La Grande Interview : Kevin Ledanois

Kevin Ledanois a pris du galon en 2014. Homme de base du CC Nogent-sur-Oise, pensionnaire de l'Equipe de France Espoirs, stagiaire professionnel cet été chez Bretagne-Séché Environnement, le Vendéen se sent en confiance depuis le Tour de Normandie, en mars dernier. Les week-ends se suivent avec plus ou moins de bonheur mais le coureur de 21 ans présente désormais un véritable danger pour ses adversaire lors de ses démarrage. Son père Yvon, qui dirige la BMC actuellement sur le Tour de France, lauréat d'étape à la Sierra Nevada sur la Vuelta 1997, est son entraîneur. C'est "une source d'inspiration", pour Kevin. Le fils affirme cependant qu'il décide de ses propres choix seul et en conscience. Il parle de sa "ligne de conduite", conçue il y a plus de deux ans et qui semble se dérouler sans accroc. Ce "plan", comme il dit aussi, passe par un changement de club cet hiver, la fin de ses études et de la pratique du cyclo-cross. Le terrain est ainsi bien déblayé pour préparer son passage chez les professionnels.

DirectVelo.com : Tu sors d’un Tour de Mareuil-Verteillac-Ribérac plutôt réussi, tout proche de la victoire finale. Qu’est-ce qu’il t’a manqué pour l’emporter ?
Kevin Ledanois : Sans hésiter, de la fraîcheur !  Je sortais d’un stage Equipe de France en Dordogne, pour préparer le prochain Championnat d’Europe. Du coup, les deux premiers jours de course se sont bien passés mais dimanche, c’était le jour de trop. J'ai eu du mal à encaisser le contre-la-montre et l’étape en ligne dans la même journée. Je ressentais beaucoup de fatigue du travail accumulé, même si j’ai réussi à me maintenir parmi les premiers.

Dimanche prochain, tu disputeras la course en ligne des Championnats d'Europe. Un objectif personnel ?
Évidemment, je pars conquérant. En fonction du rôle que me donner notre sélectionneur, Pierre-Yves Chatelon, je pourrai soit jouer ma carte soit aider le collectif. Dans tous les cas, nous partirons tous avec le même état d’esprit : ramener le titre.

« JE PEUX M'EXPRIMER SUR DIFFERENTS TYPES DE TERRAIN »

Le parcours tracé autour de Nyon, en Suisse, s'annonce accidenté. C'est ce type de profil que tu affectionnes ?
Oui, le tracé est sélectif mais pas insurmontable. J’aime les terrains rendus difficiles, mais pas pour autant la haute montagne, qui me paraît encore inaccessible. Cela dit, je ne me mets pas de barrières. Par exemple, je voulais découvrir le Tour des Pays de Savoie cette année, pour pouvoir me jauger en montagne. Finalement, je ne m’en suis pas si mal sorti [il est dans le top 20 sur chaque étape avant d'abandonner le dernier jour, NDLR]. Je me trouvais plutôt à l’aise quoi qu'un peu limité.

En somme, tu es un coureur complet.
Je peux m’exprimer sur tous les types de terrain que l’on peut trouver sur une course cycliste. Même Paris-Roubaix me fait rêver ! J’ai adoré l’expérience de ma participation à cette course cette année. Et puis, c’est une course tellement mythique... J’en avais tellement entendu parler avant de prendre le départ...

Il est vrai que tu as baigné dans le cyclisme depuis tout petit.
C’est sûr qu’avec mon papa qui était coureur cycliste [professionnel de 1989 à 2001], je ne pouvais pas échapper au virus du vélo ! Ce n’est pourtant pas le premier sport que j’ai pratiqué, puisque j’ai commencé par le football. Mais c’était plus parce que mon père ne voulait pas que je commence le vélo trop tôt.

« MON PERE A RETARDE L'ECHEANCE »

Tu as été interdit de vélo plus jeune ?
Oui et non ! (rires) Disons que mon père a fait en sorte de retarder l’échéance. Je n’ai commencé le cyclisme qu’à 13 ou 14 ans, dans un petit club à côté de chez moi, à Saint-Jean de Monts, en Vendée, là où avait lieu la dernière manche du Challenge National de cyclo-cross en 2011. Mon père voulait m’éviter de saturer trop tôt, c'était une façon de me « protéger ». Aujourd’hui, quand je vois le nombre de coureurs qui ont commencé le vélo jeunes et qui ont obtenu des résultats jeunes, je me rends compte que très peu d'entre eux sont encore dans le peloton aujourd’hui... Soit ils ont baissé de régime et ne font plus du vélo une priorité, soit ils ont tout simplement arrêté et sont passés à autre chose. Avec du recul, je suis content que mon papa m’ait freiné.

Aujourd’hui, il t’aide encore à te construire en tant que coureur ?
Bien sûr ! Je vis toujours chez mes parents et il me conseille beaucoup. C’est mon entraîneur. Même si l’on ne se croise pas beaucoup, entre ses déplacements et les miens, je reste en contact quotidiennement avec lui pour parler de mes sensations et de mon programme à venir. J’essaie d’être un maximum à son écoute. Avoir un père tel que lui, c'est une chance pour moi. Et je suis fier de ce qu’il a pu accomplir.

Son cursus chez les pros t'apporte une motivation supplémentaire ?
Je prends sa carrière comme une source d'inspiration. Je me dis : « S'il l’a fait, je dois essayer de faire aussi bien... »

Tu n’as jamais souffert des comparaisons inévitables ?
Pas vraiment. Plus jeune, c’était parfois « usant » mais je me suis vite habitué à cette comparaison. Lorsque l’on me présente comme « le fils de » , c’est aussi une belle fierté. Maintenant, l’objectif est de me faire un prénom !

« JE FAIS MES PROPRES CHOIX »

Ça semble bien parti : tu as déjà quelques touches avec des équipes professionnelles pour 2015 ?
Fin juin, la veille du Championnat de France, j’ai entendu qu’une équipe me voulait en tant que stagiaire. Après la course, mon père m'a dit qu’il avait parlé avec Emmanuel Hubert, le directeur sportif de Bretagne-Séché Environnement. L'équipe était intéressée par moi pour la fin de saison. J’ai pris contact avec les dirigeants la semaine suivante et tout s’est conclu rapidement. Je ne suis que stagiaire et je n’ai aucune garantie pour la suite. Mais je ne vais pas cacher mon plaisir ! Je suis content d’être stagiaire. Cela montre que je fais une belle saison et que je suis totalement en phase avec mon plan de carrière.

Ton plan de carrière ou celui de ton père ?
Non, le mien. Même si il m’a freiné au début, maintenant je fais du vélo à temps plein et je me concentre sur mes objectifs sans arrière-pensée, en suivant ma propre ligne de conduite. Je fais mes propres choix. Par exemple, l’an passé, après deux saisons qui s'étaient bien déroulées au Team U Nantes Atlantique, j’avais envie de changer d’air, de voir un autre calendrier de course. C’est pour cette raison que j’ai contacté le CC Nogent-sur-Oise.

Ce changement de club t'a fait prendre une autre dimension ?
J’y ai découvert beaucoup de courses. Nous avons un beau programme avec beaucoup d'épreuves de classe 2. Le groupe est jeune et il n’y a donc pas vraiment de leader. La tactique change en fonction des sensations de chacun le jour J. Ça aide aussi à faire des résultats. Au début de la saison, j’avais surtout pour objectifs des courses comme Liège-Bastogne-Liège Espoirs et les manches de Coupe de France DN1, mais j’ai vite rehaussé mes ambitions. Fin mars, à la sortie de mon bon Tour de Normandie [6e au classement final], j’ai pris confiance en moi. J'ai enchaîné avec une 11e place à Liège. Depuis, je surfe cette vague positive.

« UN PLAN DEPUIS QUE JE SUIS CHEZ LES JUNIORS »

Tu ne te pensais pas capable d'atteindre ce niveau de performances ?
Je n’avais jamais obtenu de tels résultats, alors je ne voulais pas cibler trop haut. Mais cette année, beaucoup de choses ont changé pour moi : j’ai réussi mon BTS management et je me consacre exclusivement au cyclisme. J’ai aussi arrêté le cyclo-cross pour faire une saison pleine sur la route. Cette discipline me manque car j’adore son ambiance, mais il faut savoir être raisonnable et logique. Je n’arrivais pas à monter sur un podium de Challenge National de cyclo-cross, alors j’ai essayé de tout miser sur la route. Cela faisait partie du plan. Je pense avoir fait le bon choix.

Ce fameux plan de carrière, quel est-il ?
Consacrer mes deux premières années Espoir aux études, sereinement. Puis essayer de passer professionnel à la fin de ma troisième année. Le plan est tracé depuis que je suis chez les Juniors. Je croise les doigts pour que tout continue comme ça.

Le vélo semble presque facile pour toi ?
Oh que non ! (rires). Tout ne se passe pas toujours comme prévu... Il m’arrive souvent de faire des erreurs, comme au Championnat de France amateur, lorsque je reviens seul sur l’échappée et que je décide d’attaquer aussitôt. Encore aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. Mais je ne le referai pas deux fois. Pour ce qui est de mon plan de carrière, c’est agréable de voir que tout se passe comme je l’imaginais et que je ne me suis pas trompé dans la façon de gérer ma progression sur le long terme. Mais je n’oublie pas que je ne suis pas à l’abri d’un pépin physique, comme tout le monde.

Crédit photo : Camille Nicol
 

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