Sécurité : « Arrêter de se refiler la patate chaude »

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

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Etoile de Bessèges, Tour de Bretagne, Tour féminin des Pyrénées, Tour de France, Renewi Tour, Championnat du Monde... Les épisodes de neutralisation voire d'arrêt total de courses ont été nombreux en 2023. D'ailleurs, en juillet dernier, l'UCI avait reconnu "l'augmentation des incidents dans le cyclisme professionnel sur route masculin et féminin". (lire ici)Michaël Rogers, l'ancien triple Champion du Monde du chrono, aujourd'hui responsable de l'innovation à l'UCI, avait même précisé qu'il y avait 24% d'augmentation. C'est pourquoi l'organisme SafeR (pour Safe Road Cycling, cyclisme sur route en sécurité) a été lancé. L'idée a commencé à germer depuis la grave chute de Fabio Jakobsen au Tour de Pologne 2020. "Il fallait qu'on arrête de se refiler la patate chaude. La sécurité est un enjeu commun", stipule le Président de l'UCI David Lappartient au micro de DirectVelo.

LA FORMULE 1 EN EXEMPLE 

Présenté comme indépendant et financé par les parties prenantes du cyclisme (l'AIGCP pour les équipes hommes, l'UNIO pour les équipes féminines, l'AIOCC pour les organisateurs, les deux CPA pour les représentants des coureurs), SafeR a pour but de standardiser la sécurité. "Regardons l'exemple de la Formule 1. Même si c'est en circuit fermé et que c'est totalement différent, ils ont quand même nettement amélioré les conditions de sécurité. On peut le faire aussi dans le vélo".

Depuis 2021, l'UCI a renforcé ses mesures en terme de sécurité des épreuves cyclistes (lire ici) avec l’obligation pour tout organisateur d’épreuve de désigner et former un responsable sécurité de l’épreuve (ayant suivi des cours à l'UCI) au sein de sa structure. Selon le règlement, ce responsable sécurité évalue les risques de l’épreuve et veille au respect des règles de sécurité édictées d’une part par les instances du pays mais également par les instances sportives (UCI). Il y a aussi eu une collecte et une analyse d'informations, menant à la création d'une base de données sur les origines des incidents et accidents survenus lors des épreuves majeures de l’UCI WorldTour sur les cinq dernières années. "Il y a eu un bel effort des parties prenantes pour identifier les causes du manque de sécurité", se félicite David Lappartient. Ce qui a conduit à des sanctions, comme la rétrogradation et l'annulation de certaines courses. À titre d'exemple, le Tour de Turquie est passé de ProSeries à Classe 1 cette saison mais retrouvera la ProSeries l'an prochain. L'UCI passe donc à l'étape suivante avec SafeR. "On s'est dit qu'il fallait maintenant un organe ayant une autorité pour garantir la sécurité. Il faut des gens sur place. Cela demande des ressources humaines et des moyens qu'on n'avait pas jusqu'à présent. Il fallait qu'on les mette".

IMPOSER UNE AUTORITÉ AUX ORGANISATEURS

David Lappartient espère ainsi voir diminuer le nombre d'arrivées qu'il juge "inacceptables", sans citer d'exemple. Ce qui a valu à l'UCI de nombreuses critiques, comme le fait de se demander comment l'UCI a-t-elle pu valider certains sites d'arrivées. "Le problème, c'est qu'on ne le fait pas. (Pour rappel, à l'article 1.2.063 de l'organisation générale du sport cycliste, il est indiqué qu'en aucun cas l’UCI ne pourra être tenue responsable des défauts dans le parcours ou les installations ni des accidents qui se produiraient. Mais le règlement de l'UCI prévoit aussi qu'elle peut désigner un délégué technique chargé de l'inspection générale de l'épreuve, en particulier des "points dangereux signalés par l'organisateur" NDLR). Nous n'avons pas les moyens financiers et humains. C'est ça le sujet. L'organisateur reste le responsable de la mise en place de conditions de course adaptées. Ce n'est pas toujours le cas. Avec les membres de SafeR, on pourra imposer une autorité sur les organisateurs, même si la réglementation et le disciplinaire restent à l'UCI".

Le rôle de SafeR est amené à être important à l'heure où le mobilier urbain veut freiner un maximum les véhicules et où les vélos sont de plus en plus aérodynamiques. "C'est un vrai sujet. J'ai été maire et je sais qu'il n'y a pas une seule réunion qui ne porte pas sur des demandes de ralentisseurs. Toutefois, pour la pratique du haut niveau, ça se complique. Quand on a une route limitée à 30 km/h, comment passer avec un peloton qui file deux fois plus vite ? On devra repenser les parcours et les arrivées". SafeR réalisera aussi à terme des évaluations des risques sur les parcours des courses UCI WorldTour Hommes et Femmes, ainsi que des ProSeries, en fournissant des conseils de sécurité aux parties prenantes et aux commissaires UCI pendant les courses, en réalisant des audits de sécurité sur les organisateurs et les équipes mais également en publiant des rapports de sécurité trimestriels qui seront utilisés pour améliorer la sécurité et partager des informations.

UN PLUS GRAND NOMBRE DE COURSES EN CIRCUIT ? 

Par conséquent, il serait nullement surprenant de voir davantage de courses en circuit à l'avenir. Elles offriraient aussi la possibilité de faire payer le spectateur. "Quand j'étais l'organisateur du Grand Prix de Plumelec, on demandait 5 euros, ce n'est pas la mort. Les gens comprenaient que cela nous permettait d'atteindre l'équilibre d'une épreuve ProSeries. Les organisateurs voient leurs coûts augmenter, pourquoi ne pas étudier la question dans certaines occasions ?". 

Si SafeR peut amener une amélioration de la sécurité, il ne pourra pas complètement résoudre le problème des chutes, inhérent à la pratique cycliste. "50% des chutes sont liées à des fautes humaines, affirme-t-il. Il y en aura toujours. Il suffit d'un rien pour en provoquer une. Une inattention et vous touchez la roue de celui qui cherchait à éviter un trou dans la route". Le cyclisme reste et restera un sport dangereux. 

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