Amateurs une saison supplémentaire. Mais samedi, tu as laissé planer le doute. Quel est ton projet maintenant ? 
J’ai déjà bien réfléchi à tout ça, et je peux dire que je suis certain de rester chez les amateurs l’an prochain. En tout cas, au moins jusqu’au mois d’août. J’ai bientôt 20 ans, mais je me dis que j’ai encore le temps. Je veux vraiment profiter de mon maillot bleu-blanc-rouge pendant une saison entière. C’est important pour moi de terminer mon diplôme. L’idéal serait de trouver un arrangement avec une équipe pro, qui me laisserait achever mes études.

Crédit photos : Zoé Soullard et DirectVelo

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