On a retrouvé : Romain Fondard

Champion de France Cadets de cyclo-cross, professionnel en Belgique sur la route : le début de carrière de Romain Fondard était un conte de fées. Gravement accidenté lors d’un critérium à Clermont-Ferrand en Juin 2014 (lire ici), sa fin de carrière fut plus douloureuse. Il est revenu en Auvergne, où il veut transmettre son savoir aux jeunes de son club. "Je n’ai aucun diplôme et ne suis pas en adéquation avec l’école qui privilégie exclusivement les méthodes scientifiques. Mais il est essentiel d’accompagner le sportif moralement, d’avoir un échange avec lui", telle est sa philosophie.
De retour sur un vélo en Septembre, un an après ses déboires, il accepte de se revenir sur son parcours pour Directvelo.com.

DirectVelo : Romain Fondard de retour sur un vélo. As-tu une idée derrière la tête ?
Romain Fondard : Aucune, si ce n’est pour ma santé et mon équilibre. Cela fait partie d’un long processus de reconstruction personnel.

Aujourd’hui, que reste-t-il de ton accident lors du Critérium du Brezet en 2014 ?
J’étais détruit physiquement, j’ai eu deux doigts explosés, vraiment en miettes. Les chirurgiens ont réussi à les sauver esthétiquement, mais au niveau usuel, je suis toujours bien handicapé pour la vie de tous les jours. Des choses « cons », comme porter un pack d’eau ou quelque chose de trop lourd, je ne peux pas. Et moralement, c’est très difficile aussi.

« CET ARRÊT N'ETAIT PAS VOULU »

Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi ?
Passer presqu’un an dans son canapé, faire tous les exercices de rééducation, prendre 22 kilos à cause des traitements notamment. Et surtout, c’était difficile d’accepter de passer à autre chose. Cet arrêt n’était pas prémédité ni voulu. Et avec du recul, on se rend compte que la vie de coureur cycliste est belle à vivre. C’est une totale remise en question.

C’est à dire ?
Lorsque tu es coureur, tu ne te rends pas vraiment compte de la chance de vivre de sa passion. Au fil du temps, j’avais perdu la notion de plaisir, celle qui a toujours été ma principale source de motivation. Avec cette perte de plaisir, les résultats s’en ressentent aussi, et on finit par en perdre les justes valeurs des choses. Partir en compétition avec les copains le week-end, c’est la base du plaisir mais que l’on a tendance à oublier.

Tu regrettes cette prise de conscience tardive ?
Non, je n’ai aucun regret, c’est l’homme qui est ainsi. Aujourd’hui, je porte un jugement beaucoup plus critique sur ce qui m’entoure, sur le quotidien de chacun. J’ai pris beaucoup de recul et mon passé m’a permis de construire la personne que je suis aujourd’hui.

« J'AURAIS DÛ ACCEPTER LA PROPOSITION DE MR BOOKMAKER »

Et as-tu des regrets sur ta carrière sportive ?
Ce ne sont pas des regrets. Je ferais des choix différents peut-être, comme le fait de ne pas partir à 18 ans loin de mes racines. A l’époque, je n’étais pas assez mûr pour me lancer dans le monde de la DN1 loin des miens. J’aurais aussi accepté la première proposition de passer professionnel fin 2004. J’étais en contact avec l’équipe belge MrBookmaker.com mais j’ai préféré attendre encore 1 an. Aujourd’hui, je pense qu’il ne faut pas attendre lorsque ce genre d’opportunité arrive car tout va très vite dans ce milieu. On peut vite être oublié. Accéder à cette équipe m’aurait peut être permis d’exploiter encore un peu plus mes capacités, d’aller au maximum de mon potentiel dans de meilleures conditions. Mais je regrette rien, j’ai vécu de bons moments.

Un exemple ?
J’en ai énormément. Les premiers remontent à mes années Cadets, lorsque j’ai été Champion de France de cyclo-cross. Les équipes de France Juniors et Espoirs également ou bien mes années à Roubaix où j’ai côtoyé Andy Schleck, un coureur avec une classe énorme et un plan de carrière précis : gagner le Tour de France. Et enfin, mon passage en Belgique qui m’a permis d’apprendre une façon différente de faire du vélo. Chaque partie de ma carrière m’a apporté.

« LES BELGES SE BATTENT POUR UNE 20E PLACE »

Quelle est ta préférence : le cyclisme en France ou en Belgique ?
Ce sont deux façons de voir le vélo différentes. La manière d’aborder les courses, l’encadrement, les méthodes de travail, ça n’a rien à voir. En Belgique, ce sont de vrais guerriers avec le couteau entre les dents chaque week-end. Les mecs se battent pour une 20e place. C’est une mentalité qui te permet de t’endurcir. A mon retour en France, j’ai ressenti un décalage. Chez les amateurs nous sommes beaucoup couvés, la notion d’équipe est primordiale. En revanche, il y a beaucoup à faire du côté tactique. Mais peu importe le pays, le plus important pour moi réside dans l’accompagnement du sportif, l’aspect le plus humain de chacun.

Comme bon nombre d’anciens coureurs, t’imagines tu dans la peau d’un entraîneur à l’avenir ?
Je ne suis pas entraîneur, mais je m’investis beaucoup dans mon club de toujours, la ROMYA ; en Auvergne. Je n’ai aucun diplôme et ne suis pas en adéquation avec l’école qui privilégie exclusivement les méthodes scientifiques. Cela a du bon, c’est indéniable, mais il est essentiel d’accompagner le sportif moralement, d’avoir un échange avec lui. Grâce à ma petite expérience, j’essaie d’aider les jeunes du comité régional sur les manches de la Coupe de France cyclo-cross notamment. J’entraîne aussi un Cadet depuis quelques mois. Au début de l’hiver, il ne savait pas mettre son vélo sur l’épaule. Dimanche dernier, il est devenu Champion régional face à une adversité relevée. Ce gamin a un fort potentiel, mais j’ai surtout travaillé la technique et le côté humain avec lui. J’aimerais beaucoup l’aider à se construire en tant qu’homme plus encore qu’en tant que sportif. Un coureur cycliste est un homme. Il doit avoir les armes pour affronter au mieux les problèmes de la vie quotidienne.

« LE NORD ME MANQUE »

Tu es donc de retour à la source, en Auvergne.
J’avais besoin de revenir, pour construire quelque chose humainement. Une famille. Aujourd’hui, j’ai une femme et 2 enfants, et même si mon avenir est encore un peu flou suite à mon accident, j’espère construire quelque chose ici. L’investissement que je mets auprès de mon club me permet d’avancer, et de me projeter sur quelque chose de nouveau. Toutefois, le nord me manque énormément. C’est là-bas que j’ai construit mes amitiés les plus solides. J’y suis attaché et y retournerai peut-être un jour.

Crédit photo : Léa Guesdon - DirectVelo.com
 

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