La Grande Interview : Arnaud Jouffroy (partie 1)

"On m’a foutu aux oubliettes du jour au lendemain." Arnaud Jouffroy est très amer mais pas abattu. En cyclo-cross, il a longtemps plané sur le peloton, et décroché deux titres de Champion du Monde, en 2008 chez les Juniors face à Peter Sagan et en 2010 chez les Espoirs après le déclassement pour dopage des frères Szczepaniak. Sur route, il était supposé rejoindre Bouygues Télécom vers 2010. Or il n’est plus certain de rester dans le peloton professionnel en 2014, l’équipe belge Telenet-Fidea hésitant à le faire prolonger devant son manque de résultat. Afin de remonter la pente, Jouffroy, 23 ans, souhaite briller dimanche sur la première épreuve du Challenge National de cyclo-cross, en Lorraine, à Saint-Etienne-lès-Remiremont. Après plus d'un an d'absence dans les médias, il s'exprime pour la première fois sur DirectVelo.com.

DirectVelo : Telenet-Fidea a annoncé cet été qu’elle n’allait pas renouveler ton contrat pour 2014. Tu gardes pourtant l’espoir de prolonger. Pourquoi ?
Arnaud Jouffroy : Les dirigeants de l’équipe m’ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas me conserver. Mais j’ai discuté avec le patron et on s’est mis d’accord pour qu’il me laisse une nouvelle chance de montrer ce que je vaux. L’année 2013 n’a pas été facile pour moi mais je suis capable de faire bien mieux. Les dirigeants feront un nouveau point avec moi fin décembre. S’ils jugent mes performances satisfaisantes, ils me proposeront un nouveau contrat. Sinon, je serai dans l’obligation de me trouver une nouvelle équipe.

Que ce soit en cyclo-cross ou sur la route, à quel niveau souhaites-tu courir ?
Aujourd’hui, je suis coureur dans une formation belge Continentale. J’aimerai viser une équipe de la même catégorie. Chez les professionnels, donc. Maintenant, j’essaie de ne pas trop y penser, pour ne pas me mettre de pression supplémentaire. Je sais que ma situation est délicate, d’autant qu’il n’y aura pas de places pour tout le monde dans les équipes. C’est encore plus dur que les autres années.

« JE DOIS PROUVER QUE J’AI ENCORE UN TRES BON NIVEAU »

Serais-tu prêt à aller dans un club amateur en France ?
C’est un vrai dilemme. Je préférerais éviter de quitter le monde professionnel parce que j’ai le moteur pour y rester. En plus, si je redescends, je n’aurai pas la garantie de pouvoir retrouver un contrat pro un jour. Mais que faire ? Je pense qu’une belle place sur une manche de Coupe du Monde de cyclo-cross a plus de valeur qu’une victoire en Coupe de France DN1. Le problème, c’est que les médias français vont plus parler de l’épreuve française que de la manche de Coupe du Monde en Belgique.

Voilà qui te met beaucoup de pression pour les prochaines semaines, et notamment pour la première manche du Challenge National de cyclo-cross ce week-end ?
C’est peut-être la course la plus importante de ma carrière jusqu’à présent. Les trois manches du Challenge National et plus encore le Championnat de France de cyclo-cross seront mes plus gros rendez-vous de la saison, ceux où j’ai le plus besoin de marcher. Je dois prouver aux équipes françaises et à Telenet-Fidea que je suis encore coureur cycliste et que j’ai un très bon niveau. Si j’avais déjà un contrat pour 2014, je n’accorderais pas autant d’importance à ces manches du Challenge National. Mais là…

Ton équipe ne préférerait-elle pas que tu brilles surtout en Belgique ?
Si, bien sûr. Tous les grands cyclo-cross sont télévisés là-bas. En Belgique, le but est simplement de passer à la télé pour les sponsors. On m’a pris dans l’équipe dans cette optique-là. Que je marche au Challenge National, ils s’en moquent pas mal. Mais bon, personnellement j’ai besoin de me rassurer et de me montrer en France. C’est ce que j’ai expliqué aux dirigeants. Ils l’ont compris. Tant que je marche aussi en Belgique, ça leur est égal. Si j’arrive à me distinguer sur les cyclo-cross français, je me présenterai sur les épreuves belges avec plus de confiance et donc avec de plus grandes chances d’obtenir des résultats.

« LES DIRIGEANTS D’EQUIPES FRANCAISES M’ONT ZAPPE »

Te sens-tu capable de gagner cette première manche du Challenge ?
Je n’arrive pas en favori mais j’espère au moins jouer le podium. Francis Mourey est un coup de pédale au-dessus des autres depuis un moment et, quand je vois la saison qu’il vient de faire sur la route, je me dis qu’il va être quasi imprenable. Derrière lui, personne ne me semble plus fort que moi à la pédale. Je n’aurai pas à rougir face à mes adversaires. Je serai face à des copains, des coureurs que je connais très bien pour la plupart d’entre eux.

Et puis tu as pu te rassurer récemment sur différents cyclo-cross, notamment à Yanqing, en Chine, le 17 septembre…
Je ne savais même pas qu’il y avait un nouveau cyclo-cross là-bas, c’est l’équipe qui m’en a informé. Je pensais qu’on allait courir contre des Chinois, mais en fait pas du tout (rires). Il n’y en avait que deux-trois. Il y avait un très bon niveau et un très beau parcours. Malgré de nombreux problèmes durant ma course, j’ai pu aller chercher la deuxième place (derrière son coéquipier Thijs Al, NDLR). Récemment, j’ai gagné à Orange et à Château-Arnoux (les 30 septembre et 6 octobre, NDLR). Certes, ce ne sont pas des cyclo-cross de gros niveau, mais c’est toujours plaisant de s’imposer. De toute façon, le niveau général en France est quand même inférieur à celui que je peux connaître en Belgique, sans manquer de respect à qui que ce soit. C’est aussi pour cela que je pense avoir toutes mes chances sur le Challenge National. Je me sens super bien en ce moment, alors ça me ferait vraiment chier de me prendre un tir dimanche.

Aujourd’hui, tu te sens oublié des médias et du public ?
On m’a foutu aux oubliettes du jour au lendemain. Parfois, certaines personnes sont même surprises de me voir en course, et donc d’apprendre que je fais encore du cyclisme. C’est très vexant. Même les dirigeants d’équipes françaises m’ont zappé. Plus personne ne s’intéresse à moi. Je ne saurai pas dire quand est-ce qu’un média français m’a contacté pour la dernière fois. C’était il y a au moins un an, peut-être même deux ans ! Je dois bien avoué avoir été très surpris lorsque vous m’avez contacté. Je n’aurais jamais imaginé vivre ce genre de mésaventures après mes deux titres de Champion du Monde. Comme quoi dans le vélo, tout va très vite.

Lire la suite de notre entretien vendredi matin : Il y sera question du niveau du cyclo-cross en Belgique et de l’époque à laquelle Arnaud Jouffroy courait sur route face aux Thibaut Pinot et Peter Sagan (à lire ici)

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com

 

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