La Grande Interview : Nans Peters

Nans Peters est un coureur bonhomme. Jovial, loyal, cordial. Le coureur de Chambéry Cyclisme Formation est ainsi devenu le capitaine de route de l'Equipe de France Espoirs, cette saison. Il y exerce son travail de coéquipier, auquel il a pris goût, sans pour autant renier son ambition personnelle, qui lui a permis de décrocher des résultats significatifs : 4e du Tour de l'Ain et du Tour des Flandres Espoirs. Et de se retrouver aux portes du professionnalisme - son avenir devrait être scellé dans les prochains jours. Jeudi soir, ce coureur polyvalent de 21 ans avait perdu une part de son sourire : son collègue Guillaume Martin s'adjuge certes la 5e étape du Tour de l'Avenir à la Rosière (Savoie), mais l'Equipe de France perd Jérémy Maison sur chute. Lui-même doit renoncer après un accrochage survenu lundi et trois journées de souffrance qui s'en sont suivi (Il souffre d'un éclat osseux et d'une contusion tendineuse, NDLR). Avant ces bouffées d'émotions pour l'ensemble des « Bleus », Peters s'est découvert pour DirectVelo avec calme et humour.

DirectVelo : Nans Peters, ce n'est pas un nom flandrien ça ?
Nans Peters : En fait, Peters c'est hollandais. Mes grands6parents paternels étaient originaires des Pays-Bas. Quant à Nans, c'est un nom provençal. Ma mère a décidé de m'appeler ainsi à cause d'un feuilleton qui passait dans les années 70. Ça s'appelait « Nans le Berger ».

Donc tu n'as rien d'un Néerlandais, mis à part le nom de famille ?
Rien de rien. Je suis 100% Isérois. Je viens d'un petit village qui s'appelle Monestier-du-Percy, situé entre Grenoble et Sisteron, en pleine campagne. Mon père a grandi en Alsace mais depuis ma naissance, mes parents ont toujours vécu dans l'Isère.

« J'AI BESOIN D'ÊTRE A L'EXTERIEUR »

Tu te verrais vivre ailleurs ?
J'ai déménagé à 116 km de là, à Chambéry, lorsque j'ai rejoint le club de Chambéry CC. Aujourd'hui, je me sens bien dans la région Rhône-Alpes. J'ai passé trois mois en stage sur Lille [chez Btwin, au département conception des produits, NDLR] et si j'ai apprécié le côté professionnel, je n'ai pas trop apprécié de passer du temps dans le coin. C'est tout plat et puis il y a un vent froid et humide... Le Nord et la Normandie, ce n'est pas fait pour moi. En revanche, pourquoi ne pas habiter un jour dans le Jura, dans le Massif Central ou dans les Pyrénées ? Mais ce n'est pas du tout d'actualité, je me sens bien à Chambéry. Ce n'est pas une trop grosse ville, contrairement à Lyon, et par ailleurs le terrain de jeu idéal est pour le sport.

Tu pratiques d'autres disciplines que le vélo ?
Oui, je fais pas mal de ski de fond. J'ai passé trois ans dans un petit club près de chez moi avant de me mettre au vélo. J'aime toujours ça. Idéal en hiver pour prendre l'air au lieu de rouler sur home-trainer ! Il m'arrive parfois de nager dans le Lac du Bourget, mais c'est peu fréquent. De façon générale, j'ai besoin d'être en extérieur. C'est presque vital pour moi. Je ne comprends pas les gens qui font du tennis par exemple...

Par la passé, tu as affirmé avoir besoin de monter des cols à l'entraînement. C'est pour la tête ou pour les jambes ?
Les deux ! Je n'aime pas les terrains trop plats, ceux qui favorisent les bordures lors des courses. Je ne recherche pas forcément les ascensions de dix ou vingt bornes, mais j'ai besoin d'enchaîner les bosses courtes et raides pour me sentir bien. J'apprécie beaucoup la descente aussi. Et puis, il me faut un décor montagneux.

« ÊTRE COMPLET EST UNE QUALITÉ »

Pour autant, tu ne te considères pas comme un grimpeur ?
J'aime quand c'est dur mais je ne me vois pas comme un pur grimpeur. En fait je suis pas trop mal partout... mais je ne suis vraiment bon nulle-part (rires).

Là, tu exagères !
Disons que je suis complet, à l'aise dans tous les domaines, sauf le sprint. Je peux être placé dans les meilleures positions aussi bien sur un prologue, un long contre-la-montre, une longue étape de bordures, un relief vallonné... Par ailleurs, je suis un baroudeur. Ainsi, les petites côtes me plaisent bien, comme sur le GP Cristal Energie ou la Polynormande.

Être complet, c'est une qualité ?
Oui, je pense. Sur le Tour de l'Avenir, par exemple, nous avons eu un prologue, trois étapes de plat, une autre vallonnée et, pour finir, trois journées avec des cols. On peut perdre du temps – ou en gagner – à chaque kilomètre. On voit ainsi des grimpeurs piégés sur le plat ou bien des rouleurs perdre leur avantage quand la route s'élève. Pour ma part, je m'adapte. Mais je me dis quand même qu'il est intéressant d'avoir une spécialité, surtout si je passe professionnel. A ce niveau, mieux vaut posséder un avantage dans un domaine : on s'entraîne et on court en fonction d'objectifs plus précis.

Quelle pourrait être alors ton expertise ?
Pourquoi pas la montagne ? J'aime tellement ça...

Ton poids peut-il être un handicap ?
Bon, effectivement, ce n'est pas mon point fort. Dès que je coupe une semaine, je prends deux ou trois kilos. Je pense que c'est d'origine génétique. Quand tu vois ma carrure, on peut dire que je suis prédisposé. Pour progresser, je consulte très régulièrement une diététicienne. A Chambéry, Eric Bouvat notre médecin [également dans le staff d'AG2R La Mondiale] contrôle régulièrement notre poids. Donc, je travaille aussi de ce côté.

PRÉSENT SUR TOUTES LES MANCHES DE LA COUPE DES NATIONS

Quoi qu'il en soit, tu as été immédiatement dans le coup sur les premières épreuves de la saison. Comment l'expliques-tu ?
C'est une heureuse surprise. Je n'avais pas couru du tout entre novembre et février. D'habitude je fais l'épreuve de cyclo-cross de Besançon, mais pour la première fois depuis longtemps, je ne m'y suis pas inscrit. Même si je n'ai pas fait d'intensité, j'ai bien travaillé pendant l'intersaison. L'équipe a profité d'une bonne dynamique de groupe pour faire du VTT, du ski de fond, de la piste et un peu de natation. Autre point fort, nous nous sommes aussi familiarisés avec les conditions humides, à la différence de certaines équipes qui partent faire un stage dans le Sud. Tous ces petits « plus » ont compté dans ma réussite...

Aujourd'hui, te voilà un des « tauliers » de l'Equipe de France Espoirs...
Ah oui ! (rires) Chez les Juniors, par contre, je n'avais jamais été sélectionné. Je considérais que Dylan Kowalski, Anthony Turgis et Quentin Jauregui étaient plus forts que moi. Ce n'est qu'à la fin de la saison, lorsque j'ai vu que j'étais premier au classement FFC, que je me suis dit que je pouvais tenter ma chance. Trois ans plus tard, chez les Espoirs, j'ai participé à toutes les manches de la Coupe des Nations Espoirs 2015 et également au Triptyque des Monts et Châteaux, en Belgique. Je pense que c'est une preuve de la confiance que m'accorde Pierre-Yves Chatelon (le sélectionneur de l'Equipe de France Espoirs, NDLR). Au fond, il valait mieux ne pas être chez les Bleus en Juniors et faire partie de l'équipe en Espoirs que l'inverse !

La matériel, c'est à la fois ton sujet d'études (DUT Sciences et génie des matériaux), un élément de ta pratique cycliste et ton hobby ?
Oui, j'adore ça. Quand je suis chez moi, je travaille ma tige de selle pour gagner quelques grammes ou mes gaines pour gagner quelques millimètres. Je coupe tout ça pile-poil ! J'ai toujours aimé que tout soit parfait sur mon vélo. Peut-être que cette « obsession » remonte à mes années de cyclo-cross, une discipline qui a une relation forte avec le matériel. L'an prochain, je vais poursuivre mes études en Licence Sciences pour l'ingénieur - mention mécanique. Mon but à long terme, mon domaine de reconversion après le vélo, c'est la conception, idéalement dans le domaine du cycle.

DEVANT ROMAIN BARDET, DERRIERE FRANCOIS BIDARD

Il paraît que t'es un peu « geek » avec tous les chiffres, les données, les classements en tous genres...
Absolument, je suis très maniaque même (rires). J'aime anticiper les événements. Il faut toujours que je sache tout à l'avance. Capteur de puissance, compte Strava... Je ne laisse rien au hasard. Je connais aussi par cœur les barèmes des différents classements, à l'image du Challenge BBB-DirectVelo. Mais il y a encore plus « calé » que moi : Loïc Bouchereau, du  Vendée U. Lui, il est du genre à savoir le classement de Hugo Hofstetter en 2013 (rires) !

Sur Strava, tu peux établir des records dans des ascensions. Ce sont les fameux KOM (King of Mountains). As-tu battu beaucoup de « KOM » ?
A l'entraînement, j'essaie de le faire ! Dans ma région, je voudrais être en tête de tous les KOM. Mais comme je ne suis pas souvent chez mes parents, je me fais battre par des gars de Grenoble ou de la Matésine. Mes adversaires les plus dangereux sont Jérémy Bescond (Charvieu-Chavagneux IC) ou Mickaël Gallego (AS Macot-La Plagne). J'essaie de reprendre les commandes la fois suivante, plutôt lors d'une sortie d'entraînement « libre ». Ce n'est pas une obsession. Et, bien sûr, je respecte les priorités données par mon entraîneur. Mais si j'ai le choix du parcours à effectuer, j'emprunte les bosses dans lesquelles je vise un KOM...

Compte-tenu de la concentration de coureurs sur Chambéry, la guerre des KOM doit être féroce ?
Oui, la lutte est serrée ! (rires). Le KOM le plus recherché, c'est celui dans le Col du Chat, une montée mythique dans la région. Romain Bardet a longtemps détenu le record. Mais j'ai voulu m'y attaquer en fin de saison dernière. Nous devions aller dans cette ascension avec François Bidard, mon coéquipier du CCF. Finalement, il n'a pas pu venir. Tout seul, j'ai amélioré le temps de Bardet de deux secondes. J'étais assez content de moi (rires). Mais, voilà, François était frustré et il est allé faire mieux que moi le lendemain, pour deux secondes ! Il faudrait que j'y retourne un de ces quatre...

Au fait, « Nans le Berger », c'est sympa comme feuilleton ?
J'ai regardé une ou deux fois. Oui, c'est pas si mal... Bon, c'est l'histoire d'un mec qui s'appelle Nans... et il est berger. Logique, non ? (rires). Mais, moi, je ne pourrais jamais faire ce boulot. Franchement, ce n'est pas dans mon tempérament d'élever des animaux !

Crédit photo : Olivia Nieto - Olivia Nieto Photos Cyclisme
 

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