La Grande Interview : Kévin Bouvard

3e de la première manche de la Coupe de France de cyclo-cross à Besançon, Kévin Bouvard (AC Bisontine) sera l'un des principaux protagonistes de la course Espoirs ce dimanche à Sisteron. Le Haut-Savoyard a collectionné  les places sur le podium des championnats de France de la spécialité et ce dans les différentes catégories. En effet, il s'est classé 3e en 2009 chez les Cadets, 3e en 2011 dans les rangs Juniors et enfin 2e en 2012 en Espoirs. Après deux années où Kévin Bouvard a couru par intermittence, ce dernier revient avec la ferme intention de décrocher le titre suprême pour sa dernière année dans la catégorie Espoirs. "Certes, j’avoue que j’ai quand même repris avec une petite idée derrière la tête, un ultime défi : être Champion de France", reconnaît-il. Avant de peut-être arrêter pour de bon. "Dans ma tête, je suis dans ma dernière année de vélo. Néanmoins, je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais c’est ce qui me semble être le plus probable", avertit ce spécialiste des sous-bois qui fêtera justement ses 22 ans à la fin de l'hiver, le 3 février exactement.

DirectVelo.com : Une semaine après les Championnats d’Europe, quel bilan tires-tu de ta prestation ?
Kévin Bouvard : Le résultat n’est clairement pas à la hauteur de mes espérances ! Initialement, je ne pensais même pas être au départ de ce championnat d’Europe au début de saison, donc il ne s'agit que de bonus. Néanmoins, terminé 28e, ce n'est vraiment pas folichon !

Ce championnat d’Europe n’était-il pas un objectif ?
J’ai repris le vélo cette année, après deux saisons blanches où j’avais laissé le vélo de côté. Au moment de reprendre l'entraînement, j’étais loin d’imaginer que je pourrais terminer sur le podium de la première manche de la Coupe de France et encore moins intégré l’équipe de France pour le Championnat d’Europe. Ensuite, je me suis évidemment concentré sur l’objectif de terminer dans les 20 premiers de la course. C’est raté malheureusement.

« JE NE ME FAIS PLUS DE SOUCIS POUR LE VELO DEPUIS UN MOMENT »

Pourquoi as-tu mis le vélo entre parenthèses pendant deux ans ?
J’ai passé de belles années chez les Cadets et les Juniors, tant au niveau national qu'international. A mon arrivée chez les Espoirs, je n’avais plus trop goût au vélo. Je travaillais en tant que maçon, depuis mes 14 ans. En outre, j’ai acheté un appartement dans lequel je devais tout retaper. Mes journées étaient très chargées : de 4h à 12h, j’étais à l’usine aux Eaux d’Evian, j’allais rouler de 12h à 14h, puis je passais toute la fin de journée jusqu'à minuit aux travaux de mon appartement ! Avec 4h de sommeil par nuit, il était difficile de continuer. Quelque part, c’était un bon prétexte pour arrêter le vélo, une bonne excuse !

Aujourd’hui encore, on te sent un peu "blasé". Est-ce ta façon à toi d’exprimer ta déception ?
Je ne suis pas déçu. On est déçu lorsqu'on attend quelque chose derrière un objectif, avec un plan défini. Pour ma part, je ne me fais plus de soucis pour le vélo depuis un moment. Je ne rêve pas de gagner ma vie avec le vélo comme la plupart de mes adversaires. Je suis maçon de formation, et je travaille dans ce secteur depuis l’âge de 14 ans. Mon esprit est davantage accaparé par mon avenir en général.

N'as-tu vraiment jamais envisagé une carrière cycliste ?
Un peu quand même, j'avoue, lorsque je me trouvais dans les petites catégories d’âge. Plus j’ai grandi, et plus je me suis aperçu de tous les sacrifices à réaliser pour atteindre le haut niveau comme les entraînements, l’hygiène de vie ou l'alimentation. Je ne sens pas apte pour ce style de vie, c’est trop dur pour moi !

« MON RÊVE EST DE DEVENIR PATRON D'UNE ENTREPRISE »

Plus dur que la maçonnerie ?
C’est différent. Je ne rêve pas d’être coureur cycliste, tout simplement. Mon rêve est plutôt de devenir patron d’une entreprise.

Ton discours est étonnant pour quelqu’un d’à peine 22 ans...
J’ai été ouvrier pendant six ans déjà ! Avec le statut d'ouvrier, on travaille autant voire davantage qu’un patron mais on n'obtient rien en contrepartie, pas même un peu de reconnaissance. Une journée dure 24h et tous les matins il faut se lever, que tu sois ouvrier ou patron. Alors autant se lever pour soi-même que pour quelqu’un d’autre !

As-tu déjà établi un plan de carrière professionnel ?
Cet hiver, je ne travaille pas, même si je bricole toujours à droite ou à gauche. Normalement, je serai tranquille pour les cyclo-cross. Cependant, je vais reprendre une boucherie avec mon père dès que la saison sera terminée. Par la suite, j’espère participer à plusieurs épreuves de fin de saison de ski, histoire de profiter encore un peu de la condition que j’aurai acquise au cours de la saison hivernale.

« LE SKI M'APPORTE BEAUCOUP DE CONDITION PHYSIQUE »

En parlant de ski, le pratiques-tu à haut niveau ?
Non, mais j’adore ça ! Après mon parcours cycliste, j'envisage peut-être une expérience dans le ski. A petit niveau en tout cas. L’univers y est différent du vélo, avec moins de prises de tête, sans aucune voiture tout en profitant de la nature et des paysages enneigés. C’est le pied ! En habitant Evian, je me trouve juste à côté des pistes de ski, donc je m'y rends dès que j’en ai l’occasion.

Revenons au vélo. De nombreux crossmen ont une activité routière l’été pour préparer la saison, ce qui n’est pas ton cas. Ne trouves-tu pas le temps long l’été ?
Lorsqu’on travaille, il y a toujours de quoi s’occuper !

Mais comment prépares-tu ta saison hivernale ?
Le ski de randonnée m’apporte beaucoup de condition physique et présente l’avantage d’être comparable à l’effort du cyclo-cross. J’ai effectué 4-5 courses cette année, des montées sèches avec 800 ou 1000 mètres de dénivelé sur 45 - 50’. Dans le ski de randonnée, le poids joue énormément, tu traînes le poids du corps à chaque foulée et dans une pente à 50%, tu sens rapidement le poids en surplus (rires) ! Au bout de 5’, tu es déjà sur les rotules. En cyclo-cross, lorsque c’est boueux, je m’en sors mieux car j’ai toujours eu un coup de pédale idéal pour ces conditions. En revanche, lorsque c’est sec, j’éprouve plus de difficultés par manque de force.

Suffisant pour être performant apparemment.
Oui et non. Je roule de temps en temps l’été quand j’ai l'envie. En tout cas, je reprends vraiment l’entraînement vers fin août - début septembre. Je n’ai donc pas les bases assez solides pour pouvoir encaisser de grosses charges de travail. Chaque année je progresse vite, mais la fin de saison est plutôt difficile. Cette année, j’ai repris plus tôt avec l’idée de tenir le choc plus longtemps.

« DANS MA TÊTE, JE SUIS DANS MA DERNIERE ANNEE DE VELO »

C’est ce que t’a conseillé ton entraîneur ?
(Rires). Je n’ai pas d’entraîneur ! Je ne planifie rien et je suis irrégulier dans mes sorties qui dépendent beaucoup du temps. Prendre la pluie en course ne me pose aucun problème, mais à l’entraînement, non merci !

Ne penses-tu pas que cela soit un frein à ta progression ?
Evidemment ! Le problème c’est que je n’ai jamais rencontré une personne en qui j’ai réellement confiance et qui m’aurait permis de mieux m’entraîner et ainsi progresser.  Je n’ai même jamais trop cherché. Je préfère me résoudre au fait que je n’ai de compte à rendre à personne et cette situation me convient. A quelques mois de la fin de ma carrière cycliste, il est de toute façon trop tard pour qu’il en soit autrement !

Comptes-tu déjà arrêter de nouveau ?
Dans ma tête, je suis dans ma dernière année de vélo. J’aimerais peut-être faire un peu de route avant de terminer, tout dépendra de la fin de saison en cyclo-cross. Quoiqu’il en soit, je n’aurai certainement plus trop l’occasion de rouler avec la boucherie en parallèle. Néanmoins, je ne sais pas de quoi demain est fait, mais c’est ce qui me semble être le plus probable.

« RAMENER UNE MEDAILLE D'UN AUTRE METAL QUE L'ARGENT OU LE BRONZE »

Tu arrêtes deux ans, et tu ne reviens que pour quelques mois. Après quoi cours-tu au juste ?
Pour le plaisir, je m’amuse. Je l’ai déjà dit : je n’attends rien du vélo. (Il s’interrompt). Certes, j’avoue que j’ai quand même repris avec une petite idée derrière la tête, un ultime défi : être champion de France. J’ai terminé plusieurs fois sur le podium et j’aimerais, en plus du maillot, ramener une médaille d’un autre métal que l’argent ou le bronze.

N’est-ce pas un pari un peu fou ?
Peut-être, mais pourquoi pas ? Clément Venturini prendra part à la course des Elites, Fabien Doubey est très fort pour le moment, au même titre que Clément Russo, mais nous ne sommes qu’en début de saison. Rien ne que le rapport de force ne va pas s’inverser. Le circuit de Pontchâteau me réussit bien puisque j’y ai terminé 3e aux championnats de France Cadets et 5e d’une manche de la coupe du Monde Juniors. En tout cas, j’y crois. Ce maillot, c’est qui me motive. J’ai envie de terminer en beauté !

Crédit photo : Elisa Haumesser - Elisa Haumesser - Cycling pictures
 

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