Alexis Villain : « Fini les 10 000 kilomètres hivernaux »

Au printemps 2015, Alexis Villain avait soudainement disparu des radars. Après avoir connu les rangs de trois formations de DN1, le CC Etupes, l'Océane U Top 16 et le Guidon Chalettois, il avait quitté les pelotons, fatigué du cyclisme de haut-niveau. Mais voilà, il est réapparu cet hiver, de l'autre côté de l'Atlantique, où il n'a pas perdu de temps pour renouer avec la victoire, sur les 6 Jours de la Martinique. DirectVelo a voulu savoir ce qui s'était passé entre-temps.

« J'ai sacrifié ma jeunesse pour le vélo, je ne vivais que pour ça et ce depuis mon plus jeune âge. J'avais déjà compris, en Junior, que pour aller loin il fallait de bonnes relations. Mon fort caractère m'a laissé sur le côté au moment des sélections pour l'Equipe de France. Par exemple, chez les Juniors, je totalise plus de 25 victoires sur route. Et malgré cela on m'a écarté du système. Plus le temps avançait, plus je comprenais que personne ne viendrait m'aider et que l'image insolente que je dégageais ne changerait pas : ma place pour intégrer les plus belles écuries était anéantie. Ne pas rentrer dans le moule est frustrant. Alors l'envie de monter sur selle s'est faite de plus en plus rare.

« VIVRE DE SA PASSION MAIS A QUEL PRIX ? »

J'ai essayé de prendre sur moi et faire quelques saisons mais le cyclisme en DN1 n'est pas assez reconnu. La vie de sportif de haut niveau n'est pas une vie. Il y a beaucoup trop de contraintes : on ne voit jamais sa famille, on s'entraîne beaucoup pour un salaire qui ne suit pas les sacrifices endurés. S'ajoute à ça un stress constant, le manque de vie sociale. On prend aussi des risques énormes en compétition. Je suis sprinter et lorsqu'on joue du coude avec un adversaire à plus de 60 km/h ou même une descente de col à plus de 100 km/h c'est à ce moment-là qu'on se dit que la vie ne vaut pas ce médiocre salaire. C'est bien de vivre de sa passion mais à quel prix ? J'aurai pu passer du côté obscur du sport pour pouvoir réussir et gagner plus mais j'ai préféré arrêter avant de finir comme certains... Je me suis dit que la vie était trop courte pour pouvoir assouvir toutes mes passions, et comme je me savais exclu du monde pro j'ai préféré mettre un terme à ce gâchis.

« FINI LES DEPRIMES DU SPORTIF... »

Cette décision a été difficile à prendre. Mais heureusement, mes parents et ma famille ont été là pour m'aider et me soutenir. Je tiens encore à les remercier : famille ET amis ! Finalement durant cette année le vélo ne m'a pas manqué, au contraire ! J'ai eu l'impression de vraiment vivre. Fini les déprimes du sportif : j'ai retrouvé un certain équilibre social, dont le sport m'avait privé. Je profitais de la vie tout en étant avec mes proches. Mes parents ont apporté leur pierre à l'édifice. J'ai même réussi mon examen d'entrée dans la Gendarmerie. J'ai pu prendre du temps pour moi et me consacrer à d'autres passions comme l'écriture, l'astrologie, et l'histoire.

« DECOUVRIR UNE AUTRE VISION DU VELO ET DE LA VIE »

Mais voilà, il y a peu de temps, mes amis et ma famille trouvaient dommage de ne pas reprendre le vélo vu mon âge (22 ans) et les propositions intéressantes qui s'offraient à moi. J'avais envie de partager mon expérience et de faire taire ceux qui se réjouissaient de l'arrêt de ma carrière cycliste. J'ai donc décidé de reprendre, mais pour le plaisir et au soleil, pour découvrir une autre vision du vélo et de la vie. Par conséquent, j'apporterai désormais mon aide à l'équipe Madinina Bikers et je remercie Hervé Arcade et Eddy Marie-Sainte pour leur confiance. Cette suite d'enchaînements dans ma vie en si peu de temps m'a fait mûrir, j'ai trouvé la sérénité et la paix envers mes exigences. Fini les 10 000 kilomètres hivernaux, sous la pluie et le froid métropolitain !

« ON VERRA BIEN CE QUE L'AVENIR ME RESERVE »

La Martinique est la destination rêvée pour s'évader de cette triste réalité du monde sportif. Une île paradisiaque loin de mes origines certes, mais l'accueil des Martiniquais m'aide beaucoup. D'autant plus que ma copine doit venir me rejoindre, donc je vais avoir un soutien de plus. Mes ambitions sportives sont simples : tirer l'équipe vers le haut et arriver en forme sur des classes 2.2. La Martinique est très vallonnée et c'est donc un bon terrain d'entraînement pour préparer les courses professionnelles et le Tour de Martinique. J'ai déjà dû perdre 14 kg pour pouvoir suivre dans les ascensions ! Notre calendrier de compétition est davantage basé en Amérique Centrale, donc pour le moment je ne pense pas revenir en Métropole. Mais la discussion avec Hervé concernant d'éventuelles compétitions en métropole n'est pas arrêtée donc on verra bien ce que l'avenir me réserve. »

Crédit photo : Comité Régional Cycliste de Martinique
 

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