Michel Callot : « La famille cycliste doit être solidaire »

Crédit photo Vélodrome de Bretagne

Crédit photo Vélodrome de Bretagne

Vendredi dernier, le président de la Fédération française de cyclisme, Michel Callot, était présent à l’inauguration du vélodrome couvert de Loudéac. DirectVelo en a profité pour l’interroger sur le dossier Haute-Savoie 2027, les statistiques des licences, l’application de la réforme des N1 et aussi sur la commission d’enquête parlementaire qui a agité le petit monde des fédérations sportives depuis le mois de juillet.
La première partie de l’entretien est à retrouver ci-dessous.

DirectVelo : Vous avez assisté à l'inauguration du vélodrome de Loudéac, est-ce un équipement utile pour la FFC ?
Michel Callot : Oui, c'est un superbe outil, c’est une immense satisfaction de le voir en activité. Ce sont des projets toujours très compliqués, où on a toujours peur du petit grain de sable qui l’empêche d’aller au bout. Celui-là, il est là, il est bien là. Il est dans une architecture sobre et très efficace, c’est un exemple pour le reste de la France. J’entends déjà des chiffres de fréquentation avec beaucoup de succès populaire, autant vers le grand public que vers les clubs. En Bretagne, au cœur d'une région tellement cycliste, cet outil va vivre énormément. C’est un atout supplémentaire pour la Bretagne mais plus largement c’est un outil de plus de cette dimension en France et on en a besoin sur tout le territoire français.

« NOUS REDOUTONS LA PHASE DE RECOURS »

Un autre projet de vélodrome en Haute-Savoie est prévu pour le Championnat du Monde 2027. Il y a eu le concours d’architecte, où en est le projet ?
Le concours d’architecte s’est terminé fin juillet. Nous sommes dans les étapes qui précèdent le dépôt du permis de construire. Les choses avancent normalement jusque-là mais compte tenu de l’agitation qui existe en Haute-Savoie, nous redoutons la phase de recours dans ces prochaines semaines ou ces prochains mois. Ce projet est piloté par la Haute-Savoie mais accompagné par les services de l'État pour enlever le plus possible d’aspérités politiques autour de ce projet. La famille cycliste doit être solidaire et ne doit pas hésiter à dire que nous avons besoin de ces vélodromes couverts en France et notamment en Haute-Savoie dans une région au sens large, depuis Auvergne-Rhône-Alpes, jusqu’au Grand Est et la Bourgogne-Franche-Comté, dépourvue de ces équipements.

Dans le projet de ce bâtiment, le cyclisme sur piste ne sera pas la seule activité de cet équipement, avec des spectacles. Se dirige-t-on vers un Bercy bis (la piste du Palais omnisports de Paris Bercy, inaugurée en février 1984 avec les 6 Jours de Paris, n’a jamais servi plus de 6 jours, puis trois jours par an, avant sa destruction) ?
On reste en Haute-Savoie, on n’est pas à Paris, il n’y aura pas de spectacles tous les soirs. La volonté cycliste du Conseil départemental est démontrée et il souhaite que le maximum de la population de Haute-Savoie puisse utiliser cette piste. Le tissu des clubs est important, c’est un des plus grands comités départementaux, avec beaucoup de compétitions. Dès qu’il sera là, comme ici à Loudéac, le vélodrome va vite vivre fortement sur son activité cycliste et on trouvera le moyen que les autres activités s’insèrent le mieux possible. 

« LE PREMIER ARGUMENT, C'EST L’UTILITÉ »

La députée de Haute-Savoie, Mme Duby-Muller, a demandé, lors de l’audition de David Lappartient devant la commission d’enquête parlementaire sur les défaillances de fonctionnement des fédérations sportives, pourquoi ne pas utiliser le vélodrome existant de Saint-Quentin-en-Yvelines ? Que lui répondez-vous ?
Deux choses. En tant que président de la FFC, je suis d’abord militant pour que nous ayons des équipements, notamment dans cette grande région qui en est dépourvue. Ce vélodrome, on en a besoin. On s’est longtemps battu, moi le premier d’abord en tant que président de comité pour Bourgoin-Jallieu et ensuite avec Christelle Reille pour les projets de Lyon et Saint-Etienne, sans jamais y arriver. Cette fois, il y aurait la possibilité d’obtenir enfin ce vélodrome dans cette belle et grande région. Le premier argument, c’est donc l’utilité. Et pour le Championnat du Monde 2027, il y a un sujet d’homogénéité. On l’a vu à Glasgow, plus les épreuves sont rapprochées, mieux ça marche pour la ferveur, et l'adhésion de la population. Ce serait beaucoup mieux que tout puisse se passer en Haute-Savoie pour le succès populaire autour de ce nouvel équipement.

Elle souhaitait aussi tenir les parlementaires informés, qu’est-ce qu’elle entend par là ?
Le problème de la gouvernance de ces projets, c’est comment avancer en tenant le maximum de personnes au courant sans trop rentrer dans les détails pour que ceux qui décident puissent manager le projet et aller assez vite. On a vu en Haute-Savoie une contestation très politicienne se lever en même temps que le projet de vélodrome. Je rappelle que Mme Duby-Muller était présente le 12 février 2022 quand nous avons porté la candidature pour le Championnat du Monde 2027 et qu’elle n’a pas manqué d’affirmer son soutien à cette candidature. N’oublions pas que c’était l’opposante de l’actuel président du Conseil départemental (Martial Saddier, NDLR), j’y vois quelques règlements de compte politiques mais qui ne sont pas très appuyés.

UNE BAISSE DE 2% DES LICENCIÉS

La rapporteuse de la commission d’enquête sur les fédérations sportives a aussi dit qu’un vélodrome n’était pas un équipement grand public. Faut-il changer l’image de ces vélodromes ? Par exemple, celui de Saint-Quentin-en-Yvelines ne fait-il pas trop fermé sur lui-même ?
L’ouverture vers le grand public se fait à travers les baptêmes piste, les scolaires. Mais une fois qu’on a mis une trentaine de personnes sur la piste, on ne peut pas en mettre plus, contrairement à un stade de foot, mais ça peut permettre à de nombreux enfants de découvrir l’activité cycliste en milieu urbain et en toute sécurité. Saint-Quentin joue ce rôle, c’est aussi le cas à Roubaix et ailleurs en France. Il faut que nos parlementaires comprennent que, selon la nature d’un sport, les taux de fréquentations ne peuvent pas être les mêmes pour tous les sports. C’est sûr qu’on met plus de personnes dans un stade de foot, mais c’est la diversité des pratiques qui fait la richesse du sport français. 

Quel est le bilan final du nombre de licences au 30 septembre ?
On termine avec une baisse de 2% par rapport à 2022 (il y en avait 109 668 au 30 septembre 2022, NDLR). Une fois n’est pas coutume, la baisse se cristallise sur le VTT et le BMX alors que le cyclisme traditionnel est à peu près stable à quelques unités près. C’est peut-être un phénomène de rattrapage, on atteint peut-être un plateau dans les clubs, alors que ces disciplines avaient résisté pendant le Covid, mais j’espère qu’on va arriver à passer au-delà. La bonne nouvelle c’est que la partie compétition n’est pas en baisse. On constate tout de même une baisse chez les jeunes mais qui semble liée à la diminution du VTT et du BMX.

« LE BLOC COMPÉTITION SE MAINTIENT BIEN »

Pourquoi les chiffres de la FFC, deux ans après le Covid, ne suivent-ils pas la courbe moyenne de +9% des autres sports pour 2023 (source Observatoire Jeunesse et Sport) ?
Il y a plein d’explications de nature différente. On avait redémarré plus vite après le Covid mais surtout, on était descendu moins bas alors que d’autres sports, notamment les sports en salle qui avaient pu perdre un tiers ou la moitié des licenciés, redécollent plus vite et peut-être plus durablement. On reste avec nos difficultés de base : on peut faire du vélo très facilement sans être licencié, ça restera une caractéristique de notre sport. Je pense que nous devons continuer à avoir des projets de développement qui assoient le cyclisme au-delà des licenciés, dans son volet sociétal de service à la population. Pour le rapprochement avec la licence, ça rejoint la dynamique des clubs. Leur volonté d’avoir ou non, plus de licenciés. Il y a des clubs dont ce n’est pas l’objet de grandir en nombre de licenciés. D’autres clubs sont arrivés à ce qu’ils considèrent être leur maximum et ils ne veulent pas se structurer davantage pour accueillir plus de licenciés. Il faut respecter les projets associatifs. L’essentiel est notre capacité à remplir, ou pas, nos compétitions. 

Après la réforme des licences, quelles catégories résistent le mieux ?
C’est justement le bloc compétition, le plus touché par la réforme, qui se maintient bien, il progresse même un petit peu. On en déduit que la réforme des licences n’est pas allée à l’encontre de l’attente des licenciés. La partie qui souffre le plus, c’est la partie sport de masse, les cyclosportives, qui concerne une activité qu’on peut pratiquer sans licence, c’est une de nos faiblesses.

« ON A MIS DE LA PROGRESSIVITÉ »

Pour les N1, 22 clubs remplissent le critère sportif. Auriez-vous aimé encore moins de DN pour avoir une pyramide encore plus pointue ?
À l’époque où les montées-descentes avaient été mises en place, il y a longtemps, j’étais assez sceptique sur la manière dont on l’avait organisé et la façon dont ça pouvait déstabiliser des projets de clubs. On a essayé de mettre dans cette réforme de la pondération avec cette période de deux ans. Je mesure bien l'effet déstabilisant sur le projet global des clubs, qui va bien au-delà de l’équipe première, de cet effet de label N1, N2, N3. La réforme a permis cette atténuation tout en revenant à quelque chose de raisonnable sur le plan sportif avec la pointe de la pyramide. Il faut aussi qu’on remplisse les courses, on arrive à une vingtaine de clubs de N1, ça me parait une proportion adéquate. 

Les résultats du critère sportif sont tombés assez tard (le 15 novembre). Il y a aussi le calcul des points bonus qui ajoute de la complexité…
Le classement arrive tard car nos compétitions finissent tard. Le système de points est un peu complexe, je le reconnais. Mais je n’ai pas de doute sur le fait que les clubs savent très bien où ils en sont. Quand on voit l’écart entre la barre à atteindre et le nombre de points des clubs relégués sur le plan sportif, je pense qu’aucun n’a été surpris.

Des clubs relégués disent aussi qu’ils ont le budget alors que des clubs ont arrêté faute d’argent. Peut-on envisager de voir des clubs repêchés ?
Ce serait une mauvaise idée de repêcher. On a mis de la progressivité, on s’est fait assez critiquer l’an dernier quand on a décidé de prendre un an de plus pour appliquer ces critères sportifs avec une période de deux ans. Maintenant, il faut franchir le pas et rentrer dans cette logique. Pour les clubs qui ont de la marge dans leur budget par rapport à celui de N2, ils pourront se renforcer dans tout ce qui environne la performance de leurs coureurs et ils refranchiront le cap vers la N1 dans les années à venir, je n’ai pas de doutes là-dessus. Il faut enlever de l’arbitraire et laisser fonctionner les critères, tout en restant vigilant avec notre CACG sur la solidité financière des projets présentés. On l’a vécu encore cette année, dès qu’un club est en difficulté financière (par exemple Dunkerque Littoral, NDLR), ce sont les coureurs qui se retrouvent en difficulté dans leur projet sportif.

Retrouvez la seconde partie de l'interview.

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