Cazaux : « La situation avec Euskaltel est scandaleuse »

Après deux saisons passées chez Euskaltel-Euskadi, Pierre Cazaux a été invité mi-octobre à faire ses valises. Très apprécié dans l'équipe, il lui manquait visiblement des points UCI pour qualifier son équipe au World Tour. Le coureur basque, 28 ans, est contraint de retourner chez les amateurs du GSC Blagnac en 2013. Blessé, mais pas abattu, il se confie à www.directvelo.com.

DirectVélo: Tu t’apprêtes à retourner chez les amateurs avec le GSC Blagnac. Comment le vis-tu ?
Pierre Cazaux : Dans un premier temps, comme je ne parvenais pas à retrouver un contrat chez les pros, je pensais vraiment arrêter. Je m’étais toujours promis de ne jamais retourner chez les amateurs quoi qu’il arrive. Finalement, Damien Branaa, qui est un vrai ami et qui vient lui aussi de quitter les pros [l'équipe Burgos BH-Castilla y Leon, NDLR], m’a convaincu de faire une année au GSC Blagnac avec lui. Je suis encore jeune. Alors pourquoi ne pas tenter une saison ?

« J'ai appris mon éviction par la presse »

Comment vas-tu aborder une saison amateur alors que tu as passé cinq ans chez les pros ?
C’est un peu l’inconnu. Je ne m’attends pas à tout exploser. Loin de là. Je sais que ça roule vite. Beaucoup de choses ont changé depuis que j'ai quitté les rangs amateurs, les courses sont par exemple devenues beaucoup plus décousues. Comme je suis un diesel, ça ne va pas toujours être évident. Je vais prendre le vélo au jour le jour. Et avant tout, je vais essayer de retrouver du plaisir.

A quel moment as-tu compris que tu allais te retrouver chez les amateurs ?
Très tard. J’ai souvent essayé d’appeler Alvaro Gonzalez De Galdeano [le manager de l'équipe Euskaltel-Euskadi, NDLR], il n’a jamais répondu à un seul de mes coups de fil. Puis un jour j’ai appris qu’Amets Txurruka et Ivan Velasco n’allaient pas poursuivre l’aventure avec nous. On a tous été très surpris de cette nouvelle. J’ai trouvé cela déjà énorme mais je n’ai pas envisagé une seule seconde qu’on allait me faire le même coup. Tout s’était tellement bien passé avec l’équipe que je n’avais pas à m’inquiéter. Finalement, j’ai appris, mi-octobre, que je n’étais pas conservé. Nouvelle que j’ai apprise... par la presse ! Je n’ai jamais eu d’explication.

« Les décisions des dirigeants sont limites »

Est-ce que ton départ s'explique par ton absence de points UCI, nécessaires pour qu'Euskaltel se maintienne dans le World Tour ?
Certainement. Les leaders et les dirigeants de l'équipe ont toujours été contents de mon travail, c'est pour ça que mon éviction est rageante. J'ai trouvé gratifiant d'être aligné sur le Tour d’Italie puis encore sur le Tour d'Espagne en 2011, dans une équipe espagnole, et avec Igor Anton qui visait la victoire finale. Mais, c'est vrai, je n'avais sans doute pas marqué assez de points UCI. Seuls les leaders en marquent, pas les équipiers qui font le travail pendant 150 kilomètres. Pourquoi donc ? Le système est à revoir.

Que veux-tu dire ?
Certains coureurs recrutés par Euskaltel en 2013, qui sont des inconnus, possèdent autant de points qu’un gars comme Mikel Nieve. Est-ce normal ? Nieve a terminé 10e de la Vuelta l’an passé, 10e du Giro et 5e du Tour de Suisse cette année. Et il n'a pas plus de points qu’un mec qui va gagner des petites courses en Asie... Si je me retrouvais à la rue pour des gars qui ont vraiment le niveau, je ne dirais rien. Mais là, la situation est scandaleuse. Pour autant, je ne jette pas la pierre à ces coureurs : après tout, ils ne font que profiter du système et ils auraient tort de s’en priver. En revanche, les différents choix des dirigeants de l'équipe sont plus que limites. J’espère que les prises de décisions de l’équipe Euskaltel vont faire bouger le système en général.

« Il valait mieux descendre en Continental Pro »

Avec ces transferts, l’équipe a également perdu son identité basque...
C’est encore pire que de régresser sur le plan sportif. Honnêtement, en tant que Basque, cela fait vraiment mal au cœur de voir ça. Tous les coureurs de l’équipe partagent ce sentiment, comme les supporters. Euskaltel-Euskadi a perdu son âme, c’est certain.

Aurais-tu préféré voir l’équipe descendre en Continental Pro pour conserver son identité ?
Oui, sans hésiter. De toute façon, nous aurions quand même été invités sur beaucoup de courses World Tour. Il valait mieux descendre en Continental Pro et conserver notre identité.

Que retiendras-tu de tes deux saisons passées sous le maillot d'Euskaltel ?
De très bons souvenirs. Tout s’est toujours parfaitement bien passé, avec tout le monde. Les coureurs ne sont pas de simples équipiers mais de vrais amis. Et je m’en suis rendu compte bien plus encore au moment de cette période délicate pour moi. Ils m’ont tous appelé pour me faire part de leur tristesse et de leur soutien.

« Courir en Asie ou en Afrique, la seule solution »

Parlons maintenant de l’avenir. Tu as désormais 28 ans. Espères-tu retrouver ta place dans le peloton professionnel ?
Je ne veux pas encore penser à 2014. J’ai pris un gros coup sur la tête avec cette histoire. Désormais, je veux reconstruire quelque chose étape par étape. Je peux très bien continuer le vélo, rebondir chez les pros, ou bien tout arrêter en fin d’année prochaine. Je sais que la question des points UCI va encore me compliquer la tâche. Il vaudrait mieux que j'en possède quelques-uns pour convaincre une équipe de m'embaucher. Mais comment en marquer avec le GSC Blagnac ? On en revient toujours au même problème.

Tu sembles prisonnier du système des points. N’y a-t-il vraiment aucune solution pour s’en sortir ?
Si, il y en a une. Il faudrait être prêt à tout lâcher, partir un an dans une équipe asiatique ou africaine et puis marquer un maximum de points pour revenir comme une fleur l’année suivante chez les pros en Europe. Sauf que je n’ai plus 20 ans. Aujourd’hui j’ai une maison, une famille. Je ne peux pas me permettre ce genre d’aventure.

Tu es quand même motivé pour ton défi l'an prochain ?
Bien sûr. Je ne vais pas arriver sur les courses amateurs pour bâcher après 50 kilomètres. D’ailleurs je l’ai bien dit aux dirigeants du GSC Blagnac : J’ai une fierté et j’ai à cœur de montrer à tout le monde ce que je peux faire. Je ne suis pas abattu. Et on me verra à la bagarre l’an prochain.

Retrouvez en cliquant ici la fiche wiki de Pierre Cazaux.

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com

 

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