La Grande Interview : Pierre Moncorgé

Uppsala, 1560 kilomètres au nord de Paris. C'est depuis cette ville proche de Stockholm, la capitale suédoise, que Pierre Moncorgé s'est entretenu avec DirectVelo.com. Le coureur du Team Vulco-VC Vaulx-en-Velin a changé de vie en septembre, pour sa copine, pour ses études, pour le cyclisme aussi. Il répète souvent qu'il a "de la chance" et c'est vrai qu'en 2014, il fera partie du club de la ville... qui accède pour la première fois au statut UCI Continental. "Il faut relativiser ! Ce n’est pas comme si j’avais signé pour Europcar ou Cofidis", nuance Moncorgé, 21 ans. En attendant, le Team Firefighters Upsala CK, mi-suédois et mi-américain, lui permettra de disputer un programme très international, une aubaine pour cet abonné des courses dans des pays lointains et inattendus, comme le Rwanda et l'Indonésie. En parallèle de sa carrière, Moncorgé poursuivra ses études en sciences politiques et, toujours à l'affût de nouvelles expériences, il espère faire un stage à l'ambassade de France en Suède.

DirectVélo : Cycliste ou étudiant ? Comment te définis-tu en premier lieu ?
Pierre Moncorgé : En réalité, j’aime beaucoup l’idée de ne pas avoir à choisir. Il n’a jamais été question de sacrifier mes études pour le cyclisme. Et vice-versa. J’aime faire les deux. Bon, ce n’est pas toujours très amusant d’arriver à l’Université le lundi matin à 8h au lendemain d’une compétition de 200 kilomètres. Mais j’ai besoin de varier, et de m’épanouir dans différents projets. Je tourne quand même à 80 jours de course par an en moyenne, notamment grâce aux longues courses par étapes exotiques que j’aime particulièrement. Il suffit simplement de bien s’organiser. Sur le vélo, j’ai toujours essayé de marcher en été. C’est une période qui me convient bien et, après les examens du mois de juin, je n’ai plus que le cyclisme en tête. La priorité que j’ai accordée aux études dans les premiers mois de l’année me donne une certaine fraîcheur physique, tandis que d’autres coureurs commencent à être cramés.

Mais tu vas monter d’un cran sur les deux tableaux en 2014 : cycliste professionnel pour une équipe Continentale et étudiant en Masters de Sciences Politiques en Suède. Comment vas-tu continuer à concilier ces deux vies ?
Le fait de suivre mes études par internet me permet d’étudier quand je le souhaite. Je suis confiant dans mes capacités de tout mener de front mais j’ai un Plan B pour le cas où je serais débordé : j’essaierai de valider mon Masters sur trois ans au lieu de deux. De toute façon, je n’ai jamais rêvé d’être coureur professionnel. Je n’ai pas envie de tout sacrifier pour le vélo, et encore moins quand je vois ce qu’il se passe en ce moment, avec les disparitions d’équipes et tous ces coureurs au chômage.

« JE NE SAUTE PAS D’ETAPES »

Tu n’as jamais rêvé de devenir professionnel, mais ce sera pourtant le cas en 2014, sous les couleurs du Team Firefighters Upsala CK ?

Il faut relativiser ! Je suis dans une équipe continentale suédoise, ce n’est pas comme si j’avais signé pour Europcar ou Cofidis. Je ne sais même pas si j’aurais le niveau pour courir dans ces équipes-là... En passant professionnel dans une formation continentale, je pense pouvoir franchir les échelons un à un, plus tranquillement que si j’arrivais directement dans une Conti Pro. Je ne saute pas d’étape, c’est plus prudent. L’an prochain, je ne vais jamais affronter les meilleurs coureurs du WorldTour mais essentiellement me concentrer sur des épreuves de classe 2. Je me suis déjà essayé à ce niveau, par exemple sur le Tour de Serbie l’an passé, et je n’étais pas à la rue. (3e d'une étape)

Cette saison, tu as montré que tu étais compétitif en terminant dans le Top 10 en Coupe de France. Que peux-tu espérer l’an prochain ?
Il ne devrait pas y avoir de gros fossé entre ce que j’ai pu connaître ces trois dernières années au Team Vulco-VC Vaulx-en-Velin et ce qui m’attends en Suède. Sur les plus grandes courses, je me contenterai d’apprendre le métier, de m’accrocher. Mais sur les épreuves de moindre importance, j’ai vraiment l’intention de faire des résultats. Comme je suis l’un des seuls coureurs de l’équipe à avoir une bonne pointe de vitesse, je devrais avoir ma carte à jouer. Mais avant tout, j’attends de connaître le niveau de chacun dans l’équipe afin de trouver ma place.

Lorsque tu t’es installé en Suède en septembre passé, s’agissait-il d’une décision scolaire, sportive ou d’un choix de vie ?
C’était un projet de longue date. Je voulais continuer mes études ici et vivre avec ma copine qui est suédoise. J’étais déjà venu la voir plusieurs fois dans son pays mais je voulais construire quelque chose de plus concret encore. Je n’avais pas prévu de trouver une équipe continentale ici, je pouvais me contenter d’une bonne équipe amateur.

« L’ARCTIC RACE OF NORWAY, UNE COURSE QUI ME FAIT REVER »

Au départ, tu étais en négociation avec une autre équipe continentale, le Team People4you-Unaas…
Oui, j’étais en contact avancé avec les dirigeants et j’ai ressenti de l’inquiétude quand ils ont mis la clef sous la porte. Par chance, le Team Firefighters Upsala CK a vu le jour et m’a donné sa confiance. Beaucoup de gars étaient candidats à une place dans cette équipe, notamment les coureurs du pays qui se retrouvent au chômage après l’arrêt de People4you-Unaas. Je me considère comme chanceux.

Comment décrirais-tu cette nouvelle équipe ?
C’est une formation suédo-américaine, basée en Suède à Uppsala dans la ville où je réside. Elle est le fruit d’une fusion entre l’équipe d’Uppsala et l’équipe continentale américaine Firefighters. Cette dernière fait la promotion des pompiers qui souffrent de maladies après l’exercice de leurs fonctions - c’est une sorte de fondation des pompiers. L’équipe comprendra en outre une section féminine. Nous devrions avoir un effectif de douze coureurs, essentiellement des Suédois et des Américains. Et moi au milieu ! (rires).

Si l’on en croit le calendrier de course, tu devrais voir du pays !
Oui ! J’aimerais beaucoup être au départ du Tour du Colorado et du Tour de l’Utah ou encore de l’Arctic Race of Norway, une course qui me fait rêver. Nous allons commencer notre saison aux Etats-Unis, en Californie plus précisément. On devrait y rester deux mois environ avec un stage puis les premières courses du calendrier américain. On reviendra en Europe en avril pour y disputer les courses UCI de l’Europe du Nord, que ce soit en Norvège, au Danemark, dans les Pays baltes ou bien encore en Irlande, en Estonie et peut-être même en Grande-Bretagne. En mai, nous aurons aussi la Scandinavian Race Uppsala, qui se disputera à la maison. Bref, je ne vais pas m’ennuyer ! J’adore voyager grâce au cyclisme et c’est ce que je vais faire tout au long de cette saison 2014. Alors, je ne peux rien demander de plus. J’ai conscience d’avoir beaucoup de chance…

« LES AUTRES CONTINENTS ONT BEAUCOUP A OFFRIR »

Tu es déjà connu pour ton côté baroudeur, d’un pays à l’autre…
Je suis parti au Rwanda, en Indonésie, en Serbie... Mon premier grand voyage, c’était le Tour de Nouvelle-Calédonie en 2011. Quelle expérience ! J’ai tellement aimé que j’y suis retourné une seconde fois. J’aime découvrir de nouvelles cultures et de nouvelles façons de courir. Si j’avais eu une proposition de Roubaix-Lille Métropole ou BigMat-Auber 93, j’aurais quand même signé en Suède. Selon moi, il n’y a pas grand-chose d’attrayant à suivre le même calendrier de courses pendant dix ans, que ce soit chez les pros ou chez les amateurs. J’ai du respect pour des gars comme Samuel Plouhinec ou Benoît Daeninck, mais je ne comprends pas comment ils font ! A leur place, j’en aurais vite eu marre.

En tant que coureur, tu te fais davantage plaisir sur les épreuves exotiques ?
Oui, parce qu’elles sont généralement longues et proposent parfois une dizaine d’étapes. Du coup, les groupes sont beaucoup plus soudés, il existe entre nous un véritable esprit d’équipe.

La concurrence sportive est-elle aussi solide qu’en France par exemple ?
C’est différent. Je tombe parfois sur de vrais talents. En Indonésie, j’ai été surpris par les sprinteurs malaisiens et taïwanais. Au Rwanda, ce sont les grimpeurs érythréens qui m’ont bluffé ! Je suis sûr que certains d’entre eux pourraient faire des ravages sur les courses françaises. Pourtant, le cyclisme reste très ethno-centré sur la vieille Europe et beaucoup de personnes restent persuadées que les autres continents ne valent rien. Je pense que les autres continents ont beaucoup de choses à offrir, même s’ils n’ont pas la même histoire du vélo. En Afrique et en Asie, j’ai vu des gens passionnés par le cyclisme. Il faut s’ouvrir à ces gens-là, il faut s’ouvrir au monde. En tout cas, j’y prends énormément de plaisir. Et quel meilleur moyen de le faire qu’à travers le cyclisme !

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com
 

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