Arthur Nicolas : « La question était déjà de savoir si j’allais pouvoir remarcher »

Crédit photo Michaël Gilson - DirectVelo

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Arthur Nicolas revient de loin, de très loin. Tombé lourdement lors de l’édition 2021 de la Flèche de Locminé, le Breton poursuit sa reconstruction. “Je m’étais fracturé trois côtes, j’étais touché aux vertèbres, un poumon perforé, j’étais vraiment dans un sale état”. Trois ans plus tard, il est de retour sur la plus haute marche du podium lors du Grand Prix de Sablé-sur-Sarthe (voir classement), disputé justement le même week-end que la Flèche de Locminé, qui aurait pu le mettre dans un fauteuil roulant. “Je ne voulais pas aller à Locminé. Je ne suis jamais retourné sur cette course depuis. C’est pour ça que je suis allé à Sablé. Je n’y allais pas forcément pour gagner car en début de saison je ne suis pas forcément au top.”

« QUAND J’AI PASSÉ LA LIGNE, J’AI RÉALISÉ QUE ÇA FAISAIT TROIS ANS, QUASIMENT JOUR POUR JOUR »

L’occasion était parfaite pour continuer à prendre des repères pour cette saison qu’il effectue dans sa nouvelle formation, Cre'Actuel-Marie-Morin-U 22. “J’étais tout seul. Il fallait que je compte mes cartouches”. Arthur Nicolas se voulait “méfiant car il y avait quand même un peu de niveau. On est sorti avec David Boutville, Florian Rapiteau et Erwan Besnier, plutôt des hommes forts. Derrière, le peloton est rentré assez vite mais j’ai tout de suite contré. On s’est retrouvé à une douzaine à l’avant avec tous les clubs représentés sauf Dinan”. L’échappée n’a pas pu compter beaucoup d’avance car plusieurs coureurs voulaient se joindre à la fête. “J’avais vraiment peur que ça commence à se faire la guerre de loin et qu’étant seul je me retrouve à aller chercher à droite et à gauche”. Les échappés ont finalement compris qu’ils allaient se jouer la victoire. “Ça a commencé à s’attaquer dans le dernier tour, et j’ai vu que les équipes surreprésentées n’arrivaient pas à s’organiser. Ils me laissaient pas mal boucher les trous”.

Seul face à plusieurs coureurs de la même formation, Arthur Nicolas ne voulait pas arriver au sprint. “Je savais que j’étais battu donc à 7 km de l’arrivée j’ai essayé, j’ai mis tout ce que j’avais. J’ai tout donné sans me retourner et j’ai pu savourer un peu dans le final”. Trois ans après sa chute, il lève les bras pour la première fois. “Pouvoir gagner en 1ère caté avec ce maillot représente beaucoup, et encore plus pour un Breton. C’est une vraie fierté”. Une victoire chargée en émotion. “Quand j’ai passé la ligne, j’ai réalisé que ça faisait trois ans, quasiment jour pour jour. C’était très fort”. Quand on lui demande s’il pensait pouvoir conserver un bon niveau amateur après son accident, le Rennais est clair. “Pas du tout !”. D'ailleurs, ce n’était pas forcément sa principale préoccupation. “Quelques jours après, la question était déjà de savoir si j’allais pouvoir remarcher. On en était là. J’ai une petite fille qui avait 8 mois à l’époque, on me disait que je n’allais pas pouvoir la porter dans mes bras avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois”.

« IL Y A DE MOINS EN MOINS DE PASSIONNÉS DANS LE PELOTON »

Cet accident l’a obligé à porter un corset, avant d’entrevoir une lueur d’espoir. “J’ai eu la chance dans mon malheur de trouver un chirurgien qui a bien voulu m'opérer un mois et demi après la chute. Ça m'a changé la vie. Il m’a mis du ciment dans les vertèbres, il m’a complètement retapé”. Remis sur pied, Arthur Nicolas commence sa reconstruction avec l’objectif de refaire du sport. “Quand j'en parlais aux médecins, ils me prenaient pour un fou. Pour eux, il fallait déjà être content d’être là, de ne pas être paralysé et le sport était vraiment très secondaire.” Il avait pourtant réussi à retrouver la compétition durant l’été 2021. “J’avais réussi à recourir mais la recherche de performance était secondaire. Quand j’ai repris le vélo, je n’avais pas l’objectif de gagner des courses, ni de refaire des saisons complètes”. C’est finalement grâce à une saison justement complète, l’an passé, avec quinze Top 20, qu’il a rejoint la N1.

Pour Arthur Nicolas, “c’est une belle récompense. Je retrouve des anciens coéquipiers et des copains. J'étais déjà en contact l’année dernière avec Erwan Cornillet, le DS, avec qui je m’entends bien. Je leur avais proposé mes services, sans me prendre la tête, mais plutôt pour accompagner l’équipe jeune. Je voulais être un relais entre le staff et les coureurs en disant que s’ils avaient besoin de moi, s’ils étaient en sous effectif, j’étais disponible pour courir et que quand il n’y avait pas besoin, j’irais dans mon coin comme je l’ai fait ce week-end”. Pour lui plus que pour quiconque, l’important est de transmettre la passion du vélo. “Il y a de moins en moins de passionnés dans le peloton aujourd’hui. Moi c’est vraiment ça qui m’anime. Je suis content d’aller m’entrainer quand il fait beau, quand il pleut.. Dans l’équipe, on est six ou sept à habiter à Rennes donc on s'entraîne ensemble la semaine. Je fais ce sport parce que j’aime ça”.

« JE M’INTERDIS DE DISPUTER LES SPRINTS MASSIFS »

Arthur Nicolas avait besoin de revenir dans les rangs amateurs pour retrouver cette flamme qui l’animait autrefois. “Ça me permet de me sentir encore jeune à 31 ans. Aujourd'hui on fait partie des vieux, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Ce qui m'anime, c’est l’adrénaline du haut niveau”. Quand bien même la crainte continue de l'habiter. “En 2022, j’ai recommencé à faire des résultats mais psychologiquement c’était compliqué. Je suis moins serein à l’idée de frotter, de prendre des risques, surtout aujourd’hui avec un peloton plus jeune, de moins en moins respectueux. J’ai frôlé la correctionnelle et je trouve que quelle que soit la place en jeu, ça ne vaut pas le coup de se mettre par terre”. Mais il est sur la bonne voie. “Il y a eu 18 mois compliqués, cette année on va dire que ça va mieux. Chaque chute me rappelle quand même à l’ordre, mais je prends toujours tout avec du recul. J’ai repris le vélo de compétition, pas pour gagner des courses, juste pour me reconstruire et me redonner un objectif. Je fais toujours de la rééducation, et j’ai encore des séquelles de cette chute-là”.

Le Breton assume cette peur des pelotons. “Je n’ai pas envie qu'elle disparaisse. Je n'y pense pas tout le temps mais aujourd’hui le peloton est dangereux, certains n’ont pas peur et surtout n’ont pas conscience du danger. Moi je veux garder en tête que ça peut dégénérer, que c’est un sport qui est dangereux”. Pour éviter tout scénario risqué, il préfère aller de l’avant comme à Sablé-sur-Sarthe, ou sacrifier un emballage final. ”Je m’interdis de disputer les sprints massifs. Même si ça tombe assez rarement, je ne veux pas être là le jour où ça arrive. Peut-être qu’avant j'y serais allé, mais là non”. Malgré tout, le vélo reste un vrai remède. “Je l’ai fait pour moi, c’est ce qui m’a sauvé dans ma reconstruction mentale et physique. Physiquement ça m’a remis d’aplomb. Puis dans la tête, je ne voulais pas rester un cycliste blessé dans mes souvenirs de jeunesse. Pour tourner la page, il fallait vraiment que je prenne le taureau par les cornes et que je me prouve que le destin n’est pas une fatalité dans ces moments-là”. Arthur Nicolas l’a déjà prouvé, et compte bien encore entretenir la flamme qui brûle pour le cyclisme.

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