La Grande Interview : François Lamiraud

Sur son blog, François Lamiraud raconte en détails ses courses, ses entraînements et sa vie de sportif. Le coureur du Team Pro Immo-Nicolas Roux a pourtant encore quelques secrets. Et pas des moindres : il lutte contre une maladie génétique qui touche les articulations, dont la colonne vertébrale en premier lieu : la spondylarthrite. Ce mal, il l'affronte depuis 2008 avec un traitement approprié mais aussi un état d'esprit résolument positif : "Je n'en fais pas une ennemie, je l'apprivoise", dit-il. A 31 ans, il nourrit même des projets comme un retour sur la piste, de nouvelles victoires sur route dans le prolongement de sa troisième place au Grand Prix de Nogent-sur-Oise (Coupe de France DN1) le mois passé, et surtout des moments de plaisir et de partage, que ce soit sur le vélo ou dans ses activités annexes. Cette vie débordante reste peut-être le meilleur remède de François Lamiraud. 

DirectVelo : II paraît que tu as un emploi du temps de ministre. De quoi est fait ton quotidien ?
François Lamiraud : C’est vrai que je suis plutôt bien occupé et que je ne suis pas coureur amateur à temps plein ! Depuis trois ans, j’ai monté une boutique de vente en ligne de matériel cycliste qui s’appelle Vélopuissance. Je gère tout de A à Z, du site internet jusqu’à l’expédition des colis en passant par le service client. Par ailleurs, je propose aussi des études posturales.

Cette activité, c’est aussi une façon de t’épanouir ?
Oui, c’est un véritable plaisir. J’ai toujours aimé le beau matériel. Je me souviens que dans les catégories Cadets et Juniors, avec mes parents, nous avons toujours voulu avoir les meilleurs pneus ou roues possible. Bien sûr, le porte-monnaie était parfois un gros frein, mais tant que nous le pouvions, nous essayions d’avoir le meilleur, tant sur le rendement que sur l’esthétique. Je trouve ca dommage de s’entraîner si dur pour être pénalisé en course si le matériel est défaillant.

Avec toute l’implication que demande ta société, quand trouves-tu le temps de t’entraîner ?
Je gère mon entreprise en fonction de mes entraînements et vice-versa. Evidemment, mon emploi du temps chargé demande une bonne organisation mais je m’en sors plutôt bien. Avant, je m’occupais également de l’entraînement de certains coureurs, de tous niveaux et de différents horizons, mais j’ai dû arrêter faute de temps.

Tu envisages de devenir entraîneur ou directeur sportif après ta carrière de coureur ?
Pas vraiment, non. Mon rêve serait plutôt d’être un technicien autour d’une équipe un peu à l’instar de Dave Brailsford chez Sky, même à une échelle plus modeste. Être dans une équipe où j’aurais pour mission de mettre en place l’optimisation de la performance, que cela soit sur l’entraînement, la nutrition ou le matériel, c’est ce qui me ferait rêver. Et ce rêve me permet d’avancer, au même titre que le plaisir.

« JE N'AI PAS DIT MON DERNIER MOT SUR LA PISTE »

Tu es étais un pistard de niveau national dans tes plus jeunes années, aujourd’hui tu es moins sur le devant de la scène dans cette discipline : parce que tu prends moins de plaisir justement ?
Oui et non. Disons plutôt que j’ai eu le sentiment d’avoir fait le tour de la question. J’ai vécu de super expériences avec l’équipe de France, j’ai beaucoup voyagé et tutoyé le très haut niveau . Après avoir obtenu quinze médailles aux Championnats de France, j’avais envie de passer à autre chose. Je ne me mets plus en tête de bien figurer au niveau national. Mais je retourne de temps en temps sur la piste avec plaisir. Et je n’ai pas dit mon dernier mot ! D’ici les cinq prochaines années, je compte faire mon retour sur la piste, pour revenir à mes premiers amours.

Pendant ce temps-là, tu te construis un palmarès routier, qui plus est sur des épreuves pas forcément adaptées à ton gabarit, sur des parcours parfois très vallonnés…
Le fait d’habiter Saint-Etienne me permet de progresser dans les côtes. Mais pour bien passer les bosses, il faut être conditionné mentalement, ne pas se mettre de barrière. Evidemment, je ne passerai jamais les grands cols avec les grimpeurs. Il ne faut pas rêver non plus... Mais dans les bosses roulantes, et ne dépassant pas six ou sept kilomètres, c’est surtout une question psychologique. De toute façon, j’estime, qu’un bon coureur doit être en mesure de passer partout, qui plus est chez les amateurs. Mes années les plus prolifiques en résultats, je les ai réalisées lorsque j’avais confiance en moi et que j’avais réussi à dompter les côtes. Au lieu d’en faire un adversaire, elles sont devenues mes amies (rires).

Tu parles ici presque comme un préparateur mental : as-tu déjà travaillé avec l’un d’eux ou avec un psychologue ?
J’ai déjà été voir un psy, mais pas dans un but purement sportif.

C’est à dire ?
En 2008, j’ai fait une saison blanche. On m’a diagnostiqué une maladie dont on fait rarement le diagnostic : la spondylarthrite ankylosante. J’ai dû observer un arrêt long de six mois, je n’arrivais même plus à marcher parfois. J'étais à la limite de l’état d’une personne handicapée. Je suis alors passé par des moments difficiles et j’ai décidé d’être aidé.

« J'AI LA CHANCE QUE LE TRAITEMENT FONCTIONNE »

De quels symptôme souffrais-tu ?
Il s’agit d’une maladie inflammatoire qui touche les articulations périphériques du corps humain, en particulier la colonne vertébrale. C’est une pathologie génétique qui est le fruit d’une mutation génétique. A la base, je n’étais sûrement pas atteint par cette maladie mais à cause de la pollution de l’alimentation actuelle par exemple, le gène porteur a muté, pour donner une explication réellement scientifique (rires). C’est une maladie rarement diagnostiquée mais qui touche beaucoup de sportifs. Renaud Pioline (AVC Aix-en-Provence) par exemple, est lui aussi atteint. Il est beaucoup handicapé par rapport à tous ces maux. Contrairement à lui, j’ai la chance que le traitement que l’on m’a prescrit fonctionne et me permette de continuer sans gros problème le sport à haut niveau.

En quoi consiste ton traitement ?
C’est assez lourd. Je suis suivi fréquemment par un rhumatologue mais surtout, je dois subir une injection une fois par semaine. Ce traitement diminue les défenses immunitaires puisqu’il vise à ce que le corps se batte contre lui-même et non pas contre les microbes extérieurs. Du coup, je dois redoubler de vigilance lorsqu’il pleut ou qu’il fait froid, pour ne pas tomber malade. Heureusement, ce traitement ne nécessite pas d’AUT (autorisation d’usage à des fins thérapeutiques, NDLR) mais le fait de devoir subir une piqûre de façon hebdomadaire n’a rien de plaisant.

Quels sont les impacts de ta pathologie sur ta pratique du sport ?
Maintenant que mon traitement fonctionne, il n’y en a pas tellement. Avant, les douleurs fluctuantes pouvaient être vraiment aigues et il m’est arrivé de passer de sales moments. Lorsque j’étais à la fac, pour l’obtention de ma licence STAPS, j’éprouvais beaucoup de difficultés pour pratiquer le basket ou la course à pied. Les disciplines sportives où le corps subit des chocs traumatiques m’étaient quasiment inaccessibles. On pourrait croire que c’est à cause de ça que je n’ai pas obtenu ma licence, mais pas du tout. Je n’étais pas mauvais élève, mais je ne faisais pas preuve de beaucoup de sérieux et je l’ai payé cash.

Tu es discret vis à vis de ta maladie. Pourquoi ne pas en parler plus ?
Je risquerais de passer pour une pleureuse ! Dans le monde du cyclisme, dès que l’on se plaint, on a tendance à être considéré comme tel. Et puis, de toute façon, je dois bien faire avec ma maladie. Cet épisode a vraiment été douloureux et j'ai pris un gros coup sur la tête car j’ai eu peur pour la suite de ma carrière. Je ne me voyais pas abandonner ma passion du cyclisme si vite, d’autant plus que j’avais accompli une super saison l’année précédente (9 victoires dont une étape et le général de la Transversale des As et le prologue du Tour du Pays Roannais, NDLR). J’étais à mon meilleur niveau physique. J’ai aussi pris conscience qu’il faut prendre soin de son corps, que l’on n’est pas invincible.

« J'AI APPRIS A VIVRE AVEC LA MALADIE »

Donc, te voilà plus prudent ?
Lorsqu’on est jeune, on n’hésite pas à descendre les cols à tombeau ouvert ou à rouler à deux-cents à l’heure sur l’autoroute. Tout ça m’a fait grandir et mûrir. Aujourd’hui, je suis toujours très compétitif, même avec cette gêne. J’ai appris à vivre avec. Elle fait partie de mon quotidien et à l’instar de mon travail psychologique pour les bosses, j’ai fait en sorte d'apprivoiser la maladie pour vivre. Et ce plutôt que la considérer comme une ennemie...

Dans ton équipe, es-tu considéré comme un exemple de courage ?
Je n’ai pas cette prétention. Et puis, étant donné ma discrétion sur ce sujet, je ne suis même pas sûr que tout le monde soit au courant à Pro Immo ! Bon après la parution de cet entretien, ce sera le cas… (rires). Mais c’est vrai que j’essaie d’aider les plus jeunes de l’équipe notamment en leurs ouvrant les yeux sur la chance qu’ils ont de pouvoir bénéficier d’une infrastructure comme celle du Pro Immo. On est vraiment gâté. Tout est fait pour notre épanouissement sportif et humain. Honnêtement, je n’avais jamais connu auparavant une équipe aussi bien structurée au niveau DN1. En plus, nous avons une ambiance au top, on rigole beaucoup. Et je ne suis pas le dernier pour faire des plaisanteries.

De quel genre ?
La meilleure, c’est celle de la course contre un cheval. J’ai monté tout un canular sur internet, en faisant croire que j’allais disputer une course contre un cheval sur une piste de Lyon. Ce genre de « match » se multiplie à l’heure actuelle, mais je mettais un peu en doute la crédibilité du défi, ne sachant pas trop si le résultat est arrangé ou non. Du coup, avec l’aide de plusieurs copains, j’ai voulu parodier le phénomène. J’ai réalisé plusieurs vidéos dans lesquelles je m’entraînais sur une piste à faire des départs arrêtés pour simuler l’effort de la course. Pour pousser le vice, j’avais même réalisé une vidéo dans laquelle je demandais des conseils à François Pervis, qui avait déjà eu l’occasion de participer à une épreuve de la sorte. Aujourd’hui, les réseaux sociaux ont une si grande importance que j’étais parvenu à faire le buzz sur internet. A tel point que je me souviens que des coureurs m’avaient appelé pour avoir des renseignements sur l’heure et le lieu de l’épreuve... Travailler en s’amusant pour prendre du plaisir, c’est ma façon de voir la vie.

Crédit Photo : Philippe Pradier - picasaweb.google.fr/PHPHOTO42

 

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