La Grande Interview : Nicolas David

Nicolas David est un Breton pur souche. Ayant fait ses gammes à Quimper, le Finistérien n'a quitté sa région natale « que » pendant deux ans, pour... la Vendée. Coureur complet, accrocheur, « guerrier » même, il a longtemps caressé le rêve de passer professionnel, sans y parvenir. La faute à une "progression un peu trop tardive". Épanoui dans sa Bretagne, Nicolas David anime encore les pelotons cette saison avec cinq victoires à son actif, dont une lors de la troisième étape du Tour des Deux-Sèvres (lire ici). "Satisfait de sa régularité", le Quimpérois de 27 ans compte profiter du vélo "encore un ou deux ans". Surveillant à mi-temps en collège, il affirme être "plus libéré depuis [qu'il a] quitté la DN1". Confidences recueillies par DirectVelo.com.

DirectVelo.com : Quel regard portes-tu sur ta saison ?
Nicolas David : Le bilan est positif. Je suis sur les mêmes bases que ces deux dernières années. J'ai un niveau correct. Je suis aussi content de ma régularité. Il n'y a qu'au début du mois d'avril ou je n'étais pas très bien. J'avais chuté fin-mars sur la Flèche d'Armor (toutes catégories) et j'en étais ressorti avec quelques points de suture au genou. Durant les deux-trois semaines qui ont suivi, j'avais de drôles de sensations sur le vélo. Mais mis à part cet incident, je n'ai pas connu de creux cette saison.

Tu es quelqu'un de tenace ?
Mentalement je suis quelqu'un de costaud : je sais aller loin dans la douleur. Je travaille dur depuis longtemps, je n'abandonne jamais. Qu'il pleuve ou qu'il vente ne me gêne pas, je suis un guerrier (rires) ! Puis je suis ce que l'on appelle un coureur complet. Je n'ai pas vraiment de point faible, de spécialité non plus. J'aime les bosses, les parcours difficiles, mais je ne suis pas grimpeur.

« JE MARCHE MIEUX DEPUIS QUE JE SUIS REDESCENDU »

Qu'est-ce que ça change de courir dans une équipe hors DN ?
On a beaucoup plus de liberté ! J'ai couru pendant 6 ans en DN1 et il y a beaucoup de contraintes. On doit se plier à la sélection de l'effectif, suivre le programme de l'équipe, participer à des stages... J'ai beaucoup donné. Ce que je trouvais le plus usant ? Les déplacements. Aujourd'hui je gère mon calendrier comme je l'entends. Si je veux me relâcher et "ne rien foutre", je peux. Après, ce n'est pas ce qui m'attire mais ça fait du bien de savoir que c'est possible.

Comment as-tu vécu la transition de "l'après-DN1" ?
Quand j'ai quitté le BIC 2000, je me suis dit que ça allait me faire bizarre. Finalement, pas du tout. J'ai même l'impression que je marche mieux depuis que je suis "redescendu". C'est sans doute parce que j'ai 27 ans et que je suis dans la force de l'âge, mais je pense aussi que ça m'aide d'avoir moins de pression. Après, que certains aient besoin d'être en DN1 pour obtenir des résultats, je comprends. Ça peut mettre un coup au moral de "descendre"...

« J'AVAIS LE MAL DU PAYS EN VENDEE »

Est-ce qu'on est plus respecté dans le peloton lorsqu'on court en DN1 ?
C'est évident que toutes les équipes n'ont pas entendu parler de l'Hennebont Cyclisme. Mais dans l'ouest de la France, on se connaît tous. Surtout, les gars savent bien qui marche ou pas. Je suis bien la preuve qu'on peut obtenir des résultats sans forcément courir en DN (rires) !

Tu as toujours couru en Bretagne sauf lorsque tu étais au Vendée U, mais tu restais proche de ta région...
C'est vrai que j'ai beaucoup couru chez moi. J'ai passé 10 ans à Quimper chez les jeunes. J'ai même fait ma première année Espoirs là-bas. Ensuite je suis parti trois ans chez Côtes d'Armor, puis j'ai rejoint le Vendée U pour deux saisons. Enfin je suis revenu dans le Finistère, au BIC 2000 où j'ai passé une année. J'aurais pu courir ailleurs oui, si j'avais envoyé des CV pour le faire (rires) !

Tu n'as donc pas de regret à ce niveau-là ?
Pour tout dire, j'ai eu des contacts encore l'an dernier pour rejoindre d'autres formations... Mais je me sens bien en Bretagne. Lorsque j'étais au Vendée U, j'avais le mal du pays. Je me sentais loin de ma famille... Et puis ma vie privée fait que je n'ai pas envie de m'éloigner : je vais me marier en fin d'année. Après, le fait de courir en DN1 m'a permis de voyager. J'ai couru sur beaucoup de grosses courses, et ce dans toute la France.

« JE REVAIS DU TOUR DE FRANCE »

Quand as-tu réalisé que tu ne passerais pas pro ?
En 2010, j'étais chez Côtes d'Armor. J'ai commencé à sentir que ce serait compliqué car c'était ma dernière année chez les Espoirs. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai rejoint le Vendée U l'année suivante. Malheureusement, je n'ai pas obtenu assez de résultats là-bas. Lorsque j'ai quitté le club pour le BIC 2000, je savais que ce serait très difficile. J'avais quasiment fait une croix dessus.

Pourtant tu as réalisé une belle saison à Brest...
J'avais moins de pression qu'au Vendée U, je pense que ça m'a aidé. J'ai réellement progressé pendant mon passage là-bas. J'ai commencé à y croire à nouveau parce j'avais récolté huit victoires et 17 podiums. Mais les équipes pro recrutent surtout des jeunes, et moi j'avais déjà 25 ans...

Tu n'as donc pas été contacté ?
Non. Je pensais quand même que Bretagne allait m'appeler mais je n'ai pas eu de nouvelle. Aucune équipe ne m'a approché.

As-tu encore des regrets ?
J'ai eu le temps de digérer. Aujourd'hui je sais que le vélo c'est une passion avant tout, je m'en contente largement. Passer pro, ça aurait été un rêve. Je dois avouer qu'il y a toujours une part de regrets quand je retrouve des copains de club qui ont franchi le cap. J'aurais tellement aimé participer au Tour de France... Malgré tout je relativise : je suis loin d'être le seul dans mon cas.

Que t'a-t-il manqué ?
Des victoires. Cela ne fait que trois saisons que j'enchaîne les bons résultats. On me l'a même dit chez Côtes d'Armor : "tu ne gagnes pas assez". Je pense que je n'avais pas assez confiance en moi. Peut-être que j'avais peur de mal faire, que je ne croyais pas assez en mes capacités. Il me manquait également de l'expérience. Aujourd'hui c'est facile, mais à l'époque tout allait très vite. Ça se jouait sur des détails et j'avais une seconde ou deux pour prendre la bonne décision. Et puis il y avait toujours un mec qui allait plus vite que moi au sprint, qui passait mieux les bosses... Au final, peut-être qu'il aurait fallu que je sois meilleur grimpeur.

« SURVEILLANT A MI-TEMPS, C'EST L'IDEAL POUR FAIRE DU VELO »

D'où te vient cette passion du vélo ?
De la famille. Mon père courait quand j'étais gamin. J'allais le voir sur toutes les courses. Mon grand frère (Yoann) en a fait aussi, il est d'ailleurs directeur sportif chez Creuse Oxygène. J'ai donc suivi leurs traces.

Tu es surveillant en collège. Les élèves et tes collègues savent que tu fais du vélo ?
Oui pour les deux. En fait, mes collègues font du foot et ils s'intéressent au sport en général. Le lundi, ils me demandent comment j'ai marché pendant le week-end. J'ai beaucoup de chance d'avoir rencontré des gens comme eux ! L'année passée, ils m'avaient fait la surprise de venir pour la dernière manche du Trophée Aven Moros. C'était super sympa, d'autant que j'avais remporté le classement général de l'épreuve.

Comment t'organises-tu pendant la période scolaire ?
Je suis à mi-temps. Du coup, j'ai pas mal de liberté d'action. En général je commence tôt le matin, ce qui fait que je peux m'entraîner l'après-midi. Et quand je commence à midi, je pars rouler dans la matinée. En plus je bénéficie de mes week-ends de libre et des vacances scolaires. C'est idéal !

« LANNILIS, C'ETAIT FORT »

Tu vois-tu continuer encore longtemps chez les amateurs ?
A ce niveau, je ne pense pas. ça demande beaucoup d'entraînement et de sacrifices. On ne peut pas sortir le week-end, il faut faire attention à la diététique... Il faut être rigoureux et avoir une bonne hygiène de vie, et je n'aime pas être en dilettante. Quand je cours je veux être dans le match ! Peut-être que je continuerai comme ça encore un an ou deux, mais en approchant des 30 ans, il faudra que je pense à mon avenir. Et puis avec un boulot à plein-temps, je ne pourrai plus faire la même chose. Je n'arrêterai sans-doute pas le vélo, mais je roulerai pour le plaisir.

Et que retiendras-tu ?
Paris-Tours 2009 : mon coéquipier, Mathieu Halléguen remporte la course et je finis troisième. Entre nous deux sur le podium, il y avait le Champion d'Europe : Kris Boeckmans. Le Tour Alsace 2013 aussi. J'y ai porté le seul maillot jaune de ma "carrière", de la troisième à la cinquième étape. J'avais fini par exploser dans le Ballon d'Alsace l'avant-dernier jour, mais c'est resté une grande fierté ! Sinon il y a aussi mes victoires sur l'Essor Breton en 2014 à Plouay, et sur Manche-Océan en 2012, ma première en Elites. Enfin il reste les Championnats de France 2013 à Lannilis. Je finis quatrième en Bretagne, chez nous. C'était fort.

Crédit photo : Freddy Guérin - www.directvelo.com
 

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Nicolas DAVID