La Grande Interview : Julien Mazet

D’Astana au CRC Limousin, en passant par BigMat-Auber 93, Julien Mazet a connu tous les échelons du cyclisme national et mondial. A 32 ans, il s’apprête peut-être à disputer les dernières épreuves de sa carrière. Pour www.directvelo.com, Julien Mazet a accepté de revenir sur ses années professionnelles, sans oublier de parler de sa situation actuelle, et de ses projets futurs.

DirectVélo : Comment se passe cette saison 2013 sous les couleurs du CRC Limousin ?
Julien Mazet : Le début d’année a été un peu poussif. J’ai toujours du mal à m’entrainer correctement l’hiver, peut-être plus encore cette fois-ci avec les conditions météorologiques très compliquées que l’on a connu jusqu’au printemps. Quand il fait froid ou qu’il pleut, mes muscles répondent très mal. J’ai besoin de pas mal de jours de compétition pour me mettre en route, et la forme revient petit à petit depuis le mois d’avril. Je fais de mon mieux.

« BEAUCOUP MOINS DE SACRIFICES ET DE KILOMETRES »

Tu as été professionnel de 2005 à 2010. Es-tu nostalgique de ces années-là ?
Pas du tout. J’avais vraiment atteint mes limites chez les pros. J’ai vu jusqu’où je pouvais aller. J’ai fait le tour de la question. Le plus important, lorsque l’on est coureur cycliste, c’est de se sentir progresser. A la fin, je n’avais plus ce sentiment. Je commençais même à saturer. J’étais lassé des longs déplacements notamment. Contrairement à d’autres coureurs, je n’ai pas accusé le coup en retombant dans les rangs amateurs, puisque je n’avais pas l’intention de repasser professionnel. Aujourd’hui, je continue de faire du vélo parce que j’y trouve encore un certain plaisir. En World Tour ou en DN3, ça fait toujours aussi mal aux jambes (rires). Depuis que je ne suis plus professionnel, je fais beaucoup moins de sacrifices, et moins de kilomètres. Avec Astana ou même Auber 93, je faisais beaucoup plus attention à mon alimentation ou à la récupération.

Quels souvenirs garderas-tu de tes années chez les pros ?
Mes différentes participations à la Route du Sud, une course qui me tenait à cœur. C’était l’une des seules épreuves du calendrier dans le sud-ouest, près de la maison. En plus, c’est une épreuve dont le profil me convenait très bien. C’était toujours un grand plaisir de pouvoir y participer. De manière plus générale, je pense avoir tout connu chez les pros, de la petite structure familiale, avec BigMat-Auber 93, au top niveau mondial chez Astana. Travailler pour de grands leaders, puis les voir remporter le classement général des épreuves les plus prestigieuses du calendrier, apporte toujours une satisfaction. Même si ça n’a pas la même saveur qu’une victoire personnelle.  

« PASSER DE 25 000 KM A ZERO, CA DOIT ÊTRE UN CHOC »

As-tu des regrets quant au déroulement de ta carrière ?
Pas vraiment. J’ai toujours fait les choses au maximum, et j’ai été le plus sérieux possible dans mon entrainement. Si je devais avoir un regret, ce serait peut-être sur le déroulement du Tour de l’Avenir 2006 (5e du général, NDLR). Je pense que j’avais les moyens de faire encore bien mieux. Plus généralement, je reste un peu frustré par mon calendrier durant mes saisons passées avec BigMat-Auber 93. Je n’ai pas eu énormément d’occasions de m’exprimer. Maintenant, il est vrai que le calendrier de l’équipe n’offrait pas les mêmes possibilités que celui d’Astana.  

As-tu envisagé d’arrêter le cyclisme fin 2010, avant de retourner chez les amateurs ?
Non, je ne voulais pas arrêter d’un coup. Quand on passe de 25 000 kilomètres par an à 0, ça doit être un choc (rires). Je voulais éviter cela. Surtout que j’avais déjà vu des coureurs arrêter d’un coup, et finalement reprendre la compétition quatre ou cinq and plus tard. Je me suis dit que ce n’était sans doute pas la bonne solution. L’idée de continuer sur la lancée de mes saisons pros, tout en roulant de moins en moins, m’a semblé être le meilleur choix.

Qu’est-ce qui te motive encore à courir aujourd’hui, trois ans après ton retour dans le monde amateur ?
J’aime le fait d’avoir un programme assez libre. J’ai l’occasion de découvrir de nouvelles courses, et de disputer plusieurs épreuves près de chez moi. J’ai beaucoup de libertés. Avec le CRC Limousin, je ne ressens aucune pression, même si je me sens concerné par les résultats de toute l’équipe. Les dirigeants du club sont dévoués et disponibles, alors j’essaye simplement de leur rendre la pareille. En course, je discute souvent avec de jeunes coureurs qui viennent me questionner sur différents sujets. Certains me demandent de leur parler de mes années professionnelles chez Astana par exemple. C’est toujours un plaisir de pouvoir donner des conseils.  

« DIFFERENT DES EMOTIONS QUE J'AI PU RESSENTIR CHEZ LES PROS »

Tu n’es pas là que pour donner des conseils, puisque tu viens de remporter le Grand Prix d’Oradour-sur-Vayres, une épreuve Toutes Catégories. Après de nombreuses années au plus haut niveau, que représente un succès comme celui-ci ?
Lever les bras, c’est toujours un grand plaisir. Quand on fait du vélo et que l’on est devant, que l’on joue la gagne, il y a une certaine adrénaline. Evidemment, c’est différent des émotions que j’ai pu ressentir chez les professionnels, mais ça reste très plaisant. D’autant que je ne gagne pas si souvent (rires). J’ai remporté cette épreuve Toutes Catégories et le Championnat du Limousin contre-la-montre en 2013. Il faut dire que je n’ai pas une superbe pointe de vitesse, et sur les courses amateurs, il n’y a pas de courses en circuit avec de grands cols. Il est donc difficile de concrétiser, alors je profite de chaque succès, et y attache toujours une certaine importance. Maintenant, je ne mets pas toutes les chances de mon côté non plus, car je m’entraine beaucoup moins qu’auparavant. Je n’aime pas ça.

Arrives-tu toujours à vivre du cyclisme ?
Disons que j’ai d’autres activités que le cyclisme, notamment durant l’automne et l’hiver. Je pars à la cueillette des châtaignes, et je coupe du bois. Durant cette période, je ne touche pas trop au vélo. Du coup, les deux activités peuvent être complémentaires. De toute façon, ma femme travaille aussi à côté, alors on arrive à vivre correctement (rires).

« C'EST SANS DOUTE MA DERNIERE SAISON »

Combien d’années te vois-tu encore continuer comme cela ?
Justement, c’est sans doute ma dernière saison sur le vélo. Je ne suis encore certain de rien, mais il y a de grandes chances pour que je passe définitivement à autre chose cet hiver. Nous avons un projet agricole avec ma femme, un projet de longue date du reste, pour lequel je voudrais m’investir à 100%, ce qui serait pour le moins délicat en continuant de courir. Si pour je ne sais quelle raison je n’arrête pas cet hiver, ce ne sera que partie remise l’année suivante.  

Tu t’apprêtes donc peut-être à disputer tes dernières compétitions, ce qui est forcément particulier…
Je suis préparé à arrêter ma carrière. Je n’aurai pas subi ma fin de carrière, c’est le plus important à mes yeux. Parfois, certains coureurs sont poussés vers la sortie. Le fait de choisir quand est-ce que l’on arrête est complètement différent selon moi. La dernière course sera sans doute particulière, émotionnellement parlant, mais pour le moment je ne veux pas y penser. Je ne suis pas triste d’arrêter. C’est simplement une page de ma vie qui se tourne. Ce sera la fin d’une aventure, et le début d’une autre.  

Crédit Photo : Guy Dagot - www.sudgironde-cyclisme.net
 

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