Pommier : « L'Algérie avance, la France va dans le mur ! »

"Le niveau a dramatiquement baissé en France depuis quatre ans." Jean-Michel Pommier, le Président de Tours Agglo 37 Cyclisme, dresse un constat sévère du système de formation français. Du coup, il s'est tourné vers l'Algérie cet hiver. Il a remplacé son équipe de DN3 par un groupe à qui il offre des stages d'entraînement et des compétitions en France, composé d'Algériens Juniors et Espoirs (membres de l'équipe Continentale Olympique Team Algérie Tour Aglo37). Il confie les valeurs de son projet à www.directvelo.com.

DirectVélo : Comment avez-vous eu l'idée de transformer un club de DN3 en Equipe Continentale enregistrée en Algérie ?
Jean-Michel Pommier : Nous cherchions un nouvel élan. Le système traditionnel des clubs DN ne nous intéressait plus, alors nous avons décidé de fermer notre équipe DN3 fin 2011 et de remonter notre équipe première en coopération avec un pays étranger. Nous avons pu concrétiser ce projet fin 2012, quand Michel Thèze (ancien entraîneur à la Fédération Française de Cyclisme et au Centre Mondial du Cyclisme, NDLR) m'a mis en relation avec la Fédération Algérienne de Cyclisme. Je retrouve dans le travail avec les jeunes coureurs algériens ce qui m'a toujours plu dans le vélo.

Qu'est-ce qui ne vous satisfaisait plus dans le "système traditionnel" en France ?
La FFC ne met plus assez de moyens pour faire progresser les jeunes. On le voit notamment avec les conditions très limites dans lesquelles travaillent les Equipes de France. De toute façon, on ne fait même plus émerger de grands talents. La faute en revient à l'organisation des DN. Par exemple, elles sont très mal réparties sur le territoire. Dans le comité de l'Orléanais, il y en avait six encore récemment, et aujourd'hui il n'y a plus que le Guidon Chalettois. [Le VS Chartrain et l'UC Orléans sont également labellisés, NDLR]. Un jeune peut faire 500 à 1000 km de voiture pour pouvoir courir chaque week-end. Pas étonnant qu'ils soient nombreux à arrêter leur saison dès le mois de juin ! Ensuite, il faudrait s'inspirer de sports comme le rugby, dans lesquels les grands clubs paient une dette aux petits clubs qui ont formé leurs athlètes... Mais, au lieu d'aider les DN à améliorer leur fonctionnement, la FFC les décourage. Il est temps d'ouvrir les yeux : le niveau a dramatiquement baissé en France depuis quatre ans.

Pourtant, les Français brillent au niveau international chez les Juniors ou les Espoirs...
Des victoires comme celle d'Arnaud Démare au Championnat du Monde (en 2011, NDLR) sont l'arbre qui cache la forêt. Les jeunes qui marchent aujourd'hui ont été formés à une époque où le système était très endommagé mais pouvait encore travailler. Le vrai problème surviendra dans cinq ou six ans. On se rendra compte des dégâts quand les jeunes Français n'auront plus les mêmes résultats au niveau international.

« CREER UN ECHANGE CULTUREL ENTRE LA FRANCE ET L'ALGERIE »

Quelle différence faites-vous entre votre DN3, qui comptait jadis Médéric Clain, pour leader et votre équipe de Juniors et d'Espoirs algériens ?
Je ne perds plus mon temps et mon énergie avec la FFC : à la place, je coopère avec la Fédération algérienne et son Président Rachid Fezouine, un homme énergique qui a tout compris au vélo. Quand la France va dans le mur, on a l'Algérie qui avance. Ce pays sait se donner les moyens autour d'objectifs ambitieux comme les Jeux Olympiques de 2016 et 2020. Mais, au-delà de nos interlocuteurs qui ont changé, ma méthode reste la même. Et elle marche : pendant quatre ans, notre équipe DN figurait dans le classement des meilleurs clubs alors que nous avions peu de moyens.

A quoi attribuez-vous votre réussite, passée ou présente ?
Nous nous investissons énormément et nous ne cherchons pas la gloire. Comme le cyclisme m'a beaucoup apporté, je m'attache à lui rendre beaucoup. A l'époque de la DN, nous avions décidé de ne pas prendre de coureur habitant à plus de 100 kilomètres du siège, afin de respecter sa récupération et de faire un travail local de qualité. Aujourd'hui, nous appliquons les mêmes recettes aux Algériens.

Vous avez l'impression de vivre une belle aventure ?
Oui. Nous aidons l'Algérie à relancer son cyclisme, qui était très performant avant de connaître ses "années noires". Nos valeurs de formation et de partage prennent un nouveau sens, un sens fort, dans la coopération avec un autre pays. Nos partenaires institutionnels soutiennent totalement notre projet, parce que ce n'est pas seulement du sport : il s'agit de créer un échange culturel entre la France et l'Algérie.

Crédit Photo : Pauline Baumer - www.directvelo.com
 

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