Pierre-Yves Chatelon : « Deux gros critères de sélection »

Les Championnats du Monde de cyclisme sur route auront lieu du 21 au 28 septembre prochains à Ponferrada (Espagne). Les différentes sélections françaises sont tombées en début de semaine. Pour DirectVelo.com, Pierre-Yves Chatelon - sélectionneur de l’Equipe de France Espoirs - explique en détails ses choix à trois semaines du grand rendez-vous de la fin de saison.

DirectVelo : Comment as-tu bâti ton équipe pour le Mondial ?
Pierre-Yves Chatelon : Je n’ai pas voulu me focaliser sur une ou deux épreuves en particulier. C’est plutôt l’ensemble de la saison qui devait me permettre de me décider. Deux gros critères sont rentrés en compte : je voulais prendre des gars qui ont pu faire partie du collectif une bonne partie de la saison, mais j’ai aussi fait attention à la forme actuelle de chacun. C’est d’ailleurs pour cela que je n’ai pas retenu Anthony Turgis (seulement remplaçant, NDLR). On peut s’étonner de ne pas le voir dans la liste, mais depuis les Championnats d’Europe (3e), il n’a à vrai dire pas montré grand-chose.

«THOMAS BOUDAT PRESENT EN CAS DE SPRINT »

Anthony Turgis reste malgré tout un homme de Championnat, médaillé de bronze au Futuroscope et à Nyon cette année…

Oui, mais j’avais vraiment trop de doutes quant à ses capacités à être en forme fin septembre. C’est une décision que j’ai pris un peu à contrecœur. Je sais que c’est un homme de Championnat, et qu’il se serait préparé comme il le faut pour ce Mondial. Mais encore une fois, je n’avais pas assez de garanties. Je n’ai pas eu l’occasion de discuter directement avec lui depuis ma décision. On n’a pu se parler que par messages interposés. Je lui ai simplement expliqué mes choix.

Dans cette sélection, on note en revanche la présence de Thomas Boudat - notre photo -. Tu penses donc que le circuit de Ponferrada peut lui convenir ?
Evidemment, j’ai dû m’adapter à la nature du circuit. Je pense que c’est un circuit taillé plutôt pour les puncheurs-grimpeurs, avec pas mal de dénivelé, même si les bosses en elles-mêmes seront un peu moins difficiles sans doute que l’an dernier à Florence. Mais il faut penser à tout ! Et je me dis que les Australiens vont peut-être vouloir contrôler la course pour emmener au sprint l’un des grands favoris de ce Mondial, Caleb Ewan. Du coup, je préfère avoir un coureur capable de jouer sa carte au sprint. Je pense que Thomas (Boudat) peut passer les bosses. Sur le Championnat d’Europe en Suisse, ce n’était déjà pas facile, et il était passé (4e en réglant le peloton, NDLR).

« LOIC CHETOUT EST UN COUREUR VRAIMENT PRECIEUX »

Loïc Chetout semble quant à lui presque incontournable en Equipe de France. Il y a un an pourtant, beaucoup doutaient encore de lui lors de son retour d’Espagne…
C’est une pièce maitresse du collectif. Il m’a donné satisfaction à chacune de ses sorties avec l’Equipe de France. Pas toujours grâce à un gros résultat, mais surtout pour son abnégation. C’est un coureur vraiment précieux. Certes, beaucoup avaient perdu de vue Loïc lorsqu’il était en Espagne, mais je l’avais quand même pris en Equipe de France Juniors pour la Course de la Paix et Paris-Roubaix. Il a progressé en toute discrétion en Espagne et cette année, il a vraiment franchi un palier.

Les quatre autres sélectionnés ont tous brillé récemment, notamment Quentin Jaurégui et Pierre-Roger Latour sur le Tour de l’Avenir...
Quentin (Jauregui) a gagné une étape sous le maillot de l’Equipe de France lors du Rhône-Alpes Isère Tour. J’ai l’impression qu’il est sorti un peu fatigué du Tour de l’Avenir mais c’est quelqu’un sur qui on peut compter. Le seul problème, c’est qu’il faut toujours être derrière lui (sourires). Il fait encore beaucoup d’erreurs en course. C’est un personnage à part entière. Pierre-Roger (Latour) sort lui aussi du Tour de l’Avenir (6e du général, NDLR). L’an dernier déjà, il avait fait une grosse fin de saison, avec un très beau Tour du Doubs avec les pros notamment. Cette année, il a eu un début de saison escamoté à cause d’une blessure à la selle. Il n’a pu s’entrainer « sérieusement » et sans soucis de santé qu’à partir de fin juin-début juillet. Du coup, il est plein de fraicheur. Je l’avais déjà eu en Juniors au Mondial de Copenhague lors du titre de Pierre-Henri Lecuisinier. Je sais que je peux compter sur Pierre-Roger dans un collectif. C’est plus un puncheur qu’un grimpeur, le Tour de l’Avenir nous l’a confirmé. Je le considère comme un élément incontournable de l’équipe.

« JEREMY LEVEAU N’AURAIT PAS ETE PRIS SANS SON TITRE »

Kévin Ledanois a été impressionnant en Norvège aux côtés des pros…
J’avais déjà décelé de grosses qualités chez lui au Rhône-Alpes Isère Tour, où il avait fait un gros boulot pour Quentin Jauregui. D’après les dires de certains pros, il avait été très impressionnant dans les bosses. Physiquement, c’est l’un des plus costauds de cette sélection. Il a été épatant sur l’Artic Race. C’est d’ailleurs ce qui a en partie fait la différence avec Anthony Turgis. Le seul problème de Kévin (Ledanois), c’est que comme Quentin (Jauregui), il ne court pas très bien. Mais je sais qu’il respectera les consignes.

Reste enfin, pour la course en ligne, Jérémy Leveau. A-t-il gagné sa sélection sur le seul circuit de Saint-Omer ?
C’est sûr, c’est la prime au Champion de France Espoirs sortant ! Après ce succès, sa sélection semblait couler de source. Sans ce titre, il n’aurait surement pas figuré dans la sélection. Maintenant, il ne faut pas oublier pour autant qu’il était présent en Equipe de France en début de saison pour le Tour des Flandres, la Côte Picarde ou le ZLM Tour. Il marchait très fort à ce moment-là même s’il n’a pas eu énormément de réussite. C’est un garçon hyper attachant, et très calme. Il pourra canaliser ceux qui ont de l’énergie à revendre.     

« AVEC REMI CAVAGNA, JE PENSE A L’AVENIR »

La décision de retenir Bruno Armirail pour le contre-la-montre n’est pas une surprise. En revanche, la présence de Rémi Cavagna, seulement Espoirs 1, est un peu plus surprenante. Peux-tu nous expliquer ce choix ?
Bruno (Armirail) est le meilleur Espoirs français dans l’exercice du contre-la-montre, même s’il a encore de beaux progrès à faire pour être dans les meilleurs Mondiaux. C’est pour cela que s’il faisait un Top 10 à Ponferrada, ce serait déjà bien. En ce qui concerne Rémi (Cavagna), je l’avais vu battre Bruno fin juin. Là, il avait déjà de bonnes chances de faire partie du voyage en Espagne. Son nouveau podium à Saint-Omer sur le Championnat de France Espoirs a définitivement fait pencher la balance. Il n’est qu’Espoirs 1ère année. Mais je pense déjà à l’avenir. J’aurais pu prendre un Espoirs 3 ou 4 plus expérimenté, mais qui n’aurait de toute façon sans doute pas fait un Top 10. Je préfère donc déjà travailler avec Rémi en vue des années à venir.

Tout ce beau petit monde se testera sur le Tour du Jura Suisse et le Tour du Doubs mi-septembre, et non plus au Tour de Moselle. Pourquoi avoir pris cette décision ?
Je voulais emmener les gars sur des courses d’un niveau un peu supérieur. Et puis, les conditions climatiques sont rarement rassurantes en Moselle, même si nous ne sommes jamais à l’abri non plus sur les autres courses. C’était l’opportunité de changer, de mettre ma patte par rapport à ce que faisait Bernard Bourreau. Faire des Classe 1 ou 2, c’est quand même autre chose que le calendrier fédéral. Je pense qu’il fallait élever le niveau de jeu avant de se présenter au Mondial.

Pour retrouver la sélection de Pierre-Yves Chatelon : Cliquez ici

Crédit photo: Nicolas Mabyle - www.directVelo.com
 

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