La Grande Interview : Freddy Bichot

"Je n'ai jamais été un coureur surpuissant, j'ai avancé grâce à mon envie", prévient Freddy Bichot, dix années de carrière chez les pros et un titre de Champion de France amateurs en 2011. Le Mayennais a découvert le pouvoir du mental dès 2007, à travers son amitié avec l'entraîneur de football Denis Troch. Pour sa reconversion, il lance sa société de préparation mentale à destination des entreprises, des clubs sportifs et des athlètes. "Nous avons tous des peurs, des croyances ou du stress qui nous créent des limites, explique-t-il. Sans personne pour nous entourer, nous sommes souvent en-deçà de notre potentiel." Freddy Bichot doit à sa force de conviction d'avoir fini deux fois le Tour de France ou conquis le maillot tricolore sur le circuit de Boulogne-sur-Mer, en un duel fratricide avec son coéquipier Samuel Plouhinec. En 2014, il sort de sa retraite et s'engage dans une nouvelle saison chez les amateurs, "pour le plaisir » et pour « faire connaître" sa société.

DirectVélo : Pourquoi vas-tu reprendre la saison chez les amateurs, un an après ta fin de carrière officielle ?
Freddy Bichot : Je suis encore plein d'énergie à 34 ans, et toujours passionné par le vélo. Fin 2012, mon corps avait besoin de repos. J'ai passé dix mois sans faire de sport. Puis j'ai essayé la course à pied mais je n'ai pas accroché. Dans l'été, je me suis remis au vélo, au début pour de simples promenades. Je me suis rendu compte que l'ambiance des courses, le moment où on épingle son dossard, les instants partagés avec les copains, tout cela me manquait.

Donc, tu reprends du service cette saison avec le club DN3 vendéen du Château d'Olonne, le POC Côte de Lumière ? (voir ici)
Le POC est un club qui correspond à mes valeurs, simples et familiales. J'ai fait connaissance avec les dirigeants il y a un an, quand ils m'ont proposé de faire une conférence sur la préparation mentale. L'idée de devenir coureur chez eux a ensuite fait son chemin. En septembre 2013, j'ai participé à quatre épreuves. Sur les Deux jours de Machecoul, je me retrouve devant pour la victoire au sprint. Même si j'ai chuté à 300 mètres de la ligne, j'ai vu que le test était concluant. Cette année, j'aimerais bien gagner une course Elite. Mais le cyclisme de haut niveau est fini. Je donne la priorité à mon nouveau travail.

« JE VOUDRAIS AIDER LES ENTREPRISES ET LES SPORTIFS »

Pourquoi as-tu créé ta société, FB' Mental-Performance ?
Dans le milieu de l'entreprise, la tendance est au bien-être qu'on accorde aux employés. Je voudrais aider les managers à faire passer leurs messages auprès de leurs collaborateurs, à gérer les conflits et à atteindre leurs objectifs. Je pourrais ainsi leur transférer l'expérience que j'ai développée en tant que sportif : par exemple les façons de se relancer après une défaite ou une victoire. Nous avons tous des peurs, des croyances ou du stress qui nous créent des limites. Sans personne pour nous entourer, nous sommes souvent en-deçà de notre potentiel.

Apportes-tu des conseils à des cyclistes ?
Oui, je travaille déjà avec quelques coureurs mais aussi des tennismen, des joueurs de poker... Yvon Sanquer, le manager de Cofidis, m'a invité cet hiver pour parler de cohésion à ses coureurs. C'est pour l'instant l'une des seules équipes professionnelles qui accordent de l'importance au travail de préparation mentale, avec la FDJ.fr. Pourtant cette approche s'avère indispensable : deux athlètes de force égale sont départagés par le mental. Je crois que le recours à un préparateur mental va se généraliser dans les cinq prochaines années. A l'époque où je courais, quasi aucune équipe ne donnait du crédit aux entraîneurs. Maintenant, elles ont chacun le sien.

A quand remonte ton intérêt pour la préparation mentale ?
En 2007, j'ai rencontré Denis Troch (entraîneur de foot, notamment au PSG, à Laval, Amiens, Troyes, NDLR) pendant une sortie des supporters de la Française des Jeux. C'était au moment où il se tournait vers la préparation mentale. Nous étions presque voisins. Je suis devenu son cobaye, en quelque sorte ! (rires) J'ai étudié auprès de Denis tout au long de l'année 2013 et c'est lui qui m'a encouragé à créer ma société. Je sais ce que son travail a apporté à ma carrière.

« UN DIRECTEUR SPORTIF M'A DIT : 'T'AS PAS LE MOTEUR !' »

En quoi es-tu devenu meilleur ?
Avant de le rencontrer, j'étais en sous-estime de moi. A la Française des Jeux, j'étais entouré de Philippe Gilbert, Sandy Casar, Bradley McGee, Baden Cooke... Que des champions ! Je n'avais pas confiance en moi. Denis a su trouver les mots justes pour que je puisse marquer mon territoire une fois passé dans l'équipe Agritubel. D'ailleurs, en 2009 je réussis à décrocher quatre victoires. Depuis que Denis collabore à la Française des Jeux, je constate que les résultats ont également progressé...

Au début, tu voulais de l'aide, à travers une préparation mentale, pour obtenir ta sélection sur le Tour de France. Mais cette collaboration t'a aidé à aller encore plus loin...
Participer au Tour, c'était un rêve de gosse depuis que j'avais sept ans. J'ai pris deux fois le départ (en 2007 et 2008) mais il fallait aussi que je termine. Je ne pensais pas en être capable. Dans le jargon de la préparation mentale, on appelle ça une « croyance limitante ». Ma crainte remontait au deux Tours d'Italie que j'avais disputés avec la Française des Jeux. J'ai abandonné deux fois et un directeur sportif m'a dit : « Toi, 'la Biche', t'as pas le moteur pour faire un grand tour ! » En fait, j'étais bloqué par de grosses allergies au pollen. Mais j'avais fini par croire que je n'avais pas le niveau. Denis m'a aidé à déconstruire cette croyance.

Sur le Championnat de France amateur, en 2011, tu étais armé de la même confiance en toi ?
Sans mon coach, j'aurais certainement terminé deuxième. Les Championnats de France présentent tellement d'enjeu que 50% du peloton perd ses moyens. A force de faire et refaire la course dans sa tête la veille, on prend le départ avec des jambes toutes molles.

« EN 2002, J'ETAIS SEUL »

Et si tu disputais de nouveau les Championnats en 2014 ?
Il faudrait déjà que je sois sélectionné par le Comité Pays de la Loire ! Mais je n'y pense même pas aujourd'hui. J'y ai participé deux fois chez les amateurs et j'ai gagné deux fois. Si je suis engagé cette année, ce sera difficile de maintenir la même réussite ! (rires)

Sur tes deux succès, le premier t'a été retiré en 2002 pour un contrôle positif aux corticoïdes – tu as invoqué pour ta défense un médicament contre les allergies. Comment as-tu surmonté cet incident de parcours ?
Je sortais de ma campagne... Je n'avais même pas de carnet de santé, le médicament m'avait été prescrit par mon médecin de famille et nous avions oublié de le signaler. Ma suspension était injuste. J'ai eu l'impression d'être traité comme si j'avais pris de l'EPO. Quand je voyais des tricheurs qui passaient à travers les contrôles... De toute façon, ceux qui veulent vraiment tricher ne se font pas prendre et ce sont les petits qui trinquent.

Tu t'es retrouvé isolé ?
J'étais seul, presque totalement seul. Mon club de l'époque ne m'a pas soutenu. Dans le peloton, certains coureurs ne me disaient plus bonjour. Et plus tard ce sont eux qui ont été au centre d'une enquête... Heureusement, j'avais le soutien de ma femme. Marc Madiot et le médecin de La Française des Jeux savaient que j'étais honnête. C'est ainsi que j'ai signé un contrat avec l'équipe en 2004, après une saison chez Barloworld.

Ta victoire aux Championnats de France 2011, c'était donc une libération ?
Oui. Enfin, ce maillot tricolore était à moi... (voir la réaction à chaud sur DirectVelo.com)

« J'AI AVANCE GRACE A MON ENVIE »

Vous vous êtes reparlé avec Samuel Plouhinec depuis cette arrivée ?
Deux ou trois fois seulement. Sur ces Championnats, nous étions deux coéquipiers, deux coureurs de caractère et nous nous sommes disputé la victoire au terme d'une échappée à deux. J'avais le titre en tête, je ne pouvais pas ne pas gagner. Samuel m'en a voulu. Mais c'est le sport...

Sur le site de FB' Mental-Performance, tu as repris la devise de Jackson Brown, un auteur américain : "Face à la roche, le ruisseau l'emporte toujours, non pas par la force mais par la persévérance." Cette citation définit bien ta carrière ?
Je n'ai jamais été un coureur surpuissant. J'ai avancé grâce à mon envie. J'étais du genre à foncer même sur des courses d'un niveau peut-être trop élevé pour moi. Sur mon premier Tour de France, j'ai vaincu la peur et je me suis échappé sur la première étape. J'ai également été élu plus combatif sur la dernière, après avoir bouclé un tour seul en tête sur les Champs-Elysées. Tout cela à la force du mental.

Voir le site de la société de Freddy Bichot : freddybichot.wix.com/mental-performance

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com
 

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Freddy BICHOT