Damien Pommereau : «La culture perdue de l'endurance»

Damien Pommereau, le directeur sportif du Vendée U connaît la poursuite par équipes des deux côtés de la Côte d'Azur. Coureur, il était membre de l'équipe de France médaillée de bronze au Championnat du Monde 2000 à Manchester et encore 4e en 2001. En individuel, Damien Pommereau a aussi remporté une Coupe du Monde à Mexico en 2001. Passé de l'autre côté, il a dirigé l'équipe du comité Pays de Loire sur ses nombreuses victoires en poursuite par équipes dont la dernière en octobre dernier, à Saint-Quentin-en-Yvelines, au bout d'une finale serrée et rapide face à la Picardie.

DirectVelo : Qu'as-tu ressenti quand les Pays de Loire ont remporté la finale du Championnat de France de poursuite par équipes ?
Damien Pommereau : Beaucoup de plaisir. J'ai fait toute ma carrière sur piste, c'est ce qui m'a amené à passer pro. J'en ai fait depuis tout petit. La piste m'a fait aller aux quatre coins du monde. Gagner de cette manière, hyper serrée, alors que nous n'étions pas favoris au départ, dans une belle ambiance dans le vélodrome, c'était beau.

Est-ce différent de ce que tu as connu en tant que coureur ?
Quand on est coureur, on est dans le truc et on a mal à la gueule pendant quatre bornes. Sur le bord de la piste, il y a le stress. Diriger une équipe, c'est différent.

UN RÔLE AVANT LA COURSE

Quel est ton rôle au bord de la piste ?
On ne peut donner que les temps. Sur le vélo avec le pignon fixe, on a beau nous dire d'accélérer, si on ne peut pas, on ne peut pas. Nous avons des codes pour dire  s'ils sont en avance ou en retard. Après, c'est aux coureurs de s'arracher. Mais tout se passe beaucoup avant la course dans le déblocage, le fait de garder les coureurs chauds.

Comment avez-vous préparé ce championnat de France ?
Pas comme d'habitude. Il était impossible de les réunir tous. Thomas Boudat avait déjà un gros programme. Julien Morice et Lucas Destang couraient sur route avec le Vendée U. J'ai discuté avec Jean-Marie Gouret qui était au Pôle Espoir de la Roche-sur-Yon en septembre. C'était différent d'une équipe de France qui regroupe les coureurs pour un stage.
Je me suis occupé d'eux quatre jours avant la course. Nous avons fait des essais de braquet, choisi le matériel et parlé de la façon dont je voyais les choses entre les séries et la finale.

IL FAUT ÊTRE ROUTIER POUR AVOIR LA FORCE

Qu'est-ce qui a changé depuis l'époque où tu étais dans l'équipe de France de poursuite par équipes ?
Le choix des braquets. On met plus gros qu'à mon époque où on tournait beaucoup les jambes. En 1996 quand les Français  deviennent Champions olympiques [en 4'05"93 en plein air, NDLR], ils tournent les jambes à 130 tr/min. Les grosses nations mettent des braquets d'assassins aujourd'hui.Ce qui n'a pas changé c'est qu'il faut avoir des coureurs puissants qui supportent l'acide lactique.

De qui se compose une bonne équipe de poursuite ?
A une époque on disait qu'il fallait quatre kilomètreurs capable de rouler une borne chacun. Aujourd'hui, il faut être à un bon niveau sur la route vues les qualités de force et de résistance demandées avec les braquets. Mais les Australiens nous sortent des coureurs de 20 ans capable de faire 4'03" à la Coupe du Monde à Cali.

« ON NE PEUT PAS FILOCHER SUR UNE POURSUITE »

A ton époque, Frédéric Grappe était intervenu dans l'équipe de France de poursuite. Qu'a-t-il apporté ?
Début 2003, il était arrivé avec les capteurs de puissance. Mais tout ce qu'on a trouvé à nous dire, c'était qu'on ne roulait pas assez vite dans les virages. Malheureusement nous n'avons jamais eu de réel travail avec le capteur de puissance.

En 2014, les deux meilleures performances françaises ont été réalisées par deux comités régionaux. Est-ce logique ?
C'est énervant quelque part. J'aimerais bien revoir la belle équipe de France. Il faut continuer de travailler mais ça ne se fera pas du jour au lendemain. Il n'y a pas de secret. Ce n'est pas une course en peloton où on peut filocher.

La France obtient de bons résultats chez les Juniors et les Espoirs mais ensuite cela ne se concrétisent pas à l'échelon Elites. Pourquoi ?
Il y a la culture du Tour qui est un gros frein à l'endurance sur piste en France. J'ai eu la chance d'arriver à l'époque avec Ermenault et Moreau qui étaient Champions olympiques et du Monde. Tous les jeunes rêvent de faire le Tour. Ils savent qu'ils ne vont pas gagner leur vie sur piste. La culture de la piste s'est perdue en France. J'entends encore des éducateurs interdire à leurs cadets de courir sur piste le vendredi parce que ce serait néfaste pour la course du dimanche. Chez les pros, des équipes françaises ne sont pas branchées piste du tout.

Comment s'est perdue cette culture de l'endurance ?
Il y a eu un gros trou après la belle époque. En 2003, on a viré les pseudo-anciens. Une nouvelle génération est arrivée avec moins d'expérience. Ensuite la FFC n'a plus mis les moyens pour aller faire tous les déplacements en Coupe du Monde. Cela peut se comprendre car il faut faire des choix. Aujourd'hui nous sommes partis dans une nouvelle dynamique. Mais j'ai peur que pour Rio 2016, c'est un peu tard.

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Crédit photo : Cédric Congourdeau - DirectVelo.com
 

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