La Grande Interview : Clément Chevrier

Clairement, Clément Chevrier est aujourd’hui le meilleur grimpeur du peloton amateur. Fin août, il sera leader de l’Equipe de France sur le Tour de l’Avenir, l’un de ses objectifs. Jusqu’à présent, le coureur de Chambéry CF, 21 ans, ne s’est pas loupé sur les courses à étapes montagneuses : 2e du Tour des Pays de Savoie, 3e du Tour du Val d'Aoste, 10e de la Ronde de l’Isard... Il a aussi fini 16e du Tour de l’Ain récemment, au milieu des pros. Comme une évidence, Clément Chevrier espère signer un contrat pour 2014. Puisqu’AG2R La Mondiale lui a fermé la porte, le voilà en quête d’un autre employeur. Il se confie à www.directvelo.com.

DirectVélo : Avec quel sentiment as-tu achevé le Tour de l'Ain mardi ?
Clément Chevrier : Je suis vraiment content, même si la dernière étape ne s'est pas déroulée comme prévu. Sans parler de rentrer dans le Top 10, j'aurai bien aimé garder ma place de 12e. Mais ça s'est joué à la pédale. Je saute du groupe Pinot à un kilomètre et demi du sommet du Grand Colombier. Dommage, il ne m'a pas manqué grand chose.

Tu as reçu beaucoup d’encouragements ?
Je me suis laissé emporter par l'euphorie après la première étape de montagne. J'ai passé un peu trop de temps sur les réseaux sociaux... Je n'ai pas spécialement trouvé le sommeil, j'étais "énervé". Ce sentiment joue sur la récupération du lendemain. Romain (Bardet) m'avait prévenu. Il a connu cette situation pendant le Tour de France, à un niveau bien supérieur, bien évidemment.

« ROMAIN BARDET EST UN MODELE DE REUSSITE »

Romain Bardet, c'est ton modèle ?
Avant tout, il est l'un de mes meilleurs amis. On est proche sur le vélo et en-dehors. On a couru un an ensemble au Chambéry CF. Maintenant, on part en vacances ensemble. Ce dimanche, on va par exemple aller à Val d'Isère (Savoie). Je vais préparer tranquillement le Tour de l'Avenir, et lui la fin de saison. Pour moi, Romain est un modèle de réussite. Je m'inspire forcément de lui. Les études, la manière dont il gère sa carrière, le rapport avec la famille... On a les mêmes valeurs. Il a beaucoup de recul sur les choses.

Il t’apporte des conseils ?
Oui, parce qu’il est passé par les mêmes courses que moi. Il m’a aidé sur le Tour de l'Ain également. Les coureurs d'AG2R La Mondiale m'ont invité à boire le champagne avec eux le dernier jour. Hubert (Dupont) a sorti en rigolant : "On trinque à notre 7e homme". Ça m'a vraiment fait plaisir.

Maintenant, la priorité est de les rejoindre chez les pros ?
L'objectif premier reste le Tour de l'Avenir mais oui, j'ai envie d'être pro en 2014. Même si c'est un grand mot, j'ai vu que j'avais le niveau pour aller batailler sur un Tour de l’Ain. On pouvait penser que je n'avais pas la caisse pour tenir chez les pros après quatre ou cinq jours de course. Certains en doutaient mais j'ai démontré le contraire. Aujourd’hui, j'essaie de ne pas me prendre la tête car AG2R La Mondiale a été assez clair avec moi.

C’est-à-dire ?
Les dirigeants ne sont pas vraiment intéressés par mon profil. Ils m'ont gentiment invité à trouver une autre équipe.

AG2R La Mondiale a annoncé le transfert d’un autre Espoir, Alexis Gougeard (lire ici). Qu’en penses-tu ?
Je l'aurais eu mauvaise si AG2R La Mondiale avait engagé un autre grimpeur. On n'est pas dans le même registre. Alexis a ses qualités, c'est un super coureur. AG2R a orienté son recrutement 2014 sur les hommes de classiques ou les rouleurs.

En tant que coureur de la réserve Chambéry CF, tu pensais avoir une priorité d’accès à AG2R ?
Je défends les mêmes couleurs et valeurs qu'AG2R La Mondiale depuis trois ans. J'ai participé à des stages avec les pros. Je suis proche de nombreuses personnes de l'équipe, surtout du staff. On a envie d'aller chez eux quand on débarque à Chambéry. Au moment où on se sent prêt, ça fait un peu mal d'entendre qu’on n’est pas pris. Mais les dirigeants ont été réglos avec moi. Ils ne m'ont rien fait espérer. Je ne suis pas en mauvais terme avec eux. Et la porte n'est pas fermée pour les prochaines années.

« ETRE LEADER, UN STATUT QUE J'AIME BIEN »

Parlons maintenant de ton objectif qui débute dans dix jours. Le Tour de l’Avenir, tu pars pour le gagner ?
Le gagner ? C'est peut-être un peu prétentieux. J’y vais pour faire du mieux possible, être le mieux placé au classement général. Je vise les étapes de montagne. Et j’ai envie de me battre avec les autres grimpeurs. Cette saison, j’ai bataillé avec les Colombiens, avec Davide Formolo qui termine 2e du Tour du Val d'Aoste et qui sera le leader de l'Italie. Si je peux aller chercher la gagne, ça serait énorme.

Tu es prêt à endosser un rôle de chef de file dans l’Equipe de France ?
C'est un statut que j'aime bien. Je l’ai assumé avec le Chambéry CF sur les courses de montagne à partir du Tour des Pays de Savoie. J'ai été protégé ensuite sur le Tour du Val d'Aoste. C'était déjà le cas l'an dernier au Tour de Cuneo. Avec l'Equipe de France, j'avais un peu de mal à être leader, au début. C'est bizarre d'aller demander à Pierre-Henri Lecuisinier, qui a été Champion du Monde, d'aller chercher des bidons. Les coureurs sont vraiment aux petits soins avec moi. On a pris des automatismes. On forme une bonne bande de copains. Chacun a envie d'aider l'autre.

Oubliés, tes soucis de santé de l’hiver, quand tu avais un indice de masse corporelle trop bas ?
Oui, on a bien travaillé avec le staff médical de Chambéry. A partir de Liège-Bastogne-Liège, mon comportement et mes sensations m'ont mis en confiance (lire ici). Peu de gens l'ont vu car il n'y avait pas de résultat au bout, mais je sais ce que j'ai réalisé dans le final de Liège. Puis les épreuves de montagne sont arrivées et on a bien bossé avec Loïc Varnet (le manager de Chambéry CF, NDLR). J'ai fait un stage en altitude, j'ai reconnu les étapes du Tour des Pays de Savoie. Je me suis donné les moyens de réussir.

Toi le Picard, comment es-tu devenu grimpeur ?
Depuis petit, je suis toujours parti en vacances à la montagne. C’est à Bourg-Saint-Maurice (Savoie) que j’ai appris à marcher et à faire du vélo. J'ai toujours été inspiré par les grimpeurs. En Picardie, à chaque fois qu'il y avait une bosse sur le circuit, je m'en tirais très bien vu mon gabarit. En Junior, la course qui me faisait rêver était la Classique des Alpes. Je me préparais pour ça. Par la suite, je me suis orienté vers Chambéry pour progresser en montagne et pouvoir disputer des courses par étapes difficiles. Mon arrivée en Savoie, fin 2010, a accéléré ma progression. J’ai adopté la culture de la montagne.

Crédit Photo : Thomas Maheux - Thomas Maheux Photographie
 

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