Michel Callot : « Un décalage entre nos politiques et le monde associatif »

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin - DirectVelo

Vendredi dernier, le président de la Fédération française de cyclisme, Michel Callot, était présent à l’inauguration du vélodrome couvert de Loudéac. DirectVelo en a profité pour l’interroger sur le dossier Haute-Savoie 2027, les statistiques des licences, l’application de la réforme des N1. Dans cette seconde partie de l'entretien (voir la première partie ici), Michel Callot revient sur la commission d'enquête parlementaire et sur les défaillances de fonctionnement des fédérations sportives qui ont été mises sur la sellette par les députés pendant plus de trois mois.

DirectVelo : La FFC parle beaucoup de RSO (Responsabilité sociale des organisations), vous adhérez à la charte pour l'action climatique de l’UCI mais pour les Championnats de France de l’Avenir et Elite, il y avait encore cette année des départs excentrés qui engendrent des déplacements de voitures de toute la caravane pour arriver sur le circuit du Championnat, et pour, en cas d’incidents dans le fictif, donner le départ réel arrêté. N’y a-t-il pas une contradiction ?
Michel Callot : Le RSO, il faut le concevoir globalement. C’est d’abord un état d’esprit, c’est une volonté de réfléchir à nos actions en intégrant le développement durable et l’écologie. Il faut le faire raisonnablement avec la progressivité des mesures mais aussi de l’originalité. L’année dernière, nous avions initié sur des Championnats de France des groupes électrogènes qui fonctionnaient avec des énergies renouvelables. Il ne faut pas brider notre événementiel. Il faut continuer à vendre nos événements aux collectivités qui peuvent parfois avoir leurs exigences. Il faut aussi conserver une dynamique sportive à laquelle, pour le moment, on ne sait pas substituer autre chose, je pense aux voitures. Il y en a sans doute beaucoup trop dans un Championnat de France mais pour le moment, sportivement, on n’a pas su imaginer d’autres concepts, il faudra sans doute le faire à l’avenir. Je demande juste que la réflexion soit plus globale et progressive et qu’elle intègre petit à petit l’ensemble des détails qui font nos organisations. 

« JE N'IMAGINAIS PAS QUE CES CAS POUVAIENT EXISTER DANS NOTRE FÉDÉRATION »

L’Assemblée Nationale a mis sur pied une commission d’enquête sur les défaillances de fonctionnement des fédérations sportives. Ne regrettez-vous pas de ne pas avoir été invité ?
Aucun regret de ne pas avoir été invité ! Tout simplement parce que je trouve, pour avoir répondu à d’autres commissions d’enquêtes parlementaires, que la manière de mener cette commission n'était pas la bonne. On sent très bien une inquisition plutôt qu’une enquête. Qu’il y ait plein de choses à améliorer dans la gouvernance du monde fédéral, je suis tout à fait d’accord et il faut sans cesse trouver de meilleures solutions. Mais donner cette impression que tout l’engagement des bénévoles depuis la base jusqu’au sommet des fédérations est un système globalement pourri et à jeter à la poubelle, je ne suis pas prêt à l’entendre. Je reste un dirigeant convaincu que nos fédérations à travers tous nos échelons à partir des clubs ont un rôle social essentiel de cohésion dans notre pays. Si on met ce modèle par terre, j'ai des doutes sur la manière dont on fera du sport dans notre pays à l'avenir. Certainement, on fera du sport à travers des systèmes privés, extrêmement élitistes et qui vont exclure beaucoup de monde et je n’ai pas le sentiment que ce soit la manière de voir les choses du parti auquel appartient la rapportrice de cette commission. 

La fédération a ouvert une cellule d’écoute pour les victimes de violences, notamment sexuelles, depuis 2021. Avez-vous reçu beaucoup de témoignages ?
Pour une fédération comme la notre, malheureusement, nous avons des cas qui remontent parfois à très longtemps. Quand tout cela s’est mis en route, je n’imaginais pas que ces cas pouvaient exister dans notre fédération. C’est toujours très dur de le constater. Mais tous ceux dont nous avons connaissance sont traités avec la plus grande fermeté mais dans le respect du droit. Nous avons une procédure assez normée derrière l’alerte qu’on reçoit. Certains mécanismes sont corrélés au Ministère avec lequel on se parle régulièrement sur ces sujets. C’est assez délicat car il y a trois temps : le temps disciplinaire d’une fédération qui va assez vite, le temps administratif qui est du moyen terme et le temps judiciaire sur du long terme. Le problème c’est que la seule entité avec des moyens d’investigation, c’est le judiciaire. Et il faut que l’appareil fédéral travaille avant. C’est très complexe. 

« PARTISAN D'UNE AGENCE EXTÉRIEURE SUR LE MODÈLE DE L'AFLD »

Souhaitez-vous que le disciplinaire pour ces cas reste traité à l’intérieur des fédérations, ou à l’extérieur ?
Je suis partisan d’une agence extérieure sur le modèle de l’AFLD qu’on connaît bien à la FFC. Cette agence extérieure aurait des moyens d’investigations et permettrait de sortir de tout le risque d’influence (je ne parle pas de la FFC mais des fédérations en général), et ça soulagerait le service juridique des fédérations qui sont très occupées par ces sujets.

Vous encouragez la professionnalisation dans les clubs mais dans ces cas de violence, est-ce que ça n’augmente pas les risques de litige par rapport au droit du travail ?
Lorsque ces problèmes se posent dans le cas d’un salarié, il y a des enjeux RH et de droit du travail qui se posent. Pour avoir été malheureusement confronté à un cas au sein de la fédération, c’est presque plus simple quand il y a une faute de cette nature qui est caractérisée, vous trouvez un droit commun pour un licenciement plus facile que dans d’autres cas. Mais ça reste des situations extrêmement marginales. Même si les cas sont trop nombreux, ça reste des exceptions. Il y a plus à gagner qu’à perdre pour les clubs avec la professionnalisation.

Sur les nouveaux sites internet de la FFC, il n’y a pas un onglet clairement identifié pour signaler les violences… (voici le lien). 
On est en pleine reconstruction du site et on a bien compris la manière dont le Ministère souhaite que ça soit retranscrit et on va le traduire de façon plus perceptible sur notre site.

« J'AI PEUR QU'À FORCE DE SECOUER L’ÉDIFICE, ON LE FASSE TOMBER »

Marie-Georges Buffet - co-présidente de la commission visant à améliorer l'éthique et la gouvernance dans le mouvement sport - a déclaré devant la commission d'enquête de l'Assemblée : "nous gagnerons ce combat pour l'éthique s'il y a un renouvellement dans les postes de responsabilité du monde sportif. Je ne fais pas injure à ceux qui dirigent le monde sportif. Mais ils sont souvent en décalage avec les exigences sociales, éthiques de notre société”. Quelle est votre réaction ?
On a un décalage, même avec Marie-Georges Buffet que je respecte beaucoup et qui a été une excellente Ministre des Sports, entre nos politiques et la réalité du monde associatif. Nos dirigeants ont complètement occulté la difficulté de trouver demain des bénévoles qui s’investissent dans des fonctions à responsabilités.

Elle disait aussi qu’il fallait donner envie aux bénévoles de s’engager…
Pour leur donner envie, justement, il faut arrêter de les stigmatiser et de leur taper sur les doigts en permanence. Je ne sais pas où on va trouver des bonnes volontés pour s’engager dans des missions à responsabilité, des missions du quotidien, des présidents de clubs, des trésoriers, des secrétaires général de comité, je ne parle même pas des présidents.. Ce sont des missions qui prennent du temps et qui engagent une responsabilité importante, y compris pénale. Quand on nous parle de renouveau démocratique dans les fédérations, je ne demande qu’à y croire mais attention, je me rends compte de la difficulté de renouvellement dans notre fédération dans certains comités départementaux voire peut-être demain régionaux. On a déjà une loi qui n’est pas si facile à mettre en œuvre (lire ici). On verra ce que ça donnera l’année prochaine en invitant les clubs à participer à des scrutins nationaux. Ce n’est pas que l’élection mais aussi le vote du budget, tous les votes de la fédération, on verra comment les clubs s’y intéressent. J’ai peur qu’à force de secouer l’édifice, on le fasse tomber. Comme la nature a horreur du vide, j’ai peur qu'un modèle privé prenne la place des fédérations et que le sport soit réservé à une partie de la population qui aura les moyens de le payer alors que le monde fédéral offre un accès au sport assez unique dans le monde entier.

Alors ça veut dire que vous allez vous représenter ?
C’est encore un peu tôt pour le dire ! Mais j’en profite pour dire que nos statuts nous permettent de faire un troisième mandat. Ces statuts remontent à David Lappartient (2011, NDLR), certes je les avais votés mais ce n’est pas moi qui les avais écrits… C’est donc une possibilité.

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