La Grande Interview : Anthony Perez

Crédit photo Philippe Pradier

Crédit photo Philippe Pradier

Au sens propre, Anthony Perez a retrouvé son souffle. Parcours tourmenté : reconnu comme l'un des Juniors les plus prometteurs, le Toulousain était pressenti pour passer professionnel en 2011 au Team La Pomme Marseille. S'en sont suivi quatre saisons gâchées par de violents problèmes d'asthme, dont il subissait les effets mais ignorait la cause... Depuis qu'il a rétabli sa santé, le coureur de l'AVC Aix-en-Provence possède "de nouvelles jambes". Ou plutôt a-t-il repris sa place dans le peloton : celle d'un des meilleurs Français, actuel 13e du Challenge BBB-DirectVelo. "Je pensais que j'allais rebondir", rappelle-t-il. Et ce malgré "une douleur extrême pour suivre le peloton" lorsque son asthme apparaissait. Aujourd'hui, à 24 ans, Anthony Perez est refait à neuf, caractère heureux, organisme performant (vainqueur du Circuit de Saône-et-Loire, 2e sur une étape au Rhône-Alpes Isère Tour et sur les Boucles Guégonnaises, en Coupe de France DN1). À nouveau, il peut espérer briller dans l'un de ses domaines de prédilection : le contre-la-montre. Et pourquoi pas, enfin, rejoindre une équipe professionnelle. Confidences d'un coureur qui n'a jamais perdu confiance en lui. 

DirectVelo : On dirait que tu es un homme nouveau cette saison : plus serein, plus réfléchi... et beaucoup plus fort sur le vélo. Que s'est-il passé ?
Anthony Perez : Le changement est hallucinant ! Après presque quatre ans de grosse galère, j'ai découvert cet hiver que je souffrais d'un violent asthme à l'effort. Je perdais 66% de ma capacité pulmonaire ! Certes, je me doutais que je souffrais d'allergies, mais pas à ce point... Le problème est désormais identifié et traité ! Ce qui change tout.

66% de handicap dans ta respiration, c'est énorme pour un sportif ?
Oui, c'était un énorme frein à ma progression. Quand j'ai appris le diagnostic le 15 octobre passé, de la bouche du Dr Jean-Jacques Menuet, le médecin de Bretagne-Séché, j'étais à la fois soulagé et en colère. Content qu'on m'enlève une épine du pied. Mais très énervé d'avoir perdu tant d'années pour le vélo...

« INCONSCIEMMENT, IL FALLAIT QUE JE M'ÉCHAPPE »

Comment es-tu passé à côté de ce diagnostic pendant si longtemps ?
Les médecins qui me faisaient passer des tests pour me donner la licence FFC chaque saison n'ont jamais décelé le problème. De mon côté, j'avais fini par penser que j'étais limité physiquement. À partir de 180 pulsations, je ne marchais plus, je ne pouvais rien faire pendant quinze minutes, à part suivre - et encore ! Je me rappelle d'une manche de la Coupe de France Look en 2014, le Circuit du Viaduc du Ponthou, en Bretagne. J'étais échappé seul dans le final et je suis repris par le peloton au pied de la bosse. Comme je n'avais pas mal aux jambes, je me disais que j'allais rester dans les roues et de nouveau tenter ma chance quelques instants plus tard. Mais, soudain, j'en étais devenu incapable. Je me heurtais à une barrière ! Tout cela à cause d'une allergie aux pollen, qui déclenchait cette crise d'asthme.

Donc, tu marchais seulement par temps humide ?
Oui, voilà pourquoi j'aimais la pluie. Aux Championnats de France sur route, l'an passé, je me sentais bien pendant la première partie de course, sous une petite averse. Dès que l'air est redevenu sec, les pollen ont fait leur apparition et j'ai commencé à peiner.

Tu étais connu pour multiplier les attaques. Était-ce pour compenser ton handicap dans le final, lorsque le peloton embrayait ?
Attaquer, c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour me mettre en valeur. Comme je n'avais pas de résultats, il fallait bien que je fasse quelque chose ! C'était de l'ordre de l'inconscient, parce que je n'avais pas analysé la situation clairement, j'ignorais la gravité de mes allergies. Mais quelque chose au fond de moi me poussait à m'échapper.

Aujourd'hui, tu es devenu plus sage sur le vélo ?
La question n'est pas de savoir si je dois attaquer ou attendre le final. Maintenant, il s'agit de gagner. Alors, si la course se joue au début, je me glisse dans une échappée précoce. Sinon, j'attends. Avec une santé toute neuve, je peux adapter la stratégie.

Dès cet hiver, tu as senti que tu retrouvais la plénitude de tes moyens ?
Depuis le diagnostic posé par le Dr Menuet, le changement a été immédiat. Mes tests physiques cet hiver étaient supérieurs au maximum que j'étais capable d'atteindre en saison l'an passé !

« SI JE ME SENS CAPABLE DE GAGNER, LA VOLONTÉ SE CRÉE EN MOI »

De quoi retrouver de l'ambition ?
Oui, forcément... Je voulais gagner le Circuit de Saône-et-Loire et je l'ai fait. Sur le Rhône-Alpes Isère Tour, j'avais le même objectif mais ça n'a malheureusement pas été possible, parce que les deux dernières étapes étaient un peu trop cadenassées. Il s'en est fallu de peu... (2e de la première étape derrière Sam Oomen, de Rabobank, le vainqueur final, voir ici, NDLR). Désormais, je voudrais gagner en Coupe de France, lundi prochain, sur le Prix des Vallons de Schweighouse, en Alsace.

C'est rare, un coureur qui annonce ouvertement sa volonté de gagner...
Disons que j'ai des objectifs précis. Si je veux gagner, je le veux... Je n'ai pas à créer une envie de toute pièce. Je sens que je suis capable de gagner une épreuve et alors la volonté se crée en moi. Mon entraîneur, Eric Drubay, m'aide beaucoup. Il module mon entraînement d'une semaine à l'autre et, en fonction de mon entraînement, il est capable de me prédire le résultat ! À Troyes-Dijon, il m'avait dit que je pourrais être sur le podium (finalement 3e, NDLR). Avant le Circuit de Saône-et-Loire, je lui avais demandé : « Tu crois que je peux gagner ? ». Il m'avait dit oui ! Parfois, il me freine. Sur le Tour du Chablais, par exemple, il valait mieux que je me réserve en vue du Rhône-Alpes Isère Tour. Je cible des épreuves importantes. Et bien sûr, celles où j'ai les moyens de marcher. Gagner le classement général du Tour des Pays de Savoie, ce serait un miracle [rires]. Une étape, par contre, c'est possible ! 

Tu es redevenu grimpeur ?
Pas dans les longs cols. Je suis puncheur. Depuis cette année, je passe beaucoup mieux les bosses qu'avant. En fait, je retrouve les terrains qui me plaisaient bien quand j'étais Junior. Même chose pour le contre-la-montre : j'ai envie de travailler la discipline et d'avoir un bon résultat au Championnat de France, fin juin.

Le chrono ?
J'avais de bons résultats chez les Juniors (victoire d'étape sur le Tour du Pays d'Olliergues et au Tour des Cévennes-Garrigue, devant un certain Thibaut Pinot, mais aussi 2e au Challenge National, à Arguenon-Vallée Verte, derrière Johan Le Bon, etc, NDLR). Canyon a livré des vélos de contre-la-montre au club, de véritables fusées ! Ça fait plaisir de travailler avec ce matériel, je suis encore plus motivé !

« LA DOULEUR ÉTAIT EXTRÊME »

Ton caractère a-t-il évolué depuis cet hiver ? On te disait plus calme...
C'est vrai, je suis plus tranquille en course, parce que je ne me dis plus « Je vais sauter ! ». Je ne me fixe plus seulement comme consigne d'aider les copains : parfois je le fais, parfois je peux à nouveau jouer ma carte. Je suis conscient de mes capacités. Je ne vais pas monter sur le podium tous les week-ends mais, pour commencer, je peux me faire plaisir. Les bons résultats suivent. 

Pendant ces quatre ans, tu as connu des moments de découragement ?
En course, bien sûr. Au moment de mes crises d'asthme, je me faisais atrocement mal aux jambes pour rester dans le peloton. Il y a deux ans, au Circuit des Ardennes, je m'étais « amusé » à comparer la souffrance physique : je ressentais une douleur encore plus extrême aux jambes pour suivre le rythme de la course que la fois où je me suis fêlé des côtes...

Tu as ainsi appris à repousser le seuil de la douleur ?
Aujourd'hui, je souffre peut-être dix fois moins sur le vélo, et je marche beaucoup mieux. Je vous avais dit que le changement était hallucinant !

Et lorsque tu rentrais chez toi, as-tu traversé des moments difficiles ?
Etrangement, pas du tout. J'ai continué de croire en moi. Je sentais que j'avais un problème et j'avais confiance dans le fait qu'il soit résolu un jour. Même si le temps passait... C'est à la fin 2014 que j'ai décidé de rencontrer le Dr Jean-Jacques Menuet, afin de me donner tous les moyens de réussir enfin, de faire une bonne saison 2015 et de passer pro. Avant ça, j'ai eu la chance que mes proches me soutiennent, notamment ma copine avec qui je vis depuis plus de quatre ans et demi. Les dirigeants de l'AVC Aix-en-Provence m'ont également conservé leur confiance, et ça me touche. Je connais plus d'une équipe qui m'aurait jeté ! Surtout quand j'ai flirté avec la 300e place au classement national FFC... Là, j'avais plutôt le niveau d'un coureur de DN2... 

« JE ME DISAIS QUE J'ALLAIS REBONDIR »

Le paradoxe, c'est que juste avant l'apparition de tes allergies, tu avais failli passer professionnel au Team La Pomme Marseille. Le rêve s'est brisé ?
Quand j'ai contacté le Team La Pomme Marseille, le club évoluait encore chez les amateurs. J'allais sur ma deuxième année Espoir et je pensais intégrer une DN1. Au mois de septembre, j'ai appris que l'équipe allait monter en Continentale, mais Fred Rostaing (le manager, NDLR) m'a assuré qu'il me gardait une place quand même. Ce n'est qu'en fin d'année, très tardivement, que le club a pris une licence en Lettonie et a dû accueillir un quota de coureurs lettons. Tout à coup, je ne pouvais plus faire partie de l'effectif. Je n'en veux pas aux dirigeants, qui ont obtenu les autorisations très tard. À l'époque, je me raccrochais à l'idée que je pourrais être stagiaire en août et pro l'année suivante. 

Or, tu n'as jamais été recruté par l'équipe Continentale !
Les dirigeants pouvaient engager des pros, des bons coureurs. Pourquoi s'embêter avec un amateur qui ne marchait plus ? Il fallait se rendre à l'évidence, je n'avais plus le niveau. 

Mais entre septembre et décembre 2010, avant l'affiliation du Team La Pomme Marseille en Lettonie, tu t'étais fait à l'idée que tu rejoignais une équipe professionnelle ?
Ce fut un choc d'apprendre que je n'étais pas conservé. Mais je n'ai pas été détruit. J'étais jeune, je me disais que j'allais rebondir...

Depuis, tu as toujours gardé l'espoir de passer professionnel ?
Pendant mes quatre ans d'allergies, c'était toujours mon but profond, mais je n'y pensais pas. La priorité, c'était de suivre.

Aujourd'hui, avec ta nouvelle forme physique, cette éventualité redevient plus concrète ?
Oui, je pense. Assez perdu de temps ! Il faut que j'obtienne des résultats sur de belles courses. Je sens que c'est possible. Maintenant, je suis un nouvel homme, avec de nouvelles jambes. Je sens que je revis...
 

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