La Grande Interview : Morgan Lamoisson

Retour à la case départ pour Morgan Lamoisson. Après trois saisons passées chez Europcar, marquées par de lourdes blessures, le routier-sprinter revient au Vendée U. L'équipe où il était déjà passé en 2011-2012, remportant Paris-Connerré ou le Circuit des Plages Vendéennes. Déçu ? Forcément, le coureur de 27 ans a un goût d'inachevé. Mais il est resté fidèle à la maison Bernaudeau et prend du bon côté ce retour dans le peloton amateur. « Je n’ai rien à prouver. Et beaucoup à découvrir ! » dit-il. De nouvelles courses, par exemple, comme autant d'aventures. Lamoisson ne se lasse jamais, que ce soit en Afrique ou sur le bois des vélodromes (il avait remporté un titre de Champion de France de l'américaine associé à Bryan Coquard). Cette saison, il souhaite aussi faire un voyage avec lui-même : « Je vais me re-découvrir ».

DirectVelo : Revenons quelques instants sur ta fin de saison 2015. Quand as-tu compris que tu ne serais pas conservé dans l’équipe de Jean-René Bernaudeau ?
Morgan Lamoisson : Au début de l’été, nous ne savions pas si l’équipe allait trouver un repreneur, si nous avions confiance en Jean-René. L’arrivée du nouveau sponsor, Direct Energie, a constitué un premier soulagement. Mais nous ne savions pas qui serait conservé. Personnellement, j’ai été prévenu un peu tard pour me retourner. J’ai eu deux propositions intéressantes pour continuer le cyclisme, venant de clubs amateurs : une du GSC Blagnac Vélo Sport 31 et l'autre du Vendée U.

Que retiens-tu de tes trois saisons passées chez Europcar ?
Un sentiment très mitigé. J’ai eu pas mal de blessures : luxation de l’épaule puis fracture de la rotule. Ces soucis m’ont empêché de m’exprimer. Je regrette de ne pas avoir pu montrer chez les pros tout ce dont j’étais capable. Mais je n’ai plus envie d’y penser. En 2016, je repars de zéro.

Selon toi, qu’est ce qui n’a pas marché ?
J'ai peu couru. En 2015, je totalise 40 jours de compétition. Tu ne peux pas être dans le rythme, donc jamais dans le coup. Mais il faut regarder la situation : nous avions peu de jours de courses au calendrier. L’équipe a su très tard qu’elle ne serait pas dans le WorldTour, je pense que ça a pas mal changé la donne.

« AU VENDEE U, TON TRAVAIL EST RECONNU »

Et au final, ton contrat n'est pas renouvelé ?
C'est tombé sur moi, comme le fait que je sois l'un de ceux qui disputait le moins de compétitions. Dans ce genre de moments, tu te demandes : pourquoi moi ? Je suis sincèrement content pour mes amis qui sont restés dans l’équipe. Je courais avec certains depuis le Pôle Espoirs de Talence. D'ailleurs, je continue à m'entraîner avec eux.

D'ailleurs, tu restes dans la maison Bernaudeau. Pourquoi t'es-tu engagé au Vendée U plutôt que de changer d'air ?
Je sais à quoi m’attendre et je pense que c’est ce qu’il me fallait. La philosophie du collectif, chère au Vendée U, j'y adhère complément. En cyclisme, tu ne peux pas gagner seul. Si tu roules un jour, on sera prêt à te le rendre une autre fois. Je prends plus de plaisir à participer à la victoire de quelqu’un. Même sur des courses qui sont à ma portée personnelle.

Pour toi cet amour du collectif est plus palpable au Vendée U qu’ailleurs ?
Oui, certainement. Cette philosophie est renforcée par le fait que le Vendée U soit une équipe réserve. Un coureur capable de rouler toute la journée peut passer chez les professionnels sans avoir gagné dix courses : au Vendée U, son travail sera reconnu. Dans mon précédent club, Blois CAC 41, l'ambiance était très agréable, très familiale. Humainement, j’y ai vécu de grands moments. Mais chacun à tendance à regarder son cas personnel, tout le monde veut percer...

« VENU AU VELO GRACE A PARIS-ROUBAIX »

Certains coureurs quittent le milieu professionnel déçus. Et toi ?
Je ne me prononcerai pas ! (rires)

Bon, parle-nous des points positifs, alors.
Une carrière, c’est aussi beaucoup de rencontres, de cultures différentes. Je pense notamment à mes ex-coéquipiers Yukiya Arashiro [le Japonais parti cet hiver chez Lampre] ou Natnael Berhane [l'Erythréen qui a rejoint le Team MTN en 2015, actuel Team Data Dimension, NDLR]. C’est enrichissant de les côtoyer. J’ai beaucoup aimé disputer la Tropicale Amissa Bongo, au Gabon, ou le Tour du Langkawi, en Malaisie. Tu vois les conditions dans lesquelles les coureurs africains ou asiatiques évoluent, et ça te remet vite les pieds sur terre. Le genre de moments où on se rend compte que nous, cyclistes européens, sommes vraiment privilégiés.

La course à retenir ?
Paris-Roubaix. Pour moi, c’est LA course. Sans doute elle qui m’a donné envie de faire du vélo. Sur le vélo c’est à la fois une galère et un beau moment. Il y a tout dans cette course ! C'est l’essence du cyclisme en fait. Dès le matin dans le bus, tu sens que tu es en train de vivre un instant particulier. Tu te strappes, c’est comme si tu partais pour une épopée. Tu savoures chaque minute sur le vélo, même celles où tu souffres. Paris-Roubaix me manquera.

« J'AI ENCORE BEAUCOUP A DECOUVRIR »

C'est donc « l'Enfer du Nord » qui t'a guidé vers ce sport ?
Comme tous les gamins de mon âge, j’ai fait du football. Mais je viens de la campagne [près d'Issoudun], donc je passais mes journées sur mon vélo. Quand j'ai eu sept ou huit ans, ce sont mes parents m’ont inscrit dans le club du coin. Je roulais aussi avec mon grand-père, parfois jusqu'à un étang proche de sa maison. En Juniors, j’ai intégré le sport-étude. C’est à partir de ce moment que je me suis vraiment pris au jeu.

Devenir coureur cycliste professionnel, c’était un aboutissement ?
D'abord un objectif, une étape dans ma progression, puis un aboutissement. Mais mon véritable but était de devenir un « bon » coureur pro...

Tu restes motivé ?
Oui, j'ai toujours envie. Je repars de zéro, je ne sais pas comment me situer par rapport à la concurrence. Si je suis compétitif, que je gagne des courses et que l’on me propose un contrat à la fin de l’année tant mieux. Car je ne ferme pas la porte à cette éventualité ! Sinon je travaillerai à ma reconversion. Pour le moment, je prépare la saison comme un Espoir 1ère année. Je ne m'attends pas à gagner toutes les courses. L'essentiel : me faire plaisir. Disons que je n’ai rien à « prouver ». Et beaucoup à découvrir : les courses que je n’ai jamais faites m’intéressent et je vais devoir gagner ma place. Voilà une bonne source de motivation !

« JE SUIS QUAND MEME MEURTRI »

Avant de passer pro, tu gagnais les courses au sprint. Tu remets ça en 2016 ?
Peut-on refaire une « Grande Interview » en fin de saison ? (rires) Je vais me re-découvrir. Physiquement, je n’ai jamais travaillé spécifiquement mon sprint. J’ai toujours été rapide et au Vendée U, de course en course, je surfais sur la vague. Aujourd’hui, je ne sais pas comment je me comporterai au moment de prendre des décisions, comment je reprendrai mes automatismes pour aller frotter. J'essaie de me préparer sur la piste, au Vélodrome de Bordeaux. Quel bonheur ! J’aime être à la bagarre sur la course aux points ou l’américaine. Des courses serrées et impressionnantes que j’adore. Elles m'aident à reprendre des repères. Pour le reste, il faudra attendre la reprise du calendrier sur route. Rien ne dit que je sprinterai comme avant.

Pourquoi ce doute ?
Je suis quand même meurtri. J’ai connu de grosses chutes, et logiquement tu ne peux pas pédaler comme avant. Est-ce que je vais retrouver pleinement mes sensations ? A priori, je dirais oui. Le mécanisme reste certainement gravé en soi, le sprint c’est une question d’’instinct !

Capitaine de route au Vendée U, un rôle qui te convient ?
J'occupais cette position déjà avant de passer pro. Mon but est de favoriser l’intégration des plus jeunes, de donner des conseils. C’est important que tout le monde soit dans la même dynamique, que chacun soit au service de l’autre. La fameuse philosophie du Vendée U ! Mais je ne pense pas être le seul légitime dans cette position de capitaine de route. D'ailleurs, moins j’en dis, mieux c’est ! Ça voudrait dire que le groupe fonctionne bien. Je ne suis pas du genre à la ramener tout le temps... J’ai 27 ans, je fais du vélo depuis dix ans, certains de mes coéquipiers sont beaucoup plus jeunes, ils préparent un BTS ou un Bac Pro. Forcément, nous n’avons pas les mêmes univers. Mais chacun apporte son expérience. L'équipe est un assemblage de nos différences.

Crédit photo : www.velofotopro.com
 

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