La Grande Interview : Clément Penven

Clément Penven aura attendu ses 25 ans pour signer son premier contrat professionnel, avec le Team La Pomme Marseille 13 (lire ici). Un "soulagement" pour le coureur, ancien plombier-chauffagiste, qui se consacre pleinement au cyclisme depuis 2010. Son éclosion date de 2014, sa deuxième saison au sein de l’AVC Aix-en-Provence. En mai dernier, il s’impose sur le Grand Prix de Nogent-sur-Oise, à domicile. Avant de remporter vingt jours plus tard le Tour de Franche-Comté. Ces deux victoires l’ont "libéré" et lui ont permis de s’affirmer. Mais ce n’est pas un hasard si lui, le Picard, est parvenu à s’imposer sur les reliefs du Franche-Comté. Il s'entraîne parfois du côté des Alpes et il adore ça : "On roule à une allure assez élevée, mais sans se mettre dans le rouge, confie-t-il à DirectVelo.com. J’aime le fait de gérer mon effort." Cet hiver, il gérera en attendant les travaux de construction dans sa maison. Le prélude à sa nouvelle vie.

DirectVelo : A 25 ans, le Team La Pomme Marseille était ta dernière chance de passer professionnel ?
Clément Penven : Honnêtement, les portes se ferment petit-à-petit avec le temps. A 27 ou 28 ans, le pari devient très difficile. Il ne faut pas se louper... Si je n’avais pas signé de contrat professionnel pour 2015, j’aurais effectué une saison supplémentaire au sein du club de l’AVC Aix-en-Provence, dans l’espoir de passer à l’échelon supérieur. Et si je n’y étais pas parvenu, j’aurais revu mes ambitions à la baisse, j’aurais fait du vélo pour le plaisir.

« LE PRINCIPAL C’EST D’AVOIR ATTEINT MON OBJECTIF »

Te sens-tu « chanceux » de passer professionnel à cet âge là ?
Oui, je ressens du soulagement. Rejoindre le plus haut niveau, c’était un rêve d’enfant. Je suis chez les Elites depuis six saisons désormais, et d’année en année j’ai progressé. Certains coureurs arrivent à maturité à 18 ans, ou alors à 21 ans... D’autres, comme moi, mettent plus de temps pour acquérir cette maturité. C’est une chance à n’importe quel moment. J’ai eu plus de mal à faire mes preuves, mais je suis très content. Le principal c’est d’avoir atteint mon objectif.

Comment se sont passés les contacts avec La Pomme Marseille ?
Fin mai, après ma victoire au classement général du Tour de Franche-Comté, j’ai commencé à envoyer des CV à plusieurs équipes professionnelles, notamment au VC La Pomme Marseille. Je me suis permis d’appeler le manager général, Frédéric Rostaing, que je ne connaissais pas personnellement - je l’avais seulement vu à deux reprises, au bureau du club de l’AVC Aix-en-Provence. Pendant le reste de la saison, on a parlé plusieurs fois ensemble. Et il y a quinze jours il m’a téléphoné...

Et qu’est-ce qu’il t’a dit ?
C’était assez tard, aux alentours de 20h50 , et sur mon téléphone j’ai vu son contact s’afficher. J’étais un peu surpris, mais je savais que s’il m’appelait à cette heure-ci, ce n’était pas pour rien. Il m’a proposé un contrat pour l’an prochain, et m’a laissé deux jours pour réfléchir. J’y ai réfléchi, mais ma décision était déjà prise : c’était « oui » d’office !

Dans quel état d’esprit étais-tu quand tu as signé le contrat ?
Je me suis dit que c’était fait, que c’était réel. Il s'agissait d'une satisfaction personnelle, mais j’étais également heureux pour l’AVC Aix-en-Provence et pour mes clubs précédents comme le CC Nogent-sur-Oise ou le CC Villeneuve Saint-Germain. Si j’ai signé chez les professionnels, c’est aussi grâce à eux, à mon entourage et à toutes les personnes qui m’ont aidé.

« C’EST DIFFICILE DE S’IMPOSER REGULIEREMENT QUAND TU ES UN GRIMPEUR »

Tu as remporté ta première course Elites seulement cette année, au Grand Prix de Nogent-sur-Oise. Comment expliques-tu le fait que tu n’aies pas réussi à en t'imposer plus tôt ?
Les trois années que j'ai passé au CC Nogent-sur-Oise, il y avait de grosses individualités, comme Adrien Petit ou Arnaud Démare, et je me suis mis à leur service. En 2012, l’année où Stéphane Rossetto réalise une grande saison en remportant notamment le Tour des Pays de Savoie, j’ai beaucoup travaillé pour lui en délaissant mes ambitions personnelles. Cependant, c'était normal, il était plus fort que moi ! Mais j’aurais pu obtenir de meilleurs résultats si je n’avais pas été équipier. Au Tour des Pays de Savoie, je pouvais jouer une place sur le podium.

Tu as connu le même frein a ton arrivée à l’AVC Aix-en-Provence ?
Non, beaucoup moins ! J’ai traversé une première année difficile en 2013, en raison d’un problème de santé. J’ai attrapé un virus au niveau de l’intestin qui m’a empêché d’être à mon niveau pendant deux-trois mois.

Quoi qu'il en soit, ta victoire au Grand Prix de Nogent a été une sorte de déclic ?
Oui, elle m'a aidé à croire en mes chances, par exemples de passer professionnel. La victoire au Tour de Franche-Comté a suivi. Quand tu remportes une manche de Coupe de France, comme le Grand Prix de Nogent, on ne peut pas dire que tu as réussi ta saison, mais au moins tu l’as sauvée ! Ce succès était réellement libérateur pour moi qui ne suis pas un grand gagneur. C’est difficile de s’imposer régulièrement quand tu es un grimpeur. Alors, je voulais prendre de l'avance, partir dans l'échappée. Finalement, nous allons au bout ! (lire ici) Ce jour-là restera comme un souvenir particulier pour moi. Je courais chez moi, devant mes proches...

« DESORMAIS, JE SAIS EXACTEMENT CE QUE JE VEUX »

C'est en effet en Picardie que tout a commencé pour toi !
C'est là que je suis né, à Compiègne. J’ai toujours baigné dans le milieu cycliste grâce à ma famille. Mon père faisait du vélo, alors je me suis inscrit en club en Pupille 2. Je n’ai jamais fait d’autres sports. Quand j'étais en Junior, j'ai passé un CAP pour devenir plombier-chauffagiste. J’ai poursuivi le cyclisme en 2e catégorie tout en travaillant, et malgré une saison pas vraiment exceptionnelle, le CC Villeneuve Saint-Germain m’a donné l’opportunité de rejoindre l’équipe de DN1.

Cette année-là, tu termines notamment 17e de Paris-Mantes...
J’ai saisi ma chance de courir en DN1. C'est ainsi que j'ai rejoint le CC Nogent-sur-Oise en 2010. J’ai arrêté de travailler et je me suis consacré essentiellement au vélo, même si j’ai toujours travaillé dans le bâtiment pendant l'intersaison. D’ailleurs cet hiver, quand j’aurais du temps libre, je vais retaper la maison que je viens d’acheter. C’est aussi une manière de ne pas penser qu’au cyclisme !

Fin 2012, tu décides de rejoindre l’AVC Aix-en-Provence, un club à l’autre bout de la France. Pourquoi ce choix ?
C’était pour le programme de courses. En 2012, le CC Nogent ne me conservait pas de toute manière, mais c’était aussi d’un commun accord. Je voulais changer d’air et rejoindre un club avec un programme de courses davantage montagneux. Charlie Leconte, le directeur sportif du CC Nogent, m'a mis lui-même en contact avec les dirigeants aixois. Je le remercie vraiment car si j’ai signé un contrat professionnel, c’est aussi grâce à lui. Il m’a beaucoup appris, y-compris sur moi-même. Je me souviens qu’un jour, il m’a dit : « Si tu ne sais pas où tu vas, ne t’étonne pas de te retrouver ailleurs ». C’est une phrase que j’ai retenue. Désormais, je sais exactement ce que je veux.

Tu as continué d’habiter en Picardie. Franchement, tu aimes rouler sous la pluie ?
(Sourires). La pluie en Picardie, c’est un mythe ! C’est quelque chose qu’on ne voit qu’à la météo ! Tu peux largement t’entraîner dans cette région, même si je reconnais que le temps y est changeant. Je suis resté en Picardie pour ma famille, mes amis, tous mes proches. Je préférais rester là où où je me sentais bien, avec mes repères. L'an prochain, je compte y rester. Sauf si ce choix pose un problème ou qu’il gêne le fonctionnement de l’équipe. Dans ce cas, je viendrais habiter dans le Sud.

« DANS LES COLS, J’AIME LE FAIT DE GERER MON EFFORT »

Te définis-tu comme un pur grimpeur ?
Avant tout comme un grimpeur, mais je ne sais pas si je suis un « pur » grimpeur. Chez les jeunes, j’avais des lacunes dans les contre-la-montres. Aujourd'hui j’ai gagné de la force. Je ne suis toujours pas un grand rouleur, mais sur un contre-la-montre par équipe, je ne suis pas un boulet. Et s'il le faut, je suis capable de rouler pour un leader.

Comment travailles-tu la « montagne » quand tu roules en Picardie ?
En fait, je me déplace régulièrement pour rouler dans les cols. J’ai des amis qui possèdent un appartement en Haute-Savoie, près de Saint-Gervais-les-Bains, aux Contamines-Montjoie, et ils me le prêtent volontiers quand j’en ai besoin. Lorsque je prépare un objectif, c'est là que je vais ! Cette année, je m’y suis rendu deux semaines en mai et deux semaines en juillet. Je travaille le coup de pédale de grimpeur, j’essaie de prendre de la force. J’aime particulièrement des cols comme les Aravis, la Colombière, les Saisies. Ce ne sont pas des « grands » cols des Alpes, mais tu peux bien y faire des exercices et la récupération est plus rapide, car tu montes moins haut en altitude.

Quand as-tu découvert les cols pour la première fois ?
C’était en 2010, j’étais en Espoirs 3e année, au CC Nogent-sur-Oise. J’avais proposé à Alexis Bodiot, mon coéquipier, d’y aller avec moi, en vue du Tour Alsace ! On avait amené aussi avec nous Flavien Maurelet, qui à cette époque courait à l’USSA Pavilly Barentin. On ne connaissait pas la montagne, on est un peu parti à l’aventure ! Je me souviens qu’après ce stage, je n’avais pas particulièrement ressenti des bienfaits. Je pense qu’on n’avait pas assez optimisé notre temps passé là-bas.

Qu’est-ce que tu apprécies lorsque tu montes un col ?
L’effort solitaire ! On roule à une allure assez élevée, mais sans se mettre dans le rouge. Il faut être constamment au contact, proche de son maximum, mais sans être à fond pour ne pas exploser. J’aime le fait de gérer mon effort.

« DI GREGORIO ET GIRAUD PEUVENT ME TRANSMETTRE LEUR EXPÉRIENCE »

Vas-tu essayer de développer tes qualités de grimpeur l’an prochain ?

Pour l’instant je n’en ai pas discuté avec l’équipe. Si le VC La Pomme Marseille possède un entraîneur, je serai ravi de pouvoir apprendre avec quelqu’un. En course, j'ai envie de me frotter avec la montagne également, par exemple au Tour de l'Ain. Des coureurs comme Rémy Di Grégorio ou Benjamin Giraud peuvent me transmettre beaucoup de leur expérience. Mais j’ai envie de découvrir toutes les courses qu'on me proposera.

Le SRM, ce serait aussi une nouveauté dans ta préparation ?
Oui. Je n’ai pas de méthode d’entraînement spécifique, je roule au feeling. Si je sors d'un gros bloc de courses, je vais plutôt rouler en repos actif. Il m’arrive d’aller rouler seul quand je fais de longues sorties, ou alors je retrouve mes amis, Flavien Maurelet, Alexis Bodiot ou encore Sébastien Minard (AG2R La Mondiale) et Guillaume Levarlet (Cofidis). J’ai acheté un Garmin il y a seulement deux ans. Mais c'était surtout pour éviter d’avoir un aimant sur ma roue avant (rires) ! Je regarde un peu ma fréquence de pédalage mais je ne connais pas les détails d'un capteur de puissance. Je ne sais même pas à quoi correspond une moyenne de watts. Jusqu’à présent, c’est une méthode qui a plutôt bien fonctionné. Pour l'an prochain, je ne suis pas fermé ! Mais il faudrait que je collabore avec une personne qui s’y connaisse vraiment.

Crédit photo : Thomas Maheux - thomasmaheux.tumblr.com
 

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