La Grande Interview : Nicolas Vogondy

"Tout s'est passé très vite", pour Nicolas Vogondy, 17 années de carrière chez les pros et trois titres de Champion de France. En panne de résultat, il était sur le point de pendre son vélo au clou quand il s'est laissé tenter par une dernière expérience avec le Team Immo Pro Nicolas Roux, nouveau venu en Division nationale 1. A 36 ans, le voilà parti pour une dernière saison de compétition, ou plus exactement demi-saison. Objectifs classiques pour un ex-pro : briguer des résultats et servir de capitaine de route à ses jeunes coéquipiers. Mais, paradoxalement, Nicolas Vogondy va découvrir le cyclisme amateur et en particulier la Coupe de France DN1, lui qui était passé professionnel si tôt, à 19 ans. "Il faut accepter de laisser la place aux jeunes", admet-il. Gare pourtant à ses dernières échappées et à ses talents de finisseur dans des courses souvent propices au mouvement.  

DirectVélo : Pourquoi as-tu décidé de continuer la compétition une année supplémentaire chez les amateurs ?
Nicolas Vogondy : Je pensais vraiment arrêter ma carrière fin 2013 mais Jean-Philippe Duracka (directeur sportif du Team Pro Immo Nicolas Roux et beau-père de Nicolas Vogondy, NDLR) a su me convaincre de repartir pour une nouvelle saison. J’aurais refusé à coup sûr pour n’importe quelle autre équipe amateur mais là, Jean-Philippe m’a lancé un défi. Il voulait me voir aider les jeunes de l’équipe dans un moment crucial pour le groupe avec la montée en DN1. J’ai longtemps réfléchi mais je me suis dit que l’expérience pourrait être sympa ! Et puis j’habite près du siège du club, à Montluçon. Je suis certain que l’on fera du bon boulot cette année.

« C'EST PLUS UNE HISTOIRE DE COEUR »

Tu as toujours la même motivation, après 17 saisons passées chez les pros ?
J’avais toujours dit que je ne courrai jamais chez les amateurs mais là, c’est plus une histoire de cœur (sourires) ! Je veux avant tout me faire plaisir sur le vélo car quoi qu’il arrive, ce sera ma dernière saison. En profitant de conditions météo plus que convenables, je sors d’un bon entraînement hivernal. J’aborde cette nouvelle saison de manière très sérieuse. Mon objectif, c’est d’apporter des résultats à l’équipe. Pas pour faire parler de moi, encore moins pour faire le show ou le pantin sur les courses.

Outre des performances, tu dois apporter de l’expérience...
Oui, mais il ne faut pas croire que je vais arriver dans cette équipe tel le Messie. Les jeunes savent presque autant de choses que moi. Je serai là pour les épauler dans les moments clefs. J’essaierai de leur apprendre la science de la course. Pour le reste, je pars curieusement dans l’inconnu malgré mon âge avancé (rires).

Il faut dire que tu n’avais disputé qu’une saison chez les amateurs avant de passer professionnel...
Je suis passé pro très tôt à la Française des Jeux, en 1997. Je n’avais pas encore 20 ans. Du coup je ne connais pratiquement pas le monde amateur. Je n’en garde qu’un vague et court souvenir. Cela parait fou à dire mais je vais quasiment découvrir le cyclisme amateur à 37 ans, après 17 années chez les professionnels ! Je serai rapidement dans le bain puisque je compte avoir un programme chargé sur la première partie de saison. Je n’ai pas signé pour faire deux ou trois promenades !

Où pourra-t-on te voir courir ?
Je veux être de la partie sur tous les grands rendez-vous, à commencer par les deux premières manches de la Coupe de France DN1 que sont le Grand Prix Souvenir Jean-Masse et le Prix de la Ville de Buxerolles. Jusqu’à présent, je n’ai jamais disputé de manche de Coupe de France amateur dans ma carrière... Je devrais aussi disputer la Boucle de l’Artois et le Circuit des Ardennes. Sans oublier évidemment le Tour du Loir-et-Cher, une course à domicile (il est originaire de Blois, NDLR). Là-bas, j’ai envie de jouer la gagne.

Est-il vrai que tu arrêteras ta carrière après cette épreuve, le 20 avril ?
C’est en effet une possibilité mais j’envisage aussi d’aller jusqu’au Championnat de France si tout se passe au mieux durant les premiers mois de compétition. La seule chose que je peux affirmer dès aujourd’hui, c’est que je ne serai plus coureur cycliste après juillet prochain. J’aurai d’autres projets et je ne pourrai plus continuer de m’entraîner sérieusement. Ce sera alors le moment de définitivement tourner la page.

« J'ENVISAGE DE DEVENIR DIRECTEUR SPORTIF »

De quel genre de projet s’agit-il ?
Je vais travailler avec ASO (Amaury Sport Organisation) cette année. Si tout va bien, je devrais commencer sur le Critérium International et enchaîner avec le Tour de Picardie. Je pourrais aussi piloter une voiture d’invités lors du Tour de France. Je connais bien les personnes qui travaillent chez ASO et ce sont des gens que j’apprécie. Pourquoi ne pas envisager quelque chose sur le long terme avec eux ? J’envisage aussi de devenir directeur sportif en 2015 au sein du Team Pro Immo Nicolas Roux, ou même dans une autre formation amateur. C’est dans cette optique que je m’apprête à passer mon Brevet d’Etat. Dans tous les cas, je veux vraiment continuer à travailler dans le monde du cyclisme.

Ta saison 2013 avec Accent Jobs-Wanty aura donc été ta dernière chez les pros...
Oui malheureusement. Finalement, j’ai passé seize ans dans différentes équipes françaises et j’ai attendu ma dernière année professionnelle pour porter le maillot d’une équipe étrangère. Je n’ai pas obtenu les résultats que j’espérais en 2013 mais je ne suis pas déçu de cette expérience. C’était nouveau, différent et enrichissant...

Espérais-tu prolonger une saison de plus parmi l’Elite ?
Oui, je me voyais continuer jusqu’à 38 voire 39 ans ! Je ne dis pas que j’aurais eu les meilleurs jambes de ma vie, mais je pense que j’aurais encore pu apporter pas mal de choses dans un groupe, ne serait-ce que mon vécu. Malheureusement, il faut accepter de laisser la place aux jeunes. J’ai fait le tour d’un grand nombre d’équipes en France durant ma carrière. Pour 2014, on ne voulait visiblement plus de moi mais je n’en veux pas aux managers. Je suis déçu mais pas fâché. A vrai dire, je ne me faisais pas trop d’illusions après une année 2013 sans grands résultats.

« CES 17 SAISONS SONT PASSEES A UNE VITESSE FOLLE »

En 2010, tu réalisais la plus grosse saison de ta carrière et trois ans plus tard te voilà chez les amateurs. Est-ce vraiment une simple question d’âge ?
Non, il n’y a pas que ce facteur. Chez les pros, je n’étais ni le meilleur au sprint ni le plus fort en montagne et donc j’ai dû être opportuniste, partir dans les coups, ce qui m’a souvent réussi (au minimum une victoire par saison entre 2002 et 2010, NDLR). C’est vrai que 2010 restera ma plus grosse saison au haut niveau, avec le titre de Champion de France contre-la-montre et une étape du Critérium du Dauphiné devant les favoris, à Risoul. A cette époque-là, je me sentais super bien avec Bbox Bouygues Télécom. J’avais 33 ans et j’étais en pleine force de l’âge. J’étais vraiment au top ! Depuis, les choses ont bien changé et j’ai eu beaucoup moins de réussite...

Alors comment expliques-tu que tu n’aies jamais retrouvé ce coup de pédale de 2010 ?
En réalité, mon début de saison 2011 avec Cofidis partait sur les mêmes bases que mon année 2010. J’avais de très bonnes jambes en début de saison et j’étais allé chercher quelques Top 10. Mais j’ai contracté une mononucléose sur le Tour de Turquie, qui m’a fait perdre un an et demi. Par la suite, je n’ai jamais pu retrouver mon meilleur niveau. Tout s’est passé très vite... Mais je ne veux pas avoir quelconque regret. Ma carrière a été longue, j’ai gagné des courses, j’ai essayé de marquer un peu mon passage chez les pros (une vingtaine de succès au total, NDLR). Je me rappelle de chacune de mes victoires comme-ci c’était hier. Je me revois encore chercher mon premier bouquet sur le Tour de Normandie en 1997. Sincèrement, je pourrais raconter les derniers kilomètres dans les moindres détails ou presque ! Ce sont ces souvenirs-là que je veux garder. Les histoires de mononucléose en Turquie ou de saison décevante en Belgique, je ne veux pas en faire des tonnes.

Le Tour de Normandie 1997, cela semble être d’un autre temps...
(Rires) Pourtant ces 17 saisons sont passées à une vitesse folle ! Je me souviens des mots de Marc Madiot lorsque je suis arrivé à la Française des Jeux en 1997. Il m’a dit de profiter de chaque instant et que ma carrière allait passer très vite. A ce moment-là, ça ne signifiait pas grand-chose pour moi mais aujourd’hui je me rends compte qu’il avait raison. Je pourrai dire la même chose aux jeunes coureurs désormais. Il faut vraiment profiter de chaque instant sur le vélo. On n’a pas conscience que les années de cyclisme sont très brèves, mais c’est pourtant une réalité.

Les six prochains mois devraient donc eux aussi passer très vite ?
C’est bien possible ! Et c’est la raison pour laquelle je vais profiter un maximum de cette période. Porter le maillot du Team Pro Immo Nicolas Roux sera un vrai bonheur et je vais faire le maximum pour aller gagner des courses dès que j’en aurai l’occasion. Ou faire gagner mes coéquipiers. J’ai la motivation pour y arriver…

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com
 

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