La Grande Interview : Frédéric Brun

Il a failli craquer en 2011, laisser tomber le cyclisme et s’installer en Australie avec sa grande sœur. Deux ans plus tard, Frédéric Brun (Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme) va passer pro sous les couleurs de BigMat-Auber 93. "L’année ou jamais", convient le coureur de 25 ans. Il espère continuer à cultiver ses qualités d’attaquant, comme sur le Grand Prix de la Somme 2013, quand il s’est fait reprendre à quatre kilomètres de l’arrivée. Il était alors stagiaire chez AG2R La Mondiale et s’est fait repérer avec ce tempérament actif - "on progresse énormément en allant sans arrêt dans les échappées", estime-t-il. Le Haut-Savoyard se confie à DirectVélo tout juste rentré de vacances, en Australie bien sûr.

DirectVélo : Tu t’apprêtes à passer professionnel avec BigMat-Auber 93. Considères-tu ce mouvement comme une suite logique après des saisons riches en victoires chez les amateurs ?
Frédéric Brun : Voilà déjà quelques temps que je fais des saisons pleines. A 25 ans, je pense que je suis arrivé à maturité sur un plan psychologique. Il vaut mieux arriver chez les pros en se sentant bien dans sa tête. Je sais où je vais, ce qui n’aurait peut-être pas été aussi vrai quelques années plus tôt. Cependant, il devient très compliqué de passer professionnel quand on a 26 ou 27 ans... Donc, c’était peut-être le meilleur moment pour signer.

« LE STAGE AVEC AG2R LA MONDIALE A FAIT LA DIFFERENCE »

Ton stage avec AG2R La Mondiale cet été a-t-il été un élément déclencheur à ton passage chez les pros ?
Oui. C’est ce qui a fait la différence même si j’avais déjà fait une grosse première partie de saison avec Bourg-en-Bresse Ain Cyclisme. Pour preuve, le manager de BigMat-Auber 93, Stéphane Javalet, est venu me voir une première fois sur le Tour du Limousin alors que j’étais stagiaire pour AG2R La Mondiale. Il avait aimé mon tempérament offensif et il voulait en savoir un peu plus sur moi. Tout s’est accéléré suite au Tour du Doubs et surtout au Grand Prix de la Somme où j’ai passé une grande partie de la journée aux avant-postes (repris à quatre kilomètres de l’arrivée et finalement 11e, NDLR).

Les dirigeants de BigMat-Auber 93 ont donc apprécié ton attitude d’attaquant...
J’ai toujours aimé me montrer offensif, et ce depuis tout petit. Quand j’étais Cadet, on se foutait de moi car j’attaquais vraiment des dizaines de fois. Je faisais n’importe quoi. Je me retrouvais souvent complètement cramé à mi-course. Le pire c’est que je ne comprenais même pas la situation : j’étais cramé non pas parce que j’étais mauvais mais parce que j’en faisais trop. Quand j’y repense, je me dis que j’étais vraiment con (rires) ! Heureusement que je me suis calmé depuis ! J’ai beaucoup travaillé pour apprendre à courir de manière plus juste. C’est un travail à accomplir sur soi-même pour se canaliser. Mais j’ai malgré tout gardé ce côté attaquant. Selon moi, on progresse énormément en allant sans arrêt dans les échappées. On fait plus d’efforts qu’en se contentant de rester dans le peloton pendant 200 bornes.

Au-delà de tes échappées, que retiendras-tu de ce stage avec les professionnels ?
J’ai curieusement retrouvé la façon de courir des amateurs sur les manches de Coupe de France ou sur le Tour du Limousin. Ça flinguait de partout et sans cesse ! Les autres courses étaient quand même plus classiques avec la formation d’une échappée dès les premiers kilomètres. J’ai emmagasiné de l’expérience. J’étais surmotivé. Ma grosse chute sur le Rhône-Alpes Isère Tour (fracture des deux clavicules, NDLR) aura finalement été un mal pour un bien puisque la coupure qui a suivi m’a permis d’arriver sur les dernières courses de la saison avec de la fraîcheur.

« J'AI ENCORE UNE MARGE DE PROGRESSION »

Penses-tu avoir encore une marge de progression physique ?
Oui, j’en suis même persuadé. Arriver chez les pros, c’est un peu l’inconnu, mais je sais que j’ai le niveau et que je progresse un peu plus chaque saison. J’ai senti que j’évoluais encore physiquement lors de mon stage avec AG2R La Mondiale et ça me donne confiance pour l’année prochaine. Je sais également que les courses professionnelles vont davantage me convenir que les courses amateurs, compte-tenu que j’apprécie les longues distances, au-delà des 200 kilomètres. A l’entraînement il m’arrive souvent de faire des sorties de six ou sept heures. Je suis conscient d’avoir un bon moteur. Reste à l’exploiter à bon escient.

Tu n’excelles dans aucun domaine type sprint, montagne ou contre-la-montre. Est-ce un problème pour aller chercher des résultats chez les pros ?
Je ne pense pas. Les attaquants peuvent être récompensés sur certaines courses. De toute façon il faut aussi être réaliste : lorsque l’équipe sera invitée sur des courses importantes, mes équipiers et moi-même serons là pour montrer le maillot. Si ça peut payer de se glisser dans un coup loin de l’arrivée, tant mieux. Sinon ce sera pour la fois suivante ! Quoi qu’il en soit, j’espère faire souvent parler de moi à travers mes longues échappées. C’est quand même ce qui me caractérise le mieux (rires).

Quand as-tu réellement pris conscience que tu avais les jambes pour passer professionnel ?
N’importe quel coureur Elite rêve de passer un jour ou l’autre. Pour y arriver il n’y a pas de secrets : il faut gagner des courses ! J’ai toujours su gagner mais c’est en 2012 que je me suis mis à remporter des courses qui comptent au calendrier amateur. Là, j’ai commencé à me dire qu’il y aurait peut-être moyen de passer pro à force d’abnégation. Cette saison je suis vraiment allé chercher des victoires importantes, sur la Vienne Classic ou Annemasse-Bellegarde entre autres (Frédéric Brun totalise cinq succès en 2013, qui incluent aussi Bourg-Arbent-Bourg, le Prix de la Plaine Tonique à Montrevel et une étape des 4 jours des As-en-Provence, NDLR). Avec ces résultats-là, c’était l’année ou jamais pour passer.

« J'AI FAILLI TOUT LACHER POUR PARTIR EN AUSTRALIE »

N’as-tu jamais douté de tes chances de réussir, même lorsque tu es parti en deuxième division, du côté de Charvieu-Chavagneux, en 2011 ?
A l’époque, je n’imaginais pas encore pouvoir passer pro car à ce moment-là je ne gagnais pas de grosses courses. Descendre en DN2 était plutôt logique. Je n’avais pas de plan de carrière. J’attendais simplement de voir comment j’évoluerais. Mais c’est vrai que j’ai connu une période de moins bien, au cours de laquelle le vélo n’était plus forcément la priorité absolue.

Tu as même été à deux doigts d’arrêter la compétition...
Oui. C’était en 2011, justement lorsque j’étais à Charvieu-Chavagneux. J’avais fait une grosse préparation hivernale et j’étais même parti en Espagne trois semaines pour m’entraîner dans les meilleures conditions possibles. Je me suis cramé. Du coup, je n’arrivais pas à marcher comme je le voulais pendant toute la première moitié de saison. Mentalement, je n’y étais plus pendant quelques semaines. J’ai débranché les câbles. Le pire, c’est qu’au même moment, ma sœur s’apprêtait à partir en Australie. Je me suis sérieusement remis en question. J’ai failli tout lâcher pour la suivre.

Qu’est-ce qui a fait pencher la balance ?
L’été est arrivé. J’ai commencé à avoir de meilleurs résultats, notamment sur les critériums. Je suis reparti de plus belle ! L’équipe de Bourg-en-Bresse était d’accord pour nous faire signer en 2012, mon petit frère Stéphane et moi. C’était la seule équipe d’accord pour nous engager tous les deux, une chose très importante à mes yeux. Si les dirigeants n’avaient pas pris mon frère, je n’aurais peut-être pas continué. Je suis persuadé que mon frère a des capacités physiques supérieures aux miennes. Mais il est peut-être moins solide mentalement. Ironie du sort, Stéphane a aujourd’hui rangé son vélo au garage alors que moi, je suis sur le point de passer professionnel grâce à lui.

Crédit Photo : Marine Grolier - www.marinegrolier.fr
 

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