Barbas : « J’étais serein et détendu dans la montagne »

Le secret d'un exploit sur le Tour des Pays de Savoie ? Un état d'esprit « beaucoup moins stressé » du haut de ses 25 ans, et les leçons tirées de ces « erreurs » jadis à travers cols, quand Yoann Barbas était souvent bien placé mais jamais gagnant. DirectVelo.com s'est entretenu avec le seul pur grimpeur d'un collectif Armée de Terre façonné pour le sprint et les bordures, un Pyrénéen encore éberlué d'avoir fait trembler les cols des Alpes.
 
DirectVelo : A quoi as-tu pensé dans la dernière ligne droite de la Toussuire, peu avant de franchir la ligne et de remporter le Tour des Pays de Savoie ?
Yoann Barbas : J'ai tiré mon énergie de savoir ma famille sur le parcours, ma copine dans la voiture de l'équipe juste derrière moi et mes amis en Ariège scotchés sur leur ordinateur, dans l'attente du résultat final. Je ne fais pas du vélo pour faire plaisir à des gens mais, quand tu fais un effort aussi long et durable qu'une ascension de col, tes proches peuvent devenir un moteur. J'ai pensé à tous ceux qui s'étaient investis pour que je puisse réussir, mon équipe comprise. Pour le reste, je n’ai pas pensé à la victoire jusqu’à la flamme rouge. Je devais rester très concentré.
 
Etait-ce à cause de ton incident mécanique survenu au pied du col ?
J'ai perdu au maximum trente secondes avec mon problème de chaîne. De même, j'étais assez confiant dans le fait que ma course était bien calquée sur l'homme de tête, Clément Chevrier. Je savais que j'avais 40 à 50 secondes d'avance sur lui au classement général et que je pouvais les conserver. Comme dans un chrono, je montais juste au seuil, pas davantage. Mais un accident était si vite arrivé : il y avait des gravillons sur la route et j'avais peur de crever. Il a fallu attendre que je franchisse la ligne pour exploser de joie complètement... Une sensation que je n'avais jamais connue auparavant dans ma vie de coureur.
 
« Beaucoup moins stressé que l’an passé »
 

Qu'est-ce qui t'a manqué pour éprouver ces émotions par le passé ? Qu'est-ce qui sépare ton succès cette année de ta 7e place sur l'épreuve en 2009 ou de la 3e en 2012 ?

Aujourd’hui, j'arrive détendu et serein sur mes objectifs, c’est-à-dire dans la montagne. Dans l'équipe, nous avons des anciens comme Julien Gonnet ou Yann Guyot qui nous apportent de l'expérience, un leader comme Benoît Sinner qui me transmet sa capacité à positiver en toute circonstance, et nous avons même un masseur qui nous initie à la sophrologie. Quand j'ai pris la deuxième place du classement général au soir de la deuxième étape, j'étais beaucoup moins stressé que l'an passé dans la même configuration. Je gagne en maturité sur le plan physique et mental. [Il sourit.] En fait, je crois que je prends de l'âge !
 
Mais chez les Espoirs, tu étais dans la même tranche d'âge que tes concurrents et là aussi tu n'arrivais pas à faire le pas décisif vers la victoire. Que t'a-t-il manqué pour gagner des étapes sur le Tour des Pays de Savoie ou le général final de la Ronde de l'Isard dont tu fus 2e et 4e ?
Avec le recul, je sais que j'ai commis des erreurs. L'année où je finis 4e de la Ronde de l'Isard, je perds la course sur un faux plat montant parce que je descends discuter à la voiture de mon directeur sportif, juste avant une descente. Pas de chance : c'est là que Yannick Eijssen place son attaque et il s'envole vers la victoire. A l'époque, je découvrais le haut niveau avec Albi VS, grâce à un grand coureur comme Blel Kadri et un directeur sportif comme Didier Jannel. Par la suite, au Chambéry CF, je me suis frotté à une super structure amateur et à un calendrier de compétitions international. Aujourd'hui, avec l'Armée de Terre, je me bonifie au contact des coureurs qui ont de la bouteille. Toutes ces expériences m'ont servi sur le Tour des Pays de Savoie 2013. Et cette fois, je ne crois pas avoir commis d'erreur.
 
« Sinner gagne aux Boucles de la Mayenne : il fallait que j’assure ! »
 

Tu apportes au club sa première victoire en catégorie 2.2...

L'an passé, le club était déjà comblé quand j'avais fini 2e de l'étape au Plateau de Solaison. Mais cette année, c'est exceptionnel, surtout pour une structure qui a seulement trois saisons d'existence à ce niveau. Tous les soirs, nous avions des nouvelles des gars qui participaient aux Boucles de la Mayenne, une autre course 2.2. On se motivait les uns les autres par téléphone. Et comme Benoît Sinner a gagné une étape devant quelques « messieurs » du sprint, il fallait que j'assure de mon côté !
 
L'Armée de Terre n'a pourtant pas la réputation d'être une équipe de grimpeurs ?
C'est vrai. Nous avons de très bons éléments dans le registre puncheur et sprinter, et moi-même, je fais régulièrement des courses à bordures. Mais j'ai été recruté pour apporter des résultats dans la montagne. L'équipe voulait me donner ma chance sur ce terrain et elle le fait. Comme l'an passé, je suis parti dix jours en stage au-dessus du Col de la Croix Fry, avec mes coéquipiers Yann Guyot, Romain Le Roux et Benoît Sinner, qui préparait le Championnat de France.
 
Et comment se sont comportés tes camarades en course ?
Des gars qui passaient bien les bosses, comme Guillaume De Gasquet, m'ont bien encouragé. Le dernier jour, l'équipe a roulé pour défendre mon maillot de leader, sans quoi j'aurais été attaqué de toutes parts. Dans la montagne, c'était à moi de me débrouiller.
 
« Pas du genre à trop regarder en arrière »
 

Tu as battu les coureurs du Chambéry CF dans leur région. Quelles relations as-tu conservé avec ton club de 2010 à 2011 ?

A cette époque, je me suis fait des amis et j'ai découvert un coin de France qui me plaît énormément. Tout le monde s'investissait dans l'encadrement. L'effectif a certes été renouvelé mais je m'entends toujours très bien avec un coureur comme Clément Chevrier, par exemple. Vincent Lavenu a suivi la dernière étape et il m'a brièvement félicité. C'était sympa. Chambéry m'a fourni un apprentissage et, comme je n'obtenais pas de contrat pro, je suis parti à l'Armée de Terre qui m'apporte tout ce dont j'ai besoin aujourd'hui. Je ne suis pas du genre à trop regarder en arrière.
 
Est-il encore possible que tu passes professionnel ?
Je n'ai pas la réponse à cette question. Les équipes préfèrent engager un coureur de 20 ans car elles font de l'investissement à plus long terme, et elles veulent des gars qui gagnent le plus souvent possible. Or, quand on sait que 70% des courses se jouent au sprint... Aujourd'hui, je me fais plaisir dans mon club et celui-ci me donne tous les moyens de réussir. Je ne me pose pas d'autre question.
 
Tu vas trouver le temps long d'ici le Tour des Pays de Savoie 2014 !
C'est en effet la seule épreuve de haute montagne que je peux disputer dans la saison. Mais je serais heureux d'aider l'équipe ou de jouer ma carte sur des courses difficiles comme le Tour du Pays roannais, le Tour de Dordogne, le Tour du Piémont Pyrénéen, le Tour Alsace... Et puis, j'irai emmener des sprints pour mes camarades. Le paradoxe avec les courses à bordures, c'est qu’à la longue, ça me plaît !

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com
 

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